CHARON
Trouver l’origine du mythe de Charon semble délicate. En effet un poème «
Minyen » (Grec), cité par Pausanias donne aux Egyptiens la primeur de cette légende. Celle-ci sera confirmée par
Diodre de Sicile mais aucune autre mention sérieuse ne viendra étayer cette affirmation.
Personnage d’abord ignoré des Grecs, il faut plutôt le rapprocher du peuple Etrusque qui le nommait « CHARUN ». Toutefois il faut noter une différence importante entre les deux « CHARON ». Celui des Etrusques se démarque par son aspect et sa fonction. Simple serviteur des enfers, il ne se distingue d’aucun autre démon. Figure effrayante au dos ailé, agitant des serpents, armés soit de marteaux, de fouets et autres « charmant ustensiles » qui lui servent à saisir, garder mais surtout tourmenter les morts. D’aspect hirsute, au nez crochu et aux dents de sanglier, ce démon apôtre de la mort fût représenté assez souvent sur divers support comme des fresques, des sarcophages, des urnes et des vases. Enfin les Etrusques mentionnent aussi Charon accompagnant Mars sur les champs de bataille.
Conception nouvelle venue probablement du nord d’un courant étranger apparu vers l’époque «
Pélasgique », le mythe de Charon chez les Grecs ne reprend que quelques traits généraux par rapport à celui des Etrusques.
Apparu tardivement, ignoré d’Homère, nommé « CARON » en Grec ancien, on retrouve une première trace de Charon dans la littérature Grecque avec le poème de « Pausanias ». Charon fils d’Erèbe (les ténèbres) et de Nyx (la nuit) était le « Nocher des enfers ».
Personnage mythologique très populaire pendant la grande période du théâtre d’Athènes, les auteurs dramatiques d’alors ont permis à encrer au sein de l’imagination populaire une image forte et familière.
Divinité secondaire du monde des enfers, serviteur impassible du dieu des ténèbres, son rôle consiste à faire franchir les fleuves marécageux tel le Styx ou l’Achéron ou encore le
Cocyte (suivant les diverses sources), aux âmes qui devaient payer entre une et trois oboles, ni plus ni moins (c’est pour cela qu’il était de coutume de mettre une pièce de monnaie sous la langue des morts).
Choisissant parmi les âmes diverses entassées sur la rive, Charon repoussait impitoyablement les ombres de ceux qui avait été privé de sépulture et ceux qui était dans l’incapacité de monnayer leurs traversées. Ainsi démunies les âmes erraient sans repos pendant 100 ans sur le bord du fleuve avant que l’on ne décide de leurs sorts.
Charon souvent décrit comme un vieillard morose, avare, fort laid et barbu. Vêtu de haillons foncés, sale il est néanmoins encore fort et solide.
Devant cet aspect inquiétant les âmes sont néanmoins mises à contribution et doivent ramer, Charon se contentant de « barrer » sa barque mais tout en les réprimant sévèrement !
Sur celle-ci est dessiné un œil censé protéger des mauvais esprits, il rappelle aussi la peinture figurant sur la proue des navires de guerre Grecs. A l’origine la barque est simplement la métaphore de la mort.
Virgile lui consacre un véritable portrait en 7 vers ! Avec des caractéristiques mentionnées nulle part ailleurs comme : des yeux incandescents, effrayant, monstre ricanant au nez crochu, aux dents de sangliers et pourvu d’un énorme maillet ! Cette description rappelle étrangement celle des Etrusques !
En plus d’être passeur Charon empêche les âmes de s’échapper des enfers et il partage avec Hermès le qualificatif de « conducteur des morts ».Il doit aussi refuser ses services aux vivants. Charon symbolise la mort imminente, il attend celui qui ne peut lui échapper, il l’appelle, le presse, lui intime l’ordre de s’embarquer, « Charon t’appelle, tu l’empêches de gagner le large » tel le scandait « Aristophane », menaçant le commissaire du peuple !
Charon dans la chanson populaire Grecque est une des figures de la mort. Mis en scène dès le Xème Siècle les chants dits « Akrites » représentent des héros tel que « Digénis » voulant prouver son courage défie la mort à travers les traits de Charon.
Il était très rare que Charon laisse passer un mortel mais néanmoins plusieurs cas sont à noter dans la mythologie Grecque. Quand Héraclès descendit aux enfers, il se heurta à Charon, mais devant cet obstacle bien gênant Héraclès utilisa la manière forte en lui donnant de fort coup de rame sur la tête, forçant ainsi le passage ! Le pauvre Charon subit les foudres suprêmes devant ce sacrilège en étant emprisonné et enchaîné pendant 1 an ! On prétend même que Charon avait été puni et exilé pendant un an dans les profondeurs du Tartare pour avoir laissé passer Hercule ! Il aurait fallu que ce dernier obtienne un rameau d’or consacré à Prospérine et détaché d’un arbre fatidique, paiement habituel que devait s’acquitter les vivants. C’est ainsi que la Sybelle de Cumes dut donnée un rameau d’or à Enée pour pouvoir accéder au royaume des morts. D’autres mortels passèrent néanmoins mais de façon différente, Psyché venue pour demander à Perséphone un précieux flacon, dut payer avec deux pièces de monnaies pour son aller et son retour, Charon accepta sans rien dire…Enfin utilisant la ruse, Orphée venue chercher son Eurydice, le charma avec sa harpe.
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Les peintres et Charon
Il existe plusieurs représentations de Charon en peinture. Celle de Joachim Panetier, peint entre 1515/1524 avec son « Charon traversant le Styx » est visible au musé du Prado à Madrid. Une autre toile peinte par le Français Pierre Subleyras (1699-1749) titré « Charon passant les ombres » nous donne comme composition une scène fort inquiétante, jugez plutôt : Un gibet, de nombreux corps suppliciés, une chauve souris au sombre présage, le décor lugubre est planté ! Charon peint de dos vogue sur le Styx emportant les âmes drapées de leur linceul vers le lieu de leur dernier repos…Enfin le peintre Anglais John Roddam Spencer Stanhope de l’école PréRaphaélite (1829-1908) nous livre avec sa toile intitulé « Charon prend l’argent de la bouche de Psyché » une œuvre tirée de la mythologie Grecque.
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Charon et la poésie
Le célèbre poème de Gérard de Nerval « El Desdichado » cite implicitement Charon, pour preuve :
EL DESDICHADO
Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Etoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.
Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s'allie.
Suis-je Amour ou Phébus ?... Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
J'ai rêvé dans la Grotte où nage la sirène...
Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.
Ce vers évoquerait les deux crises de démence, celle de 1851 et de 1853, que le poète a vécu comme une « petite mort ». Tel Orphée, il est revenu par deux fois du royaume des morts…
Lexique :
- Minyen : Céramique de l’antiquité Grecque
- Diodre de Sicile : Historien et chroniqueur Grec du 1er siècle Av J.C. auteur entre autre de la bibliothèque historique.
- Pélasgisque : Ancien peuple et premier habitants de Grèce et d’Italie
- Cocyte : Affluent du Styx, fleuve des lamentations alimenté par les larmes des voleurs
Illustration de John Roddam Spencer Stanhope
Perceval, pour la réunion du 21/09/08
petite visite.Mon blog
Bonjour,Très bon votre travail,
je suis auteur de fables et contes en Martinique.
Venez me lire j'en serai charmé.
Cordialement,*
JMarc.
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