Art pictural et illustration
Publié le 15/09/2009 à 10:37 par arcaneslyriques
La Mort du fossoyeur
Carlos Schwabe
Carlos Schwabe (1866-1926)
Carlos Schwabe est né en 1866 à Altona, près de Hambourg (Allemagne). Son père était commerçant et négociant. En 1870, la famille s’installa en Suisse, à Genève. La vocation de Carlos était aussi précoce et qu’irrévocable. Rien n’a pu l’en détourner, même pas une carrière de ténor, qui aurait pu être favorisée par son oncle, chanteur à l’opéra de Berlin. Une anecdote : quand il était encore petit garçon, sa maison fut détruite par un incendie. Ses parents le cherchaient, inquiets. L’enfant était au milieu des décombres, en train de dessiner les pompiers ! Il finit par imposer son idée à ses parents.
Il arriva à Paris en 1884, à 18 ans et commença à gagner sa vie. Il est autodidacte.
On peut le qualifier de :
- Visionnaire
- Mystique
- Consciencieux
- Passionné
- Taciturne
- Solitaire
- Idéaliste
Pour lui, l’art a une fonction d’élévation spirituelle.
C’est un artiste symboliste. Le symbolisme est mouvement artistique apparu en France et en Belgique vers 1870 en réaction au naturalisme. Le symbolisme consiste notamment à exprimer des idées par des images, à mettre en avant les symboles qui sont sous-jacents à la réalité.
Schwabe a réalisé des affiches et illustré des romans, dont :
- Catulle Mendès,
L’Evangile de l’enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ selon Saint Pierre
- Emile Zola,
Le Rêve
- Stéphane Mallarmé,
Poésies
- Charles Baudelaire,
Les Fleurs du mal
- Catulle Mendès,
Hespérus
- Albert Samain,
Au jardin de l’infante
- Maurice Maeterlinck,
La Vie des abeilles
- Maurice Maeterlinck,
Pelléas et Mélisande
- Longus,
Daphnis et Chloé
Ses œuvres principales (hors illustration) :
Aquarelles :
La Mort du fossoyeur,
Le Destin,
La Vierge aux lys,
Les Champs-Élysées
Huiles sur toile :
La Douleur,
L’Idéal,
La Vague
Dessin :
La Passion,
Lotte,
Le Poète en marche,
Le Faune
Curieusement, il a souvent changé de signature :
- SCH Carloz
- Carloz Schwabe
- Carlos Schwabe
- Carlos Schwab
- O. Carlos Schwab
- Ombra Carlos Schwab
Schwabe utilise des symboles maçonniques, ésotériques, occultes (
Le Jour des morts). Au début de sa carrière, ses traits mêlent archaïsme et minutie (
La Nativité, le chant du soir). Son œuvre est influencée par l’art japonais, ainsi que par l’art médiéval et de la Renaissance. Il est un précurseur de l’Art nouveau (décor végétal). A partir de 1900, le public se désintéressant du symbolisme, il explore de nouveaux horizons (paysages, portraits). Il reprend également d’anciens thèmes, ce qui permet de se rendre compte, par comparaison, de ses progrès techniques (perte de la rigidité, etc.). Mais le souci du détail est une caractéristique qu’il ne perdra jamais.
L’artiste s’est marié deux fois. Ses femmes ont été pour lui des inspiratrices et des modèles. Il est mort à Avon (Seine-et-Marne) en 1926, dans une relative indifférence.
« Je pensais conquérir tout un monde, Je n’aurai conquis, à ma fin, que quelques âmes. »
Carlos Schwabe
Certaines de ses œuvres se trouvent au musée du Louvre, dans le cabinet de dessins.
Son arrière-petit-fils, Jean-David Jumeau-Lafond, a passé plus de quinze ans à étudier la vie et l’œuvre de son aïeul. Il a écrit plusieurs livres sur lui, dont
Carlos Schwabe, symboliste et visionnaire, paru aux éditions ARC en 1994.
La Mort du fossoyeur (1895-1900)
C’est une aquarelle et gouache sur esquisse à la mine de plomb sur papier. Elle mesure 75 x 55,5 cm. Elle se trouve au musée du Louvre (cabinet de dessins).
Description
L’aquarelle représente deux personnages dans un cimetière. Ils sont au premier plan et occupent le bas de l’aquarelle et la partie droite. Il y a un ange noir et un fossoyeur. Ils se trouvent sous un saule pleureur qui n’a pas de feuilles (c’est l’hiver).
Les tombes sont au second plan, sur la gauche. Elles sont couvertes de neige. Tout est immobile.
Le fossoyeur est en train de creuser une tombe. Le travail est bien avancé. Il est dans le trou. Au-dessus de lui, un ange aux ailes noires est accroupi.
C’est Maria, la première femme de Carlos, qui a servi de modèle à l’ange noir. Son visage est paisible. Il semble sûr de lui. Son regard est baissé en direction du fossoyeur. Il est jeune, gracieux, féminin. Ses doigts sont anormalement longs et ont quelque chose d’animal. La pose est incongrue et plutôt inconfortable (accroupi, pieds nus, bras levé). L’ange porte une longue robe noire avec de nombreux plis et une ceinture noire. Le drapé fait penser à ceux du peintre Edward Burne-Jones (préraphaélite). La coiffure est assez typique du début du vingtième siècle (cheveux coupés court qui forment deux bandeaux). La tresse qui passe sur son front revient assez souvent dans les œuvres de Schwabe et s’inspire entre autres des représentations médiévales.
Le fossoyeur est âgé. Sa peau est ridée. Il porte une longue barbe blanche. Ses cheveux blancs sont assez longs. Lui aussi est vêtu de noir. Il n’est pas très couvert malgré le froid. Son corps est sec et musculeux. Il a l’air en bonne santé et pourrait encore vivre un certain nombre d’années.
La moitié de l’œuvre est sombre (celle avec les personnages), l’autre est claire (cimetière enneigé). Les deux parties sont délimitées par une diagonale.
Analyse & symboles
La mort
L’hiver, la neige, l’immobilité et le cimetière symbolisent la mort. Le saule pleureur évoque le regret, la nostalgie, la tristesse et la mort, mais c’est aussi un arbre de vie. La lumière du couchant est visible en haut à gauche de l’aquarelle. Il s’agit aussi du crépuscule de la vie.
L’ange
Les branches du saule et les grandes ailes noires de l’ange plongent dans l’excavation. Les ailes de l’ange ont une forme enveloppante qui suggèrent l’affection et la possession. La forme de l’aile est aussi celle de la faux, accessoire de la Mort. L’ange tient une flamme verte dans la main. Le vert est la couleur de l’éternité et de la régénération.
Le fossoyeur
Son visage est levé en direction de l’ange. Il a en même temps l’air émerveillé, surpris et résigné. Ses sentiments sont suggérés par l’expression de son visage et par la position de ses bras. L’une de ses mains tient une pelle et semble sur le point de la lâcher.
L’idéal
Dans le fond de la composition, le terrain s’élève (étagement des tombes). Schwabe utilise souvent la montagne comme symbole de l’élévation vers un idéal.
L’au-delà
Contrairement à de nombreux artistes, Schwabe a une vision paisible de la mort et de l’au-delà. Le personnage de la Mort n’a pour lui rien de macabre ou d’effrayant. Au contraire, c’est une femme douce et bienveillante. La mort est à la fois un espoir et un accomplissement.
Bibliographie
Jean-David JUMEAU-LAFOND,
Carlos Schwabe, symboliste et visionnaire, éditions ARC, 1994
Webographie
Biographie :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Carlos_Schwabe
Galerie et biographie :
http://www.artmagick.com/pictures/artist.aspx?artist=carlos-schwabe
Galerie :
http://pintura.aut.org/BU04?Autnum=13.692
Rachel Gibert, pour la réunion du 5 septembre 2009
Publié le 15/09/2009 à 10:10 par arcaneslyriques
21 juillet 1866
Naissance à Altona, près de Hambourg (Allemagne), de Emile Martin Charles Schwabe, fils de Georges Henri Charles Auguste Schwabe et de Jeanne Henriette Christine Bolten
1870
La famille s'installe à Genève
1882
Court passage à l'Ecole des Beaux-Arts de Genève ?
1882-1884
Ecole des arts industriels de Genève
1884
Arrivée à Paris
Schwabe dessine du linge damassé et des motifs de faïences colorées pour la manufacture Deck
9 novembre 1888
Il obtient la nationalité suisse afin probablement de percevoir la pension Lissignol
1890
Premières œuvres connues de l'artiste :
- Un programme pour un pièce de théâtre
-
La Nativité, le chant du soir, aquarelle et encre de Chine sur papier
Schwabe habite rue du Val-de-Grâce puis 117 boulevard de Montparnasse
1891
Il vit avec Marie-Adélaïde Vari (Maria) et s'installe à Montigny
Exposition à la Société nationale des Beaux-Arts :
-
Les Cloches du soir, peinture à l'huile
Naissance de sa fille Charlotte
1892
Affiche du Salon de la Rose+Croix (organisé par Joséphin Péladan, fondateur de l'Ordre de la Rose+Croix catholique et esthétique du Temple et du Graal, un des ordres occultes qui se réclame de celui du 17e siècle)
Le Jour des morts, aquarelle et encre sur papier
Frontispice de la revue
L'art et l'idée
Couverture de la revue
L'Idée libre
Illustration du
Rêve d'Emile Zola
Publication de
L'Evangile de l'enfance de N.-S. Jésus-Christ selon Saint Pierre mis en français par Catulle Mendès
1893
Schwabe s'installe à Barbizon (il y restera jusqu'en 1902)
Commande des illustrations de
L'Immortalité, troisième partie de
L'Effort d'Edmond Haraucourt
La Douleur, huile sur toile
Illustration des
Poésies de Stéphane Mallarmé
Les Âmes du purgatoire, aquarelle
Naissance de sa fille Odette
1894
Dessin à la mémoire de Guillaume Lekeu (compositeur belge ami de Schwabe), mine plomb sur vélin ancien
Affiche pour l'audition d'œuvres de Guillaume Lekeu
L'Ange de la mort, dessin à la mine de plomb pour
La Mort du fossoyeur
Le Destin, aquarelle et gouache sur papier
1895
Exposition à la Société nationale des Beaux-Arts :
-
La Mort du fossoyeur
-
Le Destin
-
Sur le chemin de la vérité, 1894, aquarelle, s'inspire d'une des planches de
L'Effort
Affiche de
Fervaal, drame lyrique de Vincent d'Indy
Naissance d'Anne-Marie, sa troisième fille
1896
Illustration des
Fleurs du mal de Charles Baudelaire
Il en tirera, en 1907 :
-
Spleen et idéal, aquarelle et gouache sur papier
-
Spleen et idéal, huile sur toile"
Vierges aux lys, série d'aquarelles
Salon de l'Art nouveau de Siegfried Bing
Naissance de son fils Pierre
1897
Femme tenant un iris, dessin au crayon, repris pour l'
Allégorie de la reliure, 1903
1898
La comtesse de Béarn lui commande
La Vierge aux lys, aquarelle
Schwabe loue un pied-à-terre à Paris, 86 rue Notre-Dame-des-Champs, en plus de la villa de Barbizon
1899
La Passion, mine de plomb, gouache colorée sur carton
1900
Il reçoit la médaille d'or à l'Exposition universelle
Dreyfusard, il perd d'importants soutiens
Mariage de Carlos et Maria
Naissance de Maria, leur cinquième enfant
1901
Schwabe est fait chevalier de la Légion d'honneur
Il quitte Paris pour le château d'Alizay (Eure)
Il est souffrant
1902
Le Mariage du poète avec la muse, aquarelle, première version de
L'Idéal
Vues des hautes montagnes du Dauphiné, série d'huiles sur bois
1903
Exposition à la Galerie des artistes modernes
Homère aux Champs-Elysées, huile sur toile
Les Champs-Elysées, aquarelle
1904
Parution d'
Hespérus de Catulle Mendès
Illustration d'
Au jardin de l'infante d'Albert Samain, qui ne paraîtra qu'en 1909 (gravures nombreuses et complexes)
Naissance d'un sixième enfant, Jean
1905
Schwabe s'installe à Neuilly, 150 rue Perronet
Exposition au Salon d'Automne :
- Aquarelles d'
Hespérus
1906
Illustration des
Paroles d'un croyant, de l'abbé Félicité de Lamennais
Etudes pour
La Vague (
Paroles d'un croyant) dont sont issues :
-
La Vague, huile sur toile, 1907
-
La Vague, dessin aquarellé sur papier, 1908
Illustration de
Potage bisque pour le baron Henri de Rothschild
1907
Exposition à la Société nationale des Beaux-Arts :
-
La Vague, huile sur toile
Schwabe retourne à Paris, 74 boulevard Raspail
1908
Illustration de
La Vie des abeilles, de Maurice Maeterlinck
Les époux se séparent
Schwabe s'installe 7 rue Joseph-Bara
1909
Parution des
Poésies de Aloys-E. Blondel
Schwabe rencontre Ombra Renée d'Ornhjelm
1910
Hommage à Sa Majesté le Roi et à sa Nation, dessin
La Porte d'or, œuvre perdue
Exposition nationale des Beaux-Arts de Zürich :
-
La Vague
-
Lotte, portrait de la fille de l'artiste, dessin aux trois crayons
-
La Porte d'or
Troisième version du
Mariage du poète avec la muse :
L'Idéal, huile sur toile inachevée
1911
In Memoriam Edouard Rod, dessin
1912
Illustration des
Rêves d'Olive Schreiner
Le couple s'installe 20 bis rue Louis-David (16e)
28 janvier 1913
Carlos Schwabe et Ombra Renée d'Ornhjelm se marient
1914
Quatrième version de
L'Idéal, huile sur toile
Justice, dessin patriotique au crayon
1915
In Memoriam, dessin accroché au foyer de l'Opéra Comique et volé dans les années 1980
1916
Portrait du Lieutenant René-Victor Manaut, huile sur toile
1918
Exposition au Petit Palais :
-
Portrait du Lieutenant René-Victor Manaut
1919
Exposition à la Société nationale des Beaux-Arts :
-
Justice
Schwabe est malade
L'Ange de la mort, fusain
1920
Exposition à la Galerie Moos (Genève)
Maternité, huile sur toile
Le Poète en marche, sanguine et estompe
1921
Schwabe se consacre de plus en plus au paysage
1922
Illustration de
Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck
1923
Le Faune, sanguine, fusain et crayons de couleurs
Schwabe souffre d'un ulcère à l'estomac
1924
Le Jugement de Pâris, huile sur toile
1925
Illustration de
Daphnis et Chloé de Longus
22 janvier 1926
Mort à Avon (Seine-et-Marne)
Source :
Jean-David JUMEAU-LAFOND,
Carlos Schwabe, symboliste et visionnaire, éditions ARC, 1994
Publié le 03/12/2008 à 12:00 par arcaneslyriques
L’EXTRACTION DE LA PIERRE DE FOLIE
Jheronymus Bosch (1460-1516) dit en français Jérôme Bosch est un célèbre peintre hollandais dont les tableaux les plus connus sont : « L’enfer », « Le paradis terrestre », « Le jardin des plaisirs », « Le jugement dernier »… Issu d’une famille de peintres, il se place à ces débuts sous le signe du gothique international. Puisant ses sources multiples et complexes dans l’alchimie, la magie, les diableries, les mystiques, les farces et le théâtre…Son œuvre, alliant onirisme et réalité sociale, demeure une lutte acharnée entre le bien et le mal.
Son tableau « L’extraction de la pierre de folie », qu’il peignit en 1485, en est un parfait exemple : Au milieu d’un paysage d’été, nous pouvons voir un chirurgien extraire un objet du crâne d’un homme, assis sur une chaise. Un moine et une religieuse observent la scène d’opération. Celle-ci a lieu en plein air et sa forme circulaire peut soit faire penser à un miroir, soit représenter l’œil de l’observateur ou soit symboliser la terre. La forme ronde doit aussi nous rappeler la terre en harmonie avec l’être humain et le cosmos. Le fait que Bosch ait précisément choisi cette forme pour son tableau et pour ensuite y représenter une accusation de la stupidité humaine n’est pas le fruit du hasard.
Quant à l’espace, il est divisé en bandes de couleurs : dégradés de vert, d’ocre, de jaune puis d’ocre jusqu’au bleu du ciel très lumineux. Au loin on devine une ville. Ces formes et ces couleurs donnent donc à cette nature une harmonie et une quiétude qui contraste avec la folie des hommes.
Le chirurgien ou le « tailleur de pierres » comme il est communément appelé au Moyen–âge est représenté avec un entonnoir de savoir porté à l’envers sur sa tête en guise de chapeau. C’est précisément ce symbole qui le caractérise comme médecin des fous. On peut également remarquer que la nonne ici présente fait un usage particulier du livre de la connaissance médicale puisqu’elle le laisse poser sur sa tête sans même le consulter. Et l’opéré nous fixe de son regard pathétique de bourgeois corpulent et niais.
Il est à noter que le soi-disant médecin (contrairement au titre de l’œuvre) n’extrait non pas une pierre de la tête du malade mais une plante tenue pour responsable de ses maux. Un objet similaire est déposé sur la table. On ne sait pas si cet objet est issu d’une opération précédente ou s’il est là pour servir à une prochaine supercherie.
L’inscription en lettres gothiques, tout autour du tableau, signifie « Maître ôte la pierre, mon nom est Lubbert Das » ce qui peut être traduit en Flandres par « Personne simple ».
L’intention allégorique du peintre devient alors évidente, il s’agit de dénoncer la naïveté et la bêtise humaine mais aussi de se moquer de l’ignorance et la tromperie faites aux malades. La lithotomie, puisque tel est son véritable nom, faisait en effet partie à l’époque de Jérôme Bosch des remèdes de charlatan. La folie, symbolisée par une pierre dans la tête, disparaissait au moment où la fameuse pierre en était extraite.
Fiction artistique, charlatanisme, symbole ou geste thérapeutique, l’opération des pierres de folie demeure problématique. En effet, il n’a été retrouvé aucun texte médical traitant de la question, la seule source est iconographique et se limite aux écoles hollandaises et flamandes du 15ème, 16ème et 17ème siècle. A ces époques, la folie donnait l’idée répandue d’être matérialisée par la présence d’un corps étranger, souvent minéral dans le cerveau. Tenter de guérir la folie en supprimant sa cause revenait donc à l’extirpation de ce corps minéral et devenait ainsi une pratique légitime.
D’autres tableaux y font également référence d’un point de vue satirique. C’est notamment le cas de certains tableaux de Van Der Bruggen. Mais aucun de ces tableaux ne font allusion à l’authentique trépanation, pratique pourtant bien existante.
D’après ce que l’on peut tirer de ces illustrations, il s’agit d’une intervention superficielle non d’une chirurgie osseuse. Une incision verticale est pratiquée au milieu du front ou sur le cuir chevelu pour extraire des pierres de diverses grosseurs, attestant de la dextérité de l’opérateur. La réalité historique d’une telle opération mérite d’être mise en doute. En effet, après cette petite incision, le soigneur, par un tour de passe-passe, pouvait faire apparaître une petite pierre pour « prouver » au patient la complète réussite de l’opération. La pierre, la plupart du temps, sortait directement de la poche du soigneur !
C’est en partie, grâce à l’expérience du médecin grec Claudius Galenos (129-199) qui dit que l’ouverture du crâne ne devait pas obligatoirement avoir la mort pour conséquence que l’idée se propagea que « la méchante pierre du haut mal » pouvait être extraite cliniquement.
J. Bosch, peintre hollandais, n’est pas à proprement parler un humaniste mais son œuvre reflète les bouleversements de la pensée de son époque. Epoque où les certitudes spirituelles, les règles de conduite propres du moyen-âge vacillent. Ainsi son œuvre obéit à cet esprit nouveau tout en restant fidèle aux formes artistiques traditionnelles.
« L’extraction de la pierre de folie » nous montre qu’en dehors des péchés il y a aussi d’autres menaces comme : la crédulité, la stupidité, l’absurdité, la bêtise ou encore la folie qui conduisent les hommes à s’en remettrent à des charlatans ou à des médecins peut-être aussi fous qu’eux. Le fait aussi que l’église participe à une opération aussi grotesque, alors qu’elle devrait détenir le savoir, montre à quel point il est temps pour le peuple de se débarrasser des croyances médiévales au profit de l’esprit nouveau.
Odéliane, pour la réunion du 30/11/08
Publié le 11/06/2008 à 12:00 par arcaneslyriques
PARCE DOMINE
D’Adolphe Willette
Parce Domine (réalisée en 1884) est l’une des œuvres du peintre, illustrateur, écrivain et caricaturiste français Adolphe Willette (dit Pierrot) né à Chalons sur Marne en 1837 et décédé en 1926 à Paris. Willette avait pour habitude de peindre des fresques et des vitraux, de dessiner des cartes postales, des affiches publicitaires et des couvertures de livres mais aussi surtout de décorer de nombreux cabarets et restaurants de la butte Montmartre.
Parce Domine, célèbre tableau du Musée Montmartre, constitue une œuvre énigmatique riche de sens et d’interprétations possibles. Sa farandole de personnages ambigus, aux visages rieurs ou profondément désespérés, intrigue et s’il s’agit d’une invitation à la danse très rapidement l’on se rend compte que cette danse est particulière et lourde de conséquences puisqu’elle présente des similitudes avec la Danse Macabre.
Mais avant d’aller plus loin sur son interprétation, interrogeons-nous d’abord sur son titre. Parce Domine, Parce Populo Tuo est un cantique composé par l’abbé J. Marbeuf qui servait notamment pour les saluts du saint sacrement au temps du carême. Ce cantique, composé de sept couplets et qui comprennent chacun l’évocation d’un désordre du monde, de la France, de la société ou d’un désordre causé par des chrétiens infidèles ; était une sorte d’exutoire où l’ensemble des péchés était révélé au grand jour. Ensuite les pécheurs demandaient au Christ son pardon, lui déclaraient leur amour et lui demandaient d’oublier leurs fautes.
Les péchés évoqués étaient souvent proches des péchés dits capitaux ajoutés à ceux-ci à d’autres péchés plus ou moins avouables.
Adolphe Willette s’est donc inspiré de ce cantique en représentant sur son tableau toutes les sortes de vices ou de péchés liés entre autre à la luxure, au plaisir de la chair, aux débordements de la fête, aux excentricités de toutes les classes sociales… Bref tout un éventail de personnages qui ne voient la vie qu’avec futilité et amusement sans se soucier d’autrui, de la religion ou des conventions sociales.
Mais si dans le cantique Parce Domine il est question de demande de pardon et donc d’oubli des fautes, le tableau de Willette est plus implacable et fataliste car il n’y a pas de pardon possible et chaque personnage est invité à entrer dans une danse qu’il ne pourra pas quitter vivant car seule la mort pourra les laver de leurs péchés.
C’est ainsi qu’on remarque sur cette œuvre profondément désespérée que la fin de la farandole (sur la gauche) s’achève par une mort certaine où ensuite les âmes des défunts sont transportés dans le ciel (dans les airs ou dans un fiacre conduit par d’étranges squelettes) sous une lune ressemblant trait pour trait à un crâne (spectateur privilégié des travers de l’homme).
On ne pourrait tout à fait déterminer si les personnages vont tout droit à cette mort de leur plein gré ou parce que c’est une destinée fatale aussi violente qu’évidente ou encore parce qu’ils sont entraînés par d’autres personnes aux desseins maléfiques ? Qui sont ces pierrots, des victimes comme les autres ou des acteurs oeuvrant pour la grande faucheuse ?
Willette joindra à son tableau un commentaire tout aussi noir pour expliquer ses préoccupations et sa vision de l’humanité :
« Les chats miaulent à l’amour/ les blanches communiantes sortent de leurs mansardes : c’est la misère ou la curiosité qui fait tomber leurs voiles sur la neige dont les toits sont recouverts. Aussitôt les pierrots noctambules cherchent à s’emparer de leur innocence par des moyens diaboliques./ De l’odéon au moulin de la galette, les voici partis pour la chasse aux minis Pinsons/ C’est avec de l’or ou de la poésie qu’ils tendent leurs pièges suivant qu’ils sont riches ou pauvres, bien qu’également pervers. Cependant que le vieux moulin moud des airs d’amour et de pitié./ Les ailes emportées de musique tournent au clair de la lune reflet de la mort./ Voici à présent la revanche de la fille séduite qui a jeté son bonnet par dessus les moulins/ La voilà qui entraîne, étourdit Pierrot dans un tourbillon de plaisir et de vices : c’est le Sabbat !/ Elle l’a ruiné, rendu fou, et l’accule au suicide./ Les vierges tristes et laides portent son cercueil, tandis que son âme libérée fera choix d’une étoile…/ Parce Domine, parce populo tuo…/ Le peuple des pierrots est toujours bien à plaindre ! »
De ce tableau, l’écrivain Léon Bloy écrira ces quelques notes : « Une nuit claire et neigeuse. Un moulin aux ailes immenses, le moulin solitaire et mélancolique de l’espérance des poètes, qui tourne toujours à vide et qui n’a jamais le plut petit grain de bonheur à moudre pour ces affamés. »
C’est donc une œuvre particulièrement mélancolique que nous propose Willette, comme une clameur de détresse lancé vers Dieu. Que ce soit à pied, en fiacre ou à cheval on rit, on chante, on joue de la guitare mais au bout du cortège, au bout de la vie, Pierrot une arme à la main se suicide et son cercueil disparaît dans un ciel de plus en plus sombre, accompagné d’une rangée de danseuses d’une extrême pâleur faisant davantage penser à des fantômes.
Les couleurs de cette toile sont obscures et tristes, jouant sur une harmonie de gris et d’ocres sombres.
Tous les personnages voués à l’enfer de la luxure sont marqués pour les quatre lupanars que sont : la curiosité, le plaisir, l’orgueil et l’avarice et ces terribles attirances les mènent inexorablement à leur perte. C’est une conception bien tragique de la vie et du cœur humain mais c’est aussi une conception plusieurs fois reprises dans la littérature (avec par exemple « Les chants de Maldoror » de Lautréamont) ou tout autre forme d’art. Ce qui lui donne alors son originalité c’est qu’elle illustre l’éternel duel de la poésie et de l’argent, autrement dit de la beauté sereine et gratuite, la beauté de l’art aux bienfaits que procure la réussite matérielle.
La poésie nous est alors présentée sous les traits de Pierrot qui ne croit plus que son existence soit amusante comme le montrait a contrario le Pierrot du peintre Watteau mais il aimerait pourtant y croire même s’il doit tuer pour y parvenir. Et la réussite matérielle nous apparaît par les vêtements tant soignés de tous ces personnages burlesques, de leurs bijoux et autres artifices devenus inutiles devant le grand inquisiteur que représente la mort.
La mort fauche alors à tour de bras que ce soit les riches pour les punir de toutes leurs extravagances inutiles ou les pauvres qui se complaisent dans d’autres réjouissances tout aussi honteuses parce que la seule vraie richesse ne viendrait-elle pas du cœur après tout ?
Odéliane.
Publié le 05/03/2008 à 12:00 par arcaneslyriques
Interview d'Alban Delarue
- Pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Je m'appelle Alban, je suis du genre épicurien, après plusieurs années dans le monde du travail "alimentaire", j'ai décidé de me lancer dans le dessin, ma passion depuis toujours.
- Quand et comment t'es venue l'envie de dessiner ?
Au-delà des gribouillages que font tous les enfants, mes premiers dessins remontent à peu près à mes premiers cours de maths, insoutenable matière dés le début, et comme j'ai toujours adoré la bd, le dessin pris une place naturelle, soit en cours, discrètement, soit pendant les heures de colle etc...
- Quels sont les dessinateurs, peintres ou photographes qui t'ont influencé ?
Des dessinateurs comme Moebius, John Byrne, Bernie Wrightson, goupil (l'épée de cristal) ont fortement orienté mon goût du dessin, en peintre, Dali et Delacroix sont pour moi des références.
Apres des dessins animés comme Droopy, Bip bip et le coyote, Akira, certains Disney sont très galvanisants. Soit sur l'humour qu'ils dégagent, soit sur l'atmosphère, soit les expressions des personnages..... j'adoooooore !
- Concrètement, quelles techniques utilises-tu et quelle est celle que tu préfères ?
Apres le crayon à papier, j'aime beaucoup le rendu de l'aquarelle, et après des petites retouches sur Photoshop me semblent bienvenues et donnent un effet des plus agréables.
- Y a t'ils des thèmes récurrents dans tes illustrations ?
L'heroic fantasy, elfes, magie et symbolique, j'adore. L’imaginaire est très présent dans mes dessins, la réalité nettement moins.
- D'où te vient ton inspiration ?
Tout l'univers fantasy m'inspire, certains films du style le seigneur des anneaux, Starwars, les mangas, l'atmosphère que l'on peut trouver dans le dépaysement d'un voyage etc, tout ce qui laisse l'imagination courir me séduit.
- Quel est le dessin dont tu es le plus fier et pourquoi ?
Forcement celui que je suis en train de faire, car ne m'étant mis que depuis peu de façon sérieuse, presque scolaire au dessin, j'applique un peu plus ce que j'ai pu apprendre et assimiler. Disons que j'aime beaucoup les six ou sept derniers dessins, et ceux d'avant je préfère ne pas les revoir. Vivement dans dix ans hahaha !
- En matière de dessin, quels sont tes projets pour l'avenir ?
Dans la mesure où je suis un autodidacte, je pense que cela prendra un peu de temps, mais le but à long terme est de faire une BD. Au moins une, qui raconterait mon univers imaginaire. Mais quoi qu'il en soit, que je puisse en vivre un jour ou pas, j'aime tellement dessiner que je ne pense pas arrêter un jour.
-
A part l'illustration, quelles sont tes autres passions ?
Les voyages, notamment l'inde, la lecture aussi bien livres que bd, les dessins animés, le développement personnel, et tout ce qui touche aux légendes, mythes, religions, civilisations, et la sieeeeesssste !
Propos recueillis par PerCEval.
Illustration ci-dessus : Alban Delarue.
Publié le 15/12/2007 à 12:00 par arcaneslyriques
Interview d’Arianne de Blenniac
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Pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis étudiante et je profite de mon temps libre pour faire quelques illustrations.
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Quand et comment t’est venue l’envie de dessiner ?
Je ne sais pas exactement, je crois qu’il s’agit plus d’un besoin que d’une envie, besoin qui remonte à l’enfance !
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Quels sont les dessinateurs, peintres ou photographes qui t’ont influencée ?
Je vais être obligée de faire un tri…
Pour les peintres, j’apprécie avant tout l’école préraphaélite (Burne Jones et Rossetti par exemple) et l’expressionnisme allemand (Otto Dix particulièrement). Mais j’ai des goûts assez éclectiques et j’aime aussi Frida Kahlo, Tamara de Lempika, Goya, Géricault, Delacroix, Giger, et bien d’autres encore…
Pour les dessinateurs, je peux citer Olivier Ledroit, Frank Frazetta et Sandrine Gestin.
Pour les photographes, même si je ne crois pas qu’ils m’aient vraiment influencée, j’avoue que j’aime beaucoup Jeffery Scott et Désirée Dolson.
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Concrètement, quelles techniques utilises-tu ? Et quelle est-celle que tu préfères ?
Je dessine au fusain, à la mine de plomb ou à l’encre de chine ; je peins avec de l’acrylique et, parfois, je fais quelques retouches à l’ordinateur. J’aime les trois techniques qui se compètent bien !
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Y a-t-il des thèmes récurrents dans tes illustrations (personnages, sujets, ambiance…) ?
Je dessine surtout des personnages (notamment des vampires, des elfes sombres, des fées et autres créatures mystérieuses…) car je suis fascinée par la diversité des visages.
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D’où te vient l’inspiration ?
De mes lectures essentiellement…
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Et justement, pourrais-tu nous parler de tes lectures ?
Les auteurs qui j’apprécie sont très nombreux, je ne vais pas pouvoir tous les citer ! (Je crois que toutes nos lectures finissent par se mélanger dans notre esprit, chacune apportant une pierre à notre « édifice intérieur »).
J’apprécie beaucoup :
- les récits d’amour et de chevalerie médiévaux (Tristan et Yseult de Béroul, Le Roman du Comte d’Anjou de Jean Maillart…)
- Les romans de cape et d’épée et les romans populaires (notamment de Paul Féval, Alexandre Dumas, Eugène Sue…)
- Les romans gothiques anglais (Camilla et l’oncle Silas de Sheridan le Fanu par exemple) et, d’une façon plus générale, les romans et nouvelles fantastiques, la fantasy et, éventuellement la science fiction. Ce qui me plaît, c’est l’ambiance qui se dégage de ses ouvrages, une ambiance qu’on n’oubliera pas, même longtemps après les avoir lus. J’aime beaucoup Tolkien, Lovecraft, Marion Zimmer Bradley, Anne Rice…Mais les auteurs que je préfère sont Claude Louis-Combet, Léa Silhol, Patrick McGrath, Barbey d’Aurevilly, Villiers de l’Isle Adam…
(Pour la poésie, c’est très classique : Apollinaire, Baudelaire…)
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Quel est le dessin dont tu es la plus fière et pourquoi ?
Question difficile !
J’aime beaucoup le dessin intitulé « mariage vampirique ». L’ambiance me plaît, je me verrais bien à la place d’un des protagonistes et je voudrais bien savoir ce qui va arriver !
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Quels sont tes projets en matière de dessin?
Avant tout, avoir du temps pour continuer à en faire… Sinon, revisiter le thème du vampire, mais il s’agit davantage d’un rêve que d’un projet !
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A part l’illustration, quelles sont tes autres passions ?
Lire, écrire et sillonner la campagne à la recherche de ruines et de forêts enchantées !
Propos recueillis par Odéliane
Illustration ci-dessus "Mariage vampirique" d'Arianne de Blenniac.
Publié le 12/12/2007 à 12:00 par arcaneslyriques
Interview de Yohan Vasse
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Pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Le quart de siècle dépassé d’un trio d’années, j’ai découvert en regardant le récent reportage Suck my Geek (sur une petite chaîne cryptée) que selon leur définition, plutôt élargie à mon sens, et bien... je suis un geek, barbu, à lunettes et les cheveux plus ou moins longs. Depuis j’ai commencé un traitement... Parce que : et puis quoi encore !
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Quand et comment t’en venue l’envie de dessiner ?
Pas très original, j’ai des souvenirs de dessin qui remontent à la petite enfance, mais sans plus. J’ai décidé de m’orienter dans le dessin au milieu d’une première Scientifique (choix par défaut). Je pense que l’envie est venue des BD d’une part, mais aussi des magazines de jeux comme Casus Belli (jeux de rôle) et White Dwarf (pour les figurines Games Workshop).
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Quels sont les dessinateurs, peintres ou photographes qui t’ont influencé ?
Durant ma formation, en cours de BD, j’ai pris une claque en découvrant Sin City de Frank Miller. Son traitement en ombre et lumière a marqué mon style pendant des années, et continue de le faire. Même si je l’ai digéré depuis, j’y reviens régulièrement (voir Peace and Fight ci-contre et ici [http://pagesperso-orange.fr/thotcreation/forumpde/peaceandfight.html]), c’est une technique que je trouve efficace. Puis j’ai tendu l’autre joue en découvrant le travail d’Alberto Breccia (sur Mort Cinder). Moi qui étais déjà à fond dans le dessin en noir et blanc pur, cela m’a ouvert d’autres possibilités, plus de variations. Ma dernière influence pour ce style vient du croate Danijel Zezelj avec La Mort dans les yeux, une troisième approche dans le traitement du noir et blanc.
Je reste donc surtout influencé par des dessinateurs de BD, du fait que je suis plus à l’aise dans le dessin et le trait, que dans la peinture et le « fondu ».
Ceci étant, j’admire énormément de peintres qui ont sûrement une autre influence, peut-être moins évidente, sur mes compositions. J’ai une grosse attirance pour la Renaissance italienne entre autres. Et bien sûr, beaucoup d’illustrateurs contemporains, en peinture traditionnelle ou numérique. J’ai une bibliothèque remplie de livres d’art et de recueils d’illustration.
Je dois avouer aussi un gros faible pour les pin-up (et là ça vient directement de Casus Belli avec Bruno Bellami et Hubert de Lartigue !).
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Concrètement, quelles techniques utilises-tu ? Et quelle est-celle que tu préfères ?
Ca dépend de la manière dont je visualise le projet ou de la nature de la commande. J’ai souvent utilisé l’aquarelle pour son rendu ou pour coloriser une illustration. C’est une peinture avec laquelle j’ai un retour immédiat. Je l’utilise peu humide, voire presque à sec. Sinon, en peinture actuellement, j’utilise plutôt l’acrylique. C’est une technique rapide (l’acrylique sèche très vite) qui me vient au départ de la peinture sur figurine. Elle me permet d’avoir un geste assez nerveux.
Si j’avais le temps, j’aimerais me former à l’aérographe (je possède deux pistolets qui prennent la poussière). L’outil maître pour réaliser des pin-up ! Il faut voir les originaux d’Hubert de Lartigue, c’est impressionnant d’hyperréalisme, avec des formats très grands.
Je me force aussi à travailler en numérique, parce que dans ce métier, c’est devenu incontournable à un moment ou l’autre de la production.
Ma technique préférée reste le noir et blanc, c’est celle que je maîtrise le mieux. Je travaille avec des stylos à mine tubulaire, un stylo pinceaux détourné de son usage premier (la calligraphie), parfois des pinceaux avec de l’encre de chine et de l’acrylique noire et blanche.
Et une brosse à dent pour les projections et éclaboussures !
J’admire beaucoup d’artistes qui utilisent des techniques qui ne me conviendrait pas ; parce que je ne maîtrise pas les mêmes outils qu’eux, ou que cela ne correspond pas à mon style, même si j’aurais envi d’essayer, pour voir. J’ai d’autant plus d’admiration pour leurs réalisations d’ailleurs que je n’arrive pas (pour l’instant ?) à leur niveau.
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Y a-t-il des thèmes récurrents dans tes illustrations (personnages, sujets, ambiance…) ?
Pour commencer l’imaginaire, la fiction. Bien que je me sois découvert un intérêt pour le portrait. Je dessine souvent des personnages, avec pas ou peu de décor (les perspectives m’embêtent comme pas possible). J’ai pas mal de guerriers ou de sujets qui présentent une situation de conflit. Mes ambiances lorgnent souvent vers le fantastique, le mystérieux, l’obscur. Le noir et blanc est parfait pour ça.
J’ai aussi plusieurs pin-up qui ressurgissent régulièrement, dont ma traditionnelle mère Noël pour les vœux (celle de 2007 [http://pagesperso-orange.fr/thotcreation/forumpde/pin-upnoel2007.html], d’ailleurs, faudrait peut-être que je m’y remette...).
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D’où te viens l’inspiration ?
De tout ce que je lis, vois et entends. Je suis une vraie éponge. Une séquence dans un film pourra m’inspirer une ambiance ou un cadrage. La musique m’amène parfois des images, mais assez peu en fin de compte. Par contre elle me motive pour le rythme de travail. J’étudie aussi ce que font les illustrateurs pro, j’analyse leur composition pour comprendre la mécanique sous-jacente. Une illustration précise peut aussi me donner envie de « faire pareil », mais là, il faut éviter la simple imitation.
Dans l’ensemble, je suis donc plutôt inspiré par d’autres images, du dessin à la photo en passant par le graphisme.
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Quel est le dessin dont tu es le plus fier et pourquoi ?
C’est souvent le dernier dessin réalisé, quand il atteint ou s’approche suffisamment de la vision que j’en avais. Lorsque que je travaille sur une illustration qui au final sera vraiment réussie, je le ressens, c’est physique, nerveux. Je suis alors obligé de bouger quelques minutes pour évacuer la tension, j’aurais un puching-ball, je taperais dedans.
C’est que j’appelle le moment de grâce, un instant précis où ce que je dessine fonctionne tout de suite, où je suis satisfait de ce qui petit à petit apparaît. Les illustrations dont je suis le plus fier sont celles-là.
Mais celle qui pour l’instant reste ma préférée, c’est mon illustration de Yoda [http://pagesperso-orange.fr/thotcreation/forumpde/yoda.html]. Je réalise peu de peinture, et la plupart du temps je n’en suis pas complètement satisfait. Yoda est l’exception. Je ne suis pas sûr d’arriver à refaire ce que j’ai obtenu en travaillant dessus. De l’esquisse préparatoire à la touche finale à l’aérographe (pour le sabre laser), toutes les étapes ont été excitantes. Comme je le disais plus haut, je suis plutôt un dessinateur, j’ai besoin que le dessin vienne porter l’illustration. Mais pour Yoda, le dessin a complètement disparu derrière les couches d’acrylique, il ne reste que le travail au pinceau, les zones d’ombres, les éclats de lumières, le jeu des couleurs (j’ai beaucoup de mal à me représenter les couleurs et à les travailler). Bref, pour toutes ces raisons, j’en suis très fier et je ne suis pas prêt de vendre l’original...
Juste derrière, il y a ma Red Sonja (couv’ alternative pour le 50e numéro de Présences d’Esprits [http://www.anneau-monde.com/forum/viewtopic.php?t=4103]), pour des raisons similaires mais appliquées cette fois à une peinture numérique. Je n’ai pas fait mieux avant, ni depuis. C’est l’illustration pour laquelle j’ai poussé au maximum mon travail à l’ordinateur.
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En matière de dessin, quels sont tes projets pour l’avenir ?
Au moment où je réponds à tes questions, illustrer mon troisième scénario pour le jeu de rôle Te Deum pour un massacre. Des portraits de personnages non joueurs, une scène ou deux du scénario. A chaque fois un défi de par son cadre historique, les Guerres de religions. Il faut non seulement choper la bonne tête et attitude pour chaque perso, mais aussi faire gaffe au réalisme des accessoires, comme les tenues vestimentaires. Mais ça m’éclate !
Sinon j’ai une tendance à reporter au lendemain ce que je pourrais faire le jour même. Grâce à Terry Pratchett, je sais aujourd’hui qu’il s’agit de procrastination. Sans contraintes extérieures (une date limite, une commande...), je me laisse aller. J’ai donc de multiples projets... en projet. De plus je ne peux pas m’empêcher d’élaborer des projets, je note énormément les idées qui me viennent. J’ai plusieurs croquis et études de dessins qui prendront peut-être un jour forme sur le papier. Deux ou trois scénarios « sérieux » de BD dont il faudrait que je termine un jour l’écriture.
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A part l’illustration, quelles sont tes autres passions ?
Mes passions sont à tendance multimédia et pluriculturel... Je m’intéresse à la littérature (de l’imaginaire pour l’essentiel), la BD (de tous genres), le cinéma, les séries télé, la musique (très éclectique, même si j’ai une attirance pour le rock en général et le métal et gothique en particulier), les arts graphiques, les jeux (sur tous supports), les mythes et légendes.
Mais plus que l’illustration, ma véritable passion, c’est la narration. Elle passe aussi bien par le dessin que par l’écriture et associe les deux dans la BD. Depuis un peu plus d’un an, je m’éclate aussi dans la mise en page en PAO, au point de vouloir suivre une formation professionnelle. J’ai réalisé la conception graphique de Trafiquants de cauchemars (une petite antho d’auteurs hispanophones de fantastique SF), et plus récemment celle du fanzine de nouvelles Etreinte (consacré au JdR Vampire : Le Requiem) où j’ai pu me lâcher question graphisme.
Et puis en dingue que je suis, je bosse à fond pour l’association « Club Présences d’Esprits » pour la promotion des mondes imaginaires, et qui m’a permis de développer mes différentes passions à travers ses publications (Présences d’Esprits et AOC).
Pour voir mon travail, rien de mieux que le forum du Club Présences d’Esprits [http://www.anneau-monde.com/forum/viewtopic.php?t=742
Propos recueillis par Odéliane
Illustration ci-dessus "Vampire" de Yohan Vasse