La Mort du fossoyeur
Carlos Schwabe
Carlos Schwabe (1866-1926)
Carlos Schwabe est né en 1866 à Altona, près de Hambourg (Allemagne). Son père était commerçant et négociant. En 1870, la famille s’installa en Suisse, à Genève. La vocation de Carlos était aussi précoce et qu’irrévocable. Rien n’a pu l’en détourner, même pas une carrière de ténor, qui aurait pu être favorisée par son oncle, chanteur à l’opéra de Berlin. Une anecdote : quand il était encore petit garçon, sa maison fut détruite par un incendie. Ses parents le cherchaient, inquiets. L’enfant était au milieu des décombres, en train de dessiner les pompiers ! Il finit par imposer son idée à ses parents.
Il arriva à Paris en 1884, à 18 ans et commença à gagner sa vie. Il est autodidacte.
On peut le qualifier de :
- Visionnaire
- Mystique
- Consciencieux
- Passionné
- Taciturne
- Solitaire
- Idéaliste
Pour lui, l’art a une fonction d’élévation spirituelle.
C’est un artiste symboliste. Le symbolisme est mouvement artistique apparu en France et en Belgique vers 1870 en réaction au naturalisme. Le symbolisme consiste notamment à exprimer des idées par des images, à mettre en avant les symboles qui sont sous-jacents à la réalité.
Schwabe a réalisé des affiches et illustré des romans, dont :
- Catulle Mendès,
L’Evangile de l’enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ selon Saint Pierre
- Emile Zola,
Le Rêve
- Stéphane Mallarmé,
Poésies
- Charles Baudelaire,
Les Fleurs du mal
- Catulle Mendès,
Hespérus
- Albert Samain,
Au jardin de l’infante
- Maurice Maeterlinck,
La Vie des abeilles
- Maurice Maeterlinck,
Pelléas et Mélisande
- Longus,
Daphnis et Chloé
Ses œuvres principales (hors illustration) :
Aquarelles :
La Mort du fossoyeur,
Le Destin,
La Vierge aux lys,
Les Champs-Élysées
Huiles sur toile :
La Douleur,
L’Idéal,
La Vague
Dessin :
La Passion,
Lotte,
Le Poète en marche,
Le Faune
Curieusement, il a souvent changé de signature :
- SCH Carloz
- Carloz Schwabe
- Carlos Schwabe
- Carlos Schwab
- O. Carlos Schwab
- Ombra Carlos Schwab
Schwabe utilise des symboles maçonniques, ésotériques, occultes (
Le Jour des morts). Au début de sa carrière, ses traits mêlent archaïsme et minutie (
La Nativité, le chant du soir). Son œuvre est influencée par l’art japonais, ainsi que par l’art médiéval et de la Renaissance. Il est un précurseur de l’Art nouveau (décor végétal). A partir de 1900, le public se désintéressant du symbolisme, il explore de nouveaux horizons (paysages, portraits). Il reprend également d’anciens thèmes, ce qui permet de se rendre compte, par comparaison, de ses progrès techniques (perte de la rigidité, etc.). Mais le souci du détail est une caractéristique qu’il ne perdra jamais.
L’artiste s’est marié deux fois. Ses femmes ont été pour lui des inspiratrices et des modèles. Il est mort à Avon (Seine-et-Marne) en 1926, dans une relative indifférence.
« Je pensais conquérir tout un monde, Je n’aurai conquis, à ma fin, que quelques âmes. »
Carlos Schwabe
Certaines de ses œuvres se trouvent au musée du Louvre, dans le cabinet de dessins.
Son arrière-petit-fils, Jean-David Jumeau-Lafond, a passé plus de quinze ans à étudier la vie et l’œuvre de son aïeul. Il a écrit plusieurs livres sur lui, dont
Carlos Schwabe, symboliste et visionnaire, paru aux éditions ARC en 1994.
La Mort du fossoyeur (1895-1900)
C’est une aquarelle et gouache sur esquisse à la mine de plomb sur papier. Elle mesure 75 x 55,5 cm. Elle se trouve au musée du Louvre (cabinet de dessins).
Description
L’aquarelle représente deux personnages dans un cimetière. Ils sont au premier plan et occupent le bas de l’aquarelle et la partie droite. Il y a un ange noir et un fossoyeur. Ils se trouvent sous un saule pleureur qui n’a pas de feuilles (c’est l’hiver).
Les tombes sont au second plan, sur la gauche. Elles sont couvertes de neige. Tout est immobile.
Le fossoyeur est en train de creuser une tombe. Le travail est bien avancé. Il est dans le trou. Au-dessus de lui, un ange aux ailes noires est accroupi.
C’est Maria, la première femme de Carlos, qui a servi de modèle à l’ange noir. Son visage est paisible. Il semble sûr de lui. Son regard est baissé en direction du fossoyeur. Il est jeune, gracieux, féminin. Ses doigts sont anormalement longs et ont quelque chose d’animal. La pose est incongrue et plutôt inconfortable (accroupi, pieds nus, bras levé). L’ange porte une longue robe noire avec de nombreux plis et une ceinture noire. Le drapé fait penser à ceux du peintre Edward Burne-Jones (préraphaélite). La coiffure est assez typique du début du vingtième siècle (cheveux coupés court qui forment deux bandeaux). La tresse qui passe sur son front revient assez souvent dans les œuvres de Schwabe et s’inspire entre autres des représentations médiévales.
Le fossoyeur est âgé. Sa peau est ridée. Il porte une longue barbe blanche. Ses cheveux blancs sont assez longs. Lui aussi est vêtu de noir. Il n’est pas très couvert malgré le froid. Son corps est sec et musculeux. Il a l’air en bonne santé et pourrait encore vivre un certain nombre d’années.
La moitié de l’œuvre est sombre (celle avec les personnages), l’autre est claire (cimetière enneigé). Les deux parties sont délimitées par une diagonale.
Analyse & symboles
La mort
L’hiver, la neige, l’immobilité et le cimetière symbolisent la mort. Le saule pleureur évoque le regret, la nostalgie, la tristesse et la mort, mais c’est aussi un arbre de vie. La lumière du couchant est visible en haut à gauche de l’aquarelle. Il s’agit aussi du crépuscule de la vie.
L’ange
Les branches du saule et les grandes ailes noires de l’ange plongent dans l’excavation. Les ailes de l’ange ont une forme enveloppante qui suggèrent l’affection et la possession. La forme de l’aile est aussi celle de la faux, accessoire de la Mort. L’ange tient une flamme verte dans la main. Le vert est la couleur de l’éternité et de la régénération.
Le fossoyeur
Son visage est levé en direction de l’ange. Il a en même temps l’air émerveillé, surpris et résigné. Ses sentiments sont suggérés par l’expression de son visage et par la position de ses bras. L’une de ses mains tient une pelle et semble sur le point de la lâcher.
L’idéal
Dans le fond de la composition, le terrain s’élève (étagement des tombes). Schwabe utilise souvent la montagne comme symbole de l’élévation vers un idéal.
L’au-delà
Contrairement à de nombreux artistes, Schwabe a une vision paisible de la mort et de l’au-delà. Le personnage de la Mort n’a pour lui rien de macabre ou d’effrayant. Au contraire, c’est une femme douce et bienveillante. La mort est à la fois un espoir et un accomplissement.
Bibliographie
Jean-David JUMEAU-LAFOND,
Carlos Schwabe, symboliste et visionnaire, éditions ARC, 1994
Webographie
Biographie :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Carlos_Schwabe
Galerie et biographie :
http://www.artmagick.com/pictures/artist.aspx?artist=carlos-schwabe
Galerie :
http://pintura.aut.org/BU04?Autnum=13.692
Rachel Gibert, pour la réunion du 5 septembre 2009
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