La Lorelei à travers plusieurs poèmes allemands et français des 19e et 20e siècles
Partie 3/5 - Le fantôme
Heinrich HEINE (1797-1856) est un célèbre poète et journaliste allemand de confession juive né à Düsseldorf.
En 1827, il publia le
Buch der Lieder (Die Heimkehr, II), où il reprend le personnage créé par BRENTANO et lui fait prendre une nouvelle direction. Cette Lorelei fait partie des plus célèbres :
Ich weiß nicht was soll es bedeuten
Ich weiß nicht was soll es bedeuten,
Daß ich so traurig bin;
Ein Märchen aus alten Zeiten,
Das kommt mir nicht aus dem Sinn.
Die Luft ist kühl und es dunkelt,
Und ruhig fließt der Rhein;
Der Gipfel des Berges funkelt
Im Abendsonnenschein.
Die schönste Jungfrau sitzet
Dort oben wunderbar;
Ihr goldnes Geschmeide blitzet,
Sie kämmt ihr goldenes Haar.
Sie kämmt es mit goldenem Kamme
Und singt ein Lied dabei;
Das hat eine wundersame,
Gewaltige Melodei.
Den Schiffer im kleinen Schiffe
Ergreift es mit wildem Weh;
Er schaut nicht die Felsenriffe,
Er schaut nur hinauf in die Höh.
Ich glaube, die Wellen verschlingen
Am Ende Schiffer und Kahn;
Und das hat mit ihrem Singen
Die Lore-Ley getan.
***
Mon Cœur, pourquoi ces noirs présages ?
Je suis triste à mourir.
Une histoire des anciens âges
Hante mon Souvenir.
Déjà l’air fraîchit, le soir tombe,
Sur le Rhin, flot grondant ;
Seul, un haut rocher qui surplombe
Brille aux feux du couchant.
Là-haut, des nymphes la plus belle,
Assise, rêve encore ;
Sa main, où la bague étincelle,
Peigne ses cheveux d’or.
Le peigne est magique. Elle chante,
Timbre étrange et vainqueur,
Tremblez fuyez ! la voix touchante
Ensorcelle le cœur.
Dans sa barque, l’homme qui passe,
Pris d’un soudain transport,
Sans le voir, les yeux dans l’espace,
Vient sur l’écueil de mort.
L’écueil brise, le gouffre enserre,
La nacelle est noyée,
Et voila le mal que peut faire
Loreley sur son rocher.
***
Remarque : le poème en français n’est pas une traduction littérale. Il semblerait qu’elle soit également de l’auteur.
Ich weiß nicht was soll es bedeuten a été mis en musique par Friedrich SILCHER (1789-1860).
Le poème se compose de vingt-quatre vers répartis en six quatrains. Les rimes sont croisées. La forme est assez proche de celle de la ballade du
Godwi de BRENTANO : il s’agit également de quatrains, les rimes sont croisées et les vers sont de longueur similaire.
Première strophe : état d’esprit du narrateur
Je ne sais pas pourquoi,
Je suis si triste ;
Un conte des temps anciens,
Ne sort pas de mon esprit.
L’auteur est mélancolique, état d’esprit romantique par excellence. L’histoire de la Lorelei est assimilée à un conte des anciens temps, alors qu’elle n’a à l’époque que 26 ans. Ceci contribue à l’ancrer dans la légende.
Deuxième strophe : description du paysage
L’air est frais et il commence à faire sombre,
Et le Rhin coule tranquillement ;
Le sommet de la montagne étincelle
Dans le soleil couchant.
Les sens sont ici mis à contribution : le toucher, avec la température de l’air, la vue, l’ouïe, avec le bruit de l’eau du Rhin. Tout semble paisible.
Troisième strophe : description physique de la Lorelei
La plus belle des vierges est assise
La-haut, merveilleuse ;
Sa parure de bijoux en or étincèle,
Elle peigne ses cheveux d’or.
L’auteur décrit la beauté de la Lorelei avec des termes forts (« die schönste Jungfrau », la plus belle des vierges, « wunderbar », merveilleuse) et insiste sur l’or (« goldnes Geschmeide », parure de bijoux en or, « goldenes Haar », cheveux d’or).
Quatrième strophe : évocation de son chant
Elle les peigne avec un peigne en or
En chantant une chanson ;
Qui a une étrange,
Et puissante mélodie.
L’or apparaît encore (« goldenem Kamme », peigne en or). L’auteur parle de son chant, dont on peut deviner par les termes employés qu’il a des pouvoirs surnaturels.
Cinquième strophe : apparition du batelier
Le batelier dans son petit bateau
En est pris d’une douleur brutale ;
Il ne regarde pas les récifs,
Il ne regarde que vers là-haut dans les hauteurs.
L’effet du chant sur le batelier ressemble à un envoûtement. Alors que jusque-là tout avait l’air serein, apparaît la violence, avec « wildem Weh » (wild : sauvage ; Weh : douleur).
Sixième strophe : issue fatale
Je crois que les vagues engloutissent
A la fin batelier et barque ;
Et voilà ce qu’avec son chant
La Lore-Ley a fait.
Le courant entraîne le bateau qui s’échoue contre les récifs et le batelier meurt noyé. La Lorelei est considérée comme responsable de sa mort.
Les termes utilisés pour décrire la Lorelei sont proche de ceux employés pour parler du soleil :
« funkelt » étinceler, briller, lié au soleil
« blitzet » étinceler, luire, associé à la Lorelei
L’or, couleur du soleil, est évoqué pour dépeindre la Lorelei :
« goldnes Geschmeide », parure de bijoux en or, « goldenes Haar », cheveux d’or « goldenem Kamme », peigne en or
Cette analogie entre le soleil et la Lorelei est renforcée par le fait que la Lorelei est assise en hauteur, face au soleil couchant. L’auteur donne d’elle une impression de grandeur, non seulement du fait de sa position élevée, mais aussi en décrivant les bateaux comme étant petits.
La beauté est ici à la fois attirante et dangereuse, tout comme la nature. Ceci est également une caractéristique du romantisme allemand.
En ce qui concerne les sources d’inspiration, la Lorelei de HEINE se rapproche des sirènes, car elle ensorcelle les navigateurs par son chant et cause leur noyade. Comme BRENTANO, HEINE puise dans les
Métamorphoses d’Ovide et plus particulièrement dans le mythe de Narcisse : la Lorelei peut être considérée comme narcissique, car elle passe son temps à se peigner.
On peut penser que cette Lorelei, que semble peu touchée par le monde extérieur, est le fantôme de celle du
Godwi de BRENTANO, revenue sur les lieux de sa mort pour y guetter le retour de son amant.
Illustration : Johan KÖLER (1826-1899),
Lorelei needmine munkade poolt, 1887
Rachel GIBERT, pour la réunion du 21 septembre 2008
voici une autre taduction rimée et rythmée du poème
La Lorelei
Je ne sais ce que signifie
Cette infinie tristesse
Un vieux conte, une mélodie
Qui me reviennent sans cesse.
L’air est frais, l'ombre s'amoncelle
Et le Rhin coule doucement
Le sommet des monts étincelle
Dans le soleil couchant
La plus belle des jeunes filles
Assise aux abords
Parée de bijoux qui scintillent,
Peigne ses cheveux d'or
Tout en lissant sa chevelure
Elle chante un chant
C’est un bien étrange murmure
Un lied envoûtant.
Le batelier dans son esquif
Est saisi de torpeur
Il n’aperçoit pas les récifs
N’ écoutant que son coeur
Le Rhin, je crois, a englouti
Esquif et batelier
C'est ce que, par sa mélodie
La Lorelei a fait.
Alain Antoine
koulBonjour, j'adore votre site !Pouvez vous svp me donner le nom de l'oeuvre et son auteur ? :)
Merci bien
Bonne journée
http://comment.centerblog.net
Bonjouuuuuuuur,pouvez vous svp m'indiquer le nom du tableau et son auteur ?? :)
Merci
Bonne journée
Luna Pomme