Poèmes de nos membres
Publié le 16/11/2011 à 13:58 par arcaneslyriques
LE NAIN
Sur les marches d'un trône serti d'or et d'argent
Un bouffon est couché, plein de mélancolie,
Que ne peuvent aviver les beautés de l'Orient
Ni les mets délicats des festins de la nuit.
Dans le corps évidé d'un calice éclatant
Se mirent les reflets de sa difformité ;
Et ses plus chers secrets, au foyer rougeoyant,
Étalent pleins de langueur leurs effroyables attraits.
Musiques consacrées, agapes tumultuaires,
Des bacchantes poudrées se sont tues désormais ;
Quant aux râles expirés et aux soupirs clairs
Ils ne résonnent plus que dans des salles usées.
Hier il fut un dieu qui pour plaire aux hommes,
De sa voix éraillée défia le firmament ;
Aujourd'hui il n'est plus, exilé loin de Rome,
Qu'une silhouette torse s'oubliant dans l'encens.
Ajoutant à sa peine un juste châtiment
Ce fantôme a saisi de ses doigts courts et grêles,
Rire muet, une tenaille des braises arrachant
L'orbe fier et brillant du creux de ses prunelles.
Algernon
Publié le 06/05/2009 à 12:00 par arcaneslyriques
Le bord de l’abîme
La comtoise lançait, en tenant la cadence,
Son maigre balancier marquant l’instant venu
De figer le futur, le présent et l’enfance
En martelant le temps d’un tic-tac ingénu.
Sur la blancheur du drap se mourait le grand-père,
Ce passeur de mémoire aux souvenirs lointains
Qui portait sur ses chairs les traces en repère
Du sablier filtrant les lustres de ses grains.
De la pièce voisine il perçut le ramage
De ceux qu’il appelait : « ses chers petits sabots »,
Qui venaient remplacer sa souche à l’abattage
Comme font au verger les noyaux d’abricots.
Son regard fatigué consulta son épouse
Pour savoir si vraiment il avait adouci
Ce long hymen passé moins en robe qu’en blouse
Et reçut en retour un sourire en merci.
Les senteurs du jardin passèrent la fenêtre
Pour répandre un adieu d’un bouquet délicat
Et le remercier pour l’endroit de bien-être,
Duquel elles étaient l’enivrant résultat.
De ses doigts tremblotants il caressa la toile
Du lit qui renfermait de tendres souvenirs.
Il se souvint des soirs où s’y hissait la voile
Pour voguer sur Cythère en quête de soupirs.
Quand sonna la comtoise, il sentit dans sa bouche
Monter un goût de terre aux relents de charnier,
Puis pressentant la mort au-dessus de sa couche
Il comprit que son souffle était le tout dernier.
Patrick Duchez, Messas le 11 novembre 2008
Illustration : Louis HERSENT. - Bichat mourant
(entouré de ses amis les Drs. Esparron et Roux)
Publié le 15/04/2009 à 12:00 par arcaneslyriques
Souvenirs Posthumes
Deux âmes dans la nuit quittent leur sépulture
Spectres blancs, décharnés, au contour ondoyant
Flottent dans le brouillard dans un bruit d’ossature
Et scrutent les tombeaux d’un regard effrayant.
Éclairés chichement du falot de la lune,
Avançant en silence au milieu des caveaux,
Les deux esprits palots, recouverts par la brune,
Entendent retisser leurs lointains écheveaux.
Ils s’arrêtent pensifs en observant les stèles
Et lisent d’un œil creux le nom du trépassé,
En cherchant par tous ceux ayant laissé séquelles,
A raviver le temps de leur lointain passé.
Souvenirs d’une époque incrustés dans la pierre
Couverte d’un humus, verdoyant cafetan,
Apportent des parfums de fleurs de cimetière
Réveillant des regrets du vieux monde d’antan.
Même l’odeur du buis planté dans chaque allée
Rappelle ce jardin entourant la maison,
Où passaient les printemps sous la voûte étoilée
Et l’effluve répand une amère oraison.
Ils s’approchent, priant, de la Croix suspendue
Sur laquelle est le Christ dans sa crucifixion,
L’implorant d’avancer l’heure tant attendue
Où sonne pour les morts la résurrection.
Puis retournent courbés garnir la catacombe
Pour continuer au noir leurs siècles de trépas
En regrettant, meurtris, qu’au pays d’outre-tombe,
Dans le froid du linceul, les morts ne pleurent pas.
Patrick Duchez, Messas le 14/08/2007.
Illustration : Anne Claire Payet.
Publié le 05/03/2008 à 12:00 par arcaneslyriques
Nuée Ardente
De la fugacité de mes fièvres
Naît une éruption volcanique
Un bombardement sec,
Une détresse organique.
D’un violent retentissement
S’écroule un à un
Tous les remparts
Qui protégeaient ma vie.
Et la lave coule abondamment
Déversant son acide,
Déversant son chagrin.
C’est une révolution intérieure
Pour une guerre perdue d’avance
Mais c’est ma révolution
Contre un monde sans cœur,
en perte de sens.
De la violence de mes veilles
Naît une explosion sismique
Un cœur en exergue
Une tristesse sans limite.
D’un éclair foudroyant
Se déchire un à un
Tous les tissus
Qui enserraient ma vie.
Et la fumée monte avidement
Recouvrant mon air,
Recouvrant ma faim.
C’est une destruction intérieure
Qui n’a peut-être plus aucun sens
Mais c’est ma destruction
Face à l’indifférence…
Odéliane.
Publié le 20/02/2008 à 12:00 par arcaneslyriques
L’ATTACHEMENT
Je m’attache à des noms, à des visages
Je les apprends par cœur
Et je les collectionne
Comme des amulettes
Qui préservent du malheur.
Je m’attache à toi, je m’attache à eux
A cette étoile qui scintille
Qui bien trop fébrile
Disparaît dans la nuit immense.
Je m’attache à ces sons, à ces images
Je les apprends par cœur
Et je les collectionne
Comme des porte-bonheurs
Devenus protecteurs.
Je m’attache à toi, je m’attache à eux
A cette ombre projetée
Qui bien trop rapide
Disparaît sur le muret isolé.
Je tends la main à cet homme, à cette femme
A ce fantôme qui me sourit ;
Je préserve la flamme
De mon enfance attendrie,
Et je continue d’espérer
Jusqu’à ce qu’il n’y ai plus rien à espérer
Et je continue à rêver
Jusqu’à ce que le réveil sonne, habitué.
Et je cherche des yeux ton regard
Se posera t-il enfin sur moi ?
Odéliane.
Publié le 08/12/2007 à 12:00 par arcaneslyriques
Rétrogenèse
A l’aube, les bestiaux se mirent à périr,
Animaux se couchant pour se laisser mourir,
De l’âne au bouquetin.
Suivis par les serpents s’éteignant en silence
Malgré la reptation en longue pénitence.
Et il y eut un soir, il y eut un matin.
Les oiseaux sans un cri tombèrent à leur tour
Foudroyés en plein vol, de l’ibis au vautour,
En danse de pantin.
Le ventre des poissons effleura la surface,
Cadavres pourrissant de la fin d’une race.
Et il y eut un soir, il y eut un matin.
Notre grand lumignon ne s’en vint plus briller
Privant de ses rayons un ciel écarquillé
De voir terni son teint.
La nuit ne put trancher ayant perdu fortune
De l’éclat argenté de son croissant de lune.
Et il y eut un soir, il y eut un matin.
Les arbres pétrifiés en poses de martyrs
Laissèrent aux rameaux la récolte blettir
Vers son triste destin.
S’enfonça dans les mers le sec appelé terre
Faisant seules les eaux en derniers légataires.
Et il y eut un soir, il y eut un matin.
Le ciel dans un éclair disparut sans un bruit
Laissant partir les eaux tout au fond de la nuit
Dans l’espace lointain.
La terre de nouveau devint informe et vide
Planète sans couleurs aux ténèbres sordides.
Et il y eut un soir, il y eut un matin.
Alors la Voix tonna contre l’humanité
Ne sachant pas saisir les opportunités
Offertes dans l’espoir :
« Polluer, guerroyer, actions trop coutumières
Pour ces gens disparus. Je coupe la lumière ! »
Et il y eut un soir.
Patrick Duchez
Publié le 27/11/2007 à 12:00 par Patrick Duchez
LA MOLDAU
La Moldau (Vltava en Tchèque) est une rivière de la république Tchèque qui traverse la Bohème, passe à Prague avant de se jeter dans l'Elbe.
Le compositeur tchèque Bedrich Smetana (1824 - 1884) est l'auteur de poèmes symphoniques Ma Patrie parmi lesquels figure La Moldau. En écoutant son oeuvre symphonique, on peut suivre le cours de cette magnifique rivière, de sa naissance jusqu'à l'instant où elle se jette dans l'Elbe dont-elle est un des affluents.
J'ai tenté l'exercice de retranscrire en vers les notes de cette symphonie. Les mélomanes jugeront du résultat.
La Moldau
Un air papillonnant d’une flûte en roseau,
Un léger pincement d’un doigt sur une corde
Et l’on entend déjà le petit chant de l’eau
Qu’un vent de violons enveloppe et déborde.
Et il descend, descend jusqu’au bout de l’archer,
Ce ruisseau ravissant traversant la Bohème
Qui valse sur un air tout bien endimanché
En faisant miroiter ses éclats de diadème.
Au milieu des forêts, gîtes des farfadets,
S’écoule son courant, étiré par un cuivre,
Où s’abreuve un grand cerf qui, roi des cervidés,
Entend le son du cor dans le bois le poursuivre.
Puis son onde frissonne aux accords guillerets
Annonçant sur la rive une fête champêtre,
Egayant les blés mûrs colorant les adrets
Et dont les chants joyeux s’en viennent la repaître.
La nuit tout en douceur tend son voile bleuté
En laissant s’échapper, des cordes de la harpe,
Les douces roussalkas qui, dans la pureté,
Portent pour seuls atours les astres en écharpe.
Saint-Jean est annoncé en torrent de hautbois,
Cymbales percutant les vagues sur la roche
Et écument les eaux, des remous aux abois,
Contre les percutions au son qui s’effiloche.
Le calme enfin revient, le flot majestueux
Avance dans son lit, orchestre sur la vague,
Salue Vysehrad d’un flux respectueux,
Brûle ses violons en l’honneur du vieux Prague.
Elle arrive sereine au bout de son destin,
Et s’en vient pour mourir au timbre de trompette
En jetant ses remous dans l’Elbe qui l’éteint
Apportant à ses eaux une gloire complète.
Patrick Duchez
Roussalkas : fées des bois
Vysehrad : vieux quartier de Prague
Publié le 03/10/2007 à 12:00 par Odéliane
L’INTROVERTI
Glissé derrière le rideau de la vie
On ne le regarde pas sinon il rougit,
Au sein de l’intimité préservée
Il déploie ses ailes fanées.
Il ignore tout des autres
Il ne se mélange pas
Il n’est que l’hôte
D’un monde qu’il ne comprend pas.
En quête de paroles murmurées
Il écoute le silence des nuits d’été.
Dans sa solitude, son retrait
Il croit avoir trouvé la paix
Mais dans son monde à lui
Rien n’est acquis, rien n’a de vie.
C’est de pas de sa faute à lui
S’il est comme ça, l’introverti.
Il observe la terre qui tourne sans lui
Il a mal au fond de lui
Mais ne le dit,
Puisqu’il ne parle pas
Puisque c’est mieux comme ça.
De toute façon lui-même
Ne comprend pas.
Il a toujours été comme ça, introverti.
Recroquevillé, bien à l’abri
Dans son petit nid solitaire
Il attend patiemment
Le jour où l’on voudra bien de lui.
Où l’on saura que son cœur n’est pas de pierre
Mais juste fait de sang et de chair.
C’est pourtant pas de sa faute à lui
Si personne ne comprend le mot « introverti ».
Le temps passa malgré lui
Et rien ne se passa pour améliorer sa vie
Alors un jour, une fenêtre très attirante
Son corps inerte sur le pavé froid
Il venait de tirer sa révérence
Et bien sûr personne ne le remarqua.
C’était pas de sa faute à lui
S’il était mort comme ça, introverti.
Odéliane
Publié le 26/09/2007 à 12:00 par Odéliane
NARCOTIQUE
Si être vivant c’est être vide
Si tout écorche, tout devient hostile
Tourner sa dernière haine contre soi
En se faisant mourir, mourir de froid…
Le corps anesthésié,
Les souvenirs confondus
Perdre toute moralité
L’esprit mis à nu.
Violé de peine, attendre son trépas
Dans un espoir létal, se laisser bercer.
L’oubli, puissant narcotique
Apaise la douleur, endort l’émoi.
Le cœur en apnée,
Les souvenirs confondus
Perdre toute faculté
L’esprit mis à nu.
Si être vivant c’est être vide
Si tout abîme, tout devient stérile
Tourner sa dernière haine contre soi
En se faisant mourir, mourir tout bas…
L’âme putréfiée
Les souvenirs confondus
Perdre toute pitié
L’esprit mis à nu.
Rempli de chagrin, faire un dernier pas
Dans une illusion légale, se laisser dorloter
L’oubli, puissant narcotique
Atténue la souffrance, endort le Moi.
Si être vivant c’est être vide
Si tout se fend, tout devient futile
Tourner sa dernière haine contre soi
En se faisant mourir, mourir parfois…
Odéliane
Publié le 24/09/2007 à 12:00 par PerCeVaL
LUCIDE DIVAGATION
Fertile magma est mon sang,
Pour abreuver tes sillons d’amour,
Et voir pousser jour après jour,
Notre rose rouge, sans colorant.
Atteints par ton fauvisme éclatant,
Reflet multicolore du prisme de tes yeux flamboyants,
J’en aspire leurs couleurs pour dessiner les contours,
De ton corps jusqu'à m’en rendre sourd.
Dans mon élan de folie où règne tour à tour,
Mes mots, mes gestes, mes regards, mes pensées,
Expression symphonique de mon cœur de tambour,
Tu résonnes par roulement saccadés,
Vers les sommets ultimes, hymne à ta beauté,
Qui rendrait jalouse les princesses des contes de fées.
Tel un paon d’or et d’argent,
Qui parade en roue fièrement,
Moi l’oiseau je fais ma cour,
Paré de mes plus beaux atours,
Et dépose à tes pieds de velours,
Ma plus belle chanson d’amour.
Ô mon étoile, ô mon astre de passion,
Te donner le soleil et la lune sont pour moi un jeu d’enfant,
Anobli par ton cœur j’en suis le gardien maintenant,
Je veux être le livre que tu dévores page après page en dévotion.
En pâmoison, j’ai de lucides divagations.
PerCeVal