Mystères et Enigmes
Publié le 01/10/2009 à 13:01 par arcaneslyriques
Les fées de Cottingley
Dans le yorkshire, en 1916 Frances Girffith, 10 ans, rentre trempée après être tombée dans l’eau d’un étang. Craignant de se faire gronder, elle explique que c’est à cause des fées avec lesquelles elle jouait.
Sa mère la punit tout de même et la consigne dans la chambre qu’elle partage avec sa cousine Elsie Wright, 16 ans.
Les deux cousines décident alors de prendre des photos pour prouver qu’elles fréquentent bien des fées. Elles empruntent, avec son accord, l’appareil à plaque du père d’Elsie, Arthur Wright. Et elles se rendent à l’étang.
Elles prennent deux photos.
Le père soupçonne un montage et refuse de croire qu’il s’agit de fées. Il connaît d’ailleurs les talents de dessinatrice de sa fille qui fréquente le Bradford Art Collège depuis l’âge de 13 ans et qui dessine des fées assez régulièrement.
Les mères des filles quoique s’intéressant à l’occulte (en particulier la théosophie, très à la mode à l’époque) refusent de croire à ce que leur racontent Frances et Elsie.
Mais en 1919, la mère d’Elsie assiste à une conférence de la Société de thésophie qui traite justement des fées. Elle parle des photos et suscite l’intérêt de Edward Gardner, un membre éminent de la théosophie. Celui-ci demande à voir les photos. Il les confie alors à différentes personnes dont un expert en photographie, Harold Snelling qui les juge authentiques. Une contre-expertise est demandée au laboratoire Kodak qui ne trouve aucune preuve de contrefaçon mais refuse tout de même d’accorder un certificat d’authenticité.
En 1920 Arthur Conan Doyle entend parler de cette histoire alors qu’il a pour projet de se consacrer à un ouvrage sur les mythes et légendes. Gardner et lui confient un appareil photo aux deux filles et leur demandent de prendre d’autres photos : 3 nouvelles photos sont prises. Conan Doyle est convaincu, il réfute les objections de certains photographes (les fées sont des êtres éthérés dont émane une faible luminosité, il est donc impossible d’obtenir des clichés précis, explique-t-il, par exemple pour justifier la piètre qualité des clichés… ) et il se charge d’ailleurs de l’écriture et de la publication d’un article sur la question dans le Strand magazine , en novembre 1920. Cependant il veut plus de preuves et procure aux deux cousines un appareil photo de pointe. Mais en août 1921 celles-ci déclarent n’avoir désormais plus le cœur assez pur pour mériter la compagnie des fées…
En 1921 il publie tout de même un autre article et puis un livre ; The coming of the fairies. La polémique se poursuit, au détriment de Conan Doyle qui passe finalement pour fou et sénile.
Et puis on n’entend plus parler de cette affaire pendant de longues années.
En 1971 Elsie Wright fait l’objet d’un long reportage d’une équipe de la BBC. Frances y déclare qu’on ne garde tout de même pas pendant un demi-siècle le secret d’une supercherie et maintient donc ce qu’elle avait prétendu, enfant.
En 1983 elle avoue finalement qu’il s’agissait d’une supercherie (les fées avaient été découpées dans des magazines et plantées dans les herbes) Frances corrobore ses propos mais elle les nuance en expliquant que certes les photos étaient fausses mais qu’elles fréquentaient tout de même bien les fées, simplement elles n’étaient pas arrivées à les prendre en photo…
Elsie décède en 1988 après avoir fait l’aveu qu’elle regrettait toute cette histoire qui l’avait entre autre contrainte à émigrer deux fois pour tenter, mais en vain, d’échapper aux medias. Frances était décédée en 1986.
L’appareil photo avec lequel les premières photos ont été prises se trouve exposé maintenant au National Photography Museum à Bradford. Quant aux photos, elles faisaient partie de la collection présentée lors de l’exposition Controverses à la Bibliothèque nationale de Paris ce printemps 2009.
Cette histoire a fait l’objet de deux films :
-The fairy tale : a true story, 1997 GB / USA, interprété par Peter O Toole (Conan Doyle) et Harvey Keittel entre autres.
-Photographing Fairies interprété par Ben Kingsley)
Sources
Wikipedia
Télérama, 15 avril 2009
-Les sites :
-Zetetique : www.zetetique.ldh.org/cottingley.html
-Dark stories : http://www.dark-stories.com/cottingley.htm
-Castalies : http://www.castalie.over-blog.com/article-1430559.html
Elissandre pour la réunion du 7 juin 2009.
Publié le 17/04/2010 à 12:01 par arcaneslyriques
Le pain maudit de Pont-Saint-Esprit
C’était un 17 août, en 1951. Tout a commencé par une banale intoxication alimentaire. Enfin, cela ressemblait à cela, au début. Chez le docteur Gabbaï, comme chez les deux autres médecins de Pont-Saint-Esprit, une grosse bourgade près d’Avignon, les malades affluent. Maux de ventre, maux de tête, nausées, vomissements, douleurs inexplicables, tous les patients qui s’entassent dans la salle d’attente du docteur ont un point commun : ils ont tous mangé récemment du pain provenant du meilleur boulanger du bourg, Roch Briand.
Peu à peu, tout aurait dû revenir à la normale. Mais là, c’est l’inverse qui se produit. La situation dégénère rapidement, inexorablement. De plus en plus de gens sont pris de convulsions, d’agitation irrépressible et d’hallucinations. Quand ce n’est pas pire. Débordé, le docteur Gabbaï appelle à sa rescousse le Pr Giraud de la faculté de médecine de Montpellier. A deux, ils font ce qu’ils peuvent mais l’affaire devient vite tout à fait dramatique. Les premières tentatives de suicide, les premiers morts.
Le 24 août, Pont-Saint-Esprit culmine dans la démence et l’effroi. Un malade hurle qu’il est déjà mort, un autre qu’il est en cuivre, un enfant voit des serpents entrelacés dans son ventre, une jeune fille s’imagine attaquée par des tigres. Encore plus épouvantable, un gamin de 11 ans essaie d’étrangler sa mère. Dans un hôpital, un homme saute du deuxième étage en criant : « Je suis un avion ! ». Malgré ses deux jambes facturées, il court une cinquantaine de mètres avant d’être rattrapé.
Un journal résume ainsi la situation : « Ce n’est ni du Shakespeare, ni de l’Edgar Poe. C’est hélas la triste réalité tout autour de Pont-Saint-Esprit et de ses environs, où se déroulent des scènes d’hallucinations terrifiantes. Ce sont des scènes tout droit sorties du Moyen Âge, des scènes d’horreur et de pathos, pleines d’ombres sinistres. » Le magazine américain Time écrit ceci : « Parmi les affligés grandissait le délire : les patients se débattaient sauvagement sur leur lit en hurlant que des fleurs rouges s’épanouissaient sur leur corps et que leurs têtes se transformaient en plomb fondu. »
Le bilan de ces événements sera terrible. Au moins cinq morts, certains parlent même de sept, plus de trente personnes hospitalisées ou internées psychiatriquement et près de 300 malades. Tout cela pour du pain, ce « pain maudit » comme on l’appelle désormais ? Même si le boulager du bourg est accusé de cette apocalypse, l’explication semble trop mince pour beaucoup. Car bien sûr, on a pensé à l’ergot de seigle, responsable d’une maladie ancienne et redoutable : le mal des ardents. Mais c’est non, définitivement non. Qui le dit ? Albert Hofmann, l’inventeur du LSD, venu spécialement à Pont-Saint-Esprit pour tenter de trouver une explication à ce brusque accès de folie. Et il sait de quoi il parle puisque c’est justement à partir de l’ergot de seigle qu’il a synthétisé pour la première fois le LSD en 1938. D’accord, pas l’ergot de seigle. Mais le LSD lui-même ? Cette solution semble aussi très séduisante, sauf que le LSD, s’il provoque bien des hallucinations, n’a aucun des autres effets qui faisaient d’abord penser à une intoxication alimentaire. Alors on cherche d’autres pistes. Des fongicides ? Des mycotoxines ? L’eau ? Pendant près de soixante ans, on cherchera et on cherchera encore, mais nulle explication solide ne viendrait éclaircir le mystère du drame de Pont-Saint-Esprit.
Cependant, certains ont été troublés pendant ces événements par la présence à peine voilée de services secrets dans et autour de la bourgade durant son calvaire. D’autres confirment cette présence mais la justifie, vu la gravité et l’étrangeté des faits. Pense-t-on discrètement à un acte volontaire, décidé et planifié par des experts de l’empoisonnement alimentaire ? Mais qui ? Comment ? Et pourquoi à Pont-Saint-Esprit ? Et si les services secrets aperçus n’avaient fait que constater les effets du complot ourdi contre les habitants de ce bourg bien tranquille du Gard ?
Complot ai-je dit ? « Ah, la théorie du complot, elle a bon dos ! » me répondra-t-on avec une pointe d’ironie. A moins que…
En tout cas, s’il y en a un qui croit dur comme fer à ce complot, c’est le journaliste Hank Albarelli. Et il n’y va pas par quatre chemins. Pour lui, sans aucun doute possible, c’est le SOD (Special Operations Department) et la CIA (Central Intelligence Agency) qui ont fait le coup, sûrement au nez et à la barbe des services secrets français. Il a d’ailleurs longuement développé sa thèse dans un livre de 900 pages intitulé « A Terrible Mistake : The Murder of Frank Olson and the CIA's Secret Cold War Experiments » (« Une terrible erreur : L’assassinat de Frank Olson et les expériences secrètes de la CIA pendant la guerre froide) sorti en 2009 aux Etats-Unis. Il est peu de dire que cet ouvrage a fait des remous. Il semble même que, suite à la parution de ce livre, apparemment solidement documenté, le gouvernement français ait demandé des explications au gouvernement américain.
Il faut dire que Hank Albarelli, en plus d’avoir obtenu des témoignages très précis de la part d’anciens des services secrets américains, s’est aussi basé sur des documents déclassifiés de la CIA elle-même. Et ces documents nous en disent long sur les expériences en tous genres pratiquées par les services secrets américains pendant la guerre froide. Hank Albarelli n’est d’ailleurs pas le premier à écrire sur ce sujet. Citons seulement « Les armes secrètes de la CIA » de Gordon Thomas. Le fait est aussi que durant de nombreuses années le gouvernement américain ne s’est pas franchement caché de faire des tas d’expériences, concernant notamment les comportements et la psychologie. Le pouvait-il d’ailleurs, vu le nombre considérable de personnes impliquées dans ces expériences, tant du côté des médecins que du côté des cobayes ? En 1959, alors qu'il était étudiant à la Stanford University, un certain Ken Kesey se porta volontaire pour participer à l’une de ces expériences à l'Hôpital des anciens combattants de Menlo Park. Le but était d’étudier les effets sur les gens des drogues psychoactives, en particulier du LSD, de la psilocybine, de la mescaline, de la cocaïne, de l’alpha-méthyltryptamine et de la N-diméthyltryptamine. C’est ce qui donnera la matière à Ken Kesey pour écrire en 1962 son célèbre roman « Vol au-dessus d’un nid de coucou ».
Et pour ceux qui douteraient encore de l’existence de ces expériences, de leur nature et surtout des méthodes souvent très discutables employées, citons le Sénateur Ted Kennedy qui a déclaré le 3 août 1977 devant le Sénat des Etats-Unis : « Le directeur adjoint de la CIA a révélé que plus de trente universités et institutions avaient participé à un large projet de tests et d'expérimentations qui incluait des tests de médicaments cachés sur des sujets non-volontaires de toutes les catégories sociales, hautes et basses, américains et étrangers. Plusieurs de ces tests consistaient à administrer du LSD sur des sujets ignorants dans diverses situations sociales. Au moins une mort fut enregistrée, celle du Dr. Olson due à ces activités. L'Agence a elle-même reconnu que ces expériences n'avaient pas de valeur scientifique. Les agents qui en faisaient le suivi n'étaient pas des observateurs scientifiques compétents. »
La question est maintenant celle-ci : la CIA a-t-elle poussé le bouchon jusqu’à faire des expériences hors des Etats-Unis et plus précisément à Pont-Saint-Esprit ? Hank Albarelli affirme que oui. Mais, en réalité, cela n’était pas du tout son sujet de départ. D’ailleurs, pourquoi un journaliste américain des années 2000 s’intéresserait-il à un drame survenu dans les années 50 dans une bourgade du Gard ? Ce n’est que de fil en aiguille qu’il en est venu à s’intéresser au drame de Pont-Saint-Esprit. Et en partant de la mort, on ne peut plus énigmatique, du Dr. Olson, celui dont parlait justement le Sénateur Ted Kennedy dans la précédente citation. On parle officiellement d’un suicide ou d’un accident imputé à l’absorbtion de LSD. Toujours est-il qu’on a retrouvé le pauvre Frank Olson gisant sur le bitume après une chute de 13 étages suite à son passage au travers de la vitre d’un hôtel new-yorkais. Mais, me direz-vous, quel rapport cela a-t-il avec le drame de Pont-Saint-Esprit ? C’est que Frank Olson n’était pas n’importe qui. C’était un scientifique de grande réputation qui travaillait pour les services secrets américains et notamment pour la CIA. On sait par ailleurs qu’il a longuement œuvré sur le contrôle mental et comportemental via l’usage de drogues.
Celui-ci fut en effet secrètement la grande affaire de l’armée américaine dès le début des années 50. Remettons-nous dans le contexte de cette époque. L’armée américaine prête main-forte aux coréens du sud après les hostilités déclenchées par les forces communistes de la Corée du Nord soutenues par l’Union Soviétique. Pendant cette guerre, des soldats américains sont faits prisonniers. A leur libération, l’armée des Etats-Unis constate qu’on leur a fait subir un « lavage de cerveau ». C’est ce qui poussera le gouvernement américain a étudier de très près ce phénomène et ses techniques. D’où le recrutement de scientifiques comme Frank Olson. Mais jusqu’à où les services secrets américains devaient-ils aller pour parvenir à leurs fins ? Le Sénateur Ted Kennedy avoue que son pays a dépassé les bornes. Frank Olson pensait-il de même ? A-t-il voulu s’affranchir de certaines pratiques outrepassant les limites ou même les dénoncer ? Beaucoup le pensent et accusent la CIA d’avoir maquillé son assassinat en suicide ou au moins en accident. Hank Albarelli est de ceux-là et c’est en enquêtant sur cette sombre histoire qu’il en est arrivé à s’intéresser drame de Pont-Saint-Esprit.
Que s’est-il donc passé là-bas d’après lui ? Il y aurait eu d’abord un essai consistant à pulvériser du LSD dans l’air. « Un échec total » selon les dires d’anciens des services secrets. On a alors procédé autrement, en injectant diverses drogues dans des produits alimentaires locaux. Mais ce qui aurait pu être qualifié de « réussite » vire au cauchemar. Personne n’aurait prévu qu’il y eût pu avoir des morts. Parmi les drogues en cause, le LSD, encore et toujours lui. D’où la venue d’Albert Hofmann, l’inventeur de cette drogue, sous le faux pretexte d’aider les enquêteurs à trouver les origines du drame. En fait, il serait venu pour étudier les effets in vivo et in situ de son bébé chimique. Là aussi, nous sommes priés de nous remettre dans le contexte de l’époque. Le LSD, synthétisé une douzaine d’années plus tôt, n’a toujours pas de réel débouché pharmaceutique et la société suisse Sandoz, où travaille Albert Hofmann, aimerait bien lui en trouver un. Et donc, selon certains, la firme helvétique n’aurait pas hésité à contacter l’armée des Etats-Unis afin de lui vanter les effets et les usages possibles de son produit. D’où l’essai fait par les services secrets américains à Pont-Saint-Esprit.
Mais justement, pourquoi à Pont-Saint-Esprit ? En réalité, selon des documents déclassifiés, cet essai aurait dû avoir lieu dans le métro de New York en septembre 1950. Cependant, devant l’incertitude des effets induits et surtout en perspective du scandale énorme que l’affaire aurait provoquée si la vérité avait été découverte, l’armée américaine hésite et finalement recule. L’opération devra se faire ailleurs. Pourquoi pas en France ? L’armée américaine vient de s’y implanter via le SHAPE (Supreme Headquarters Allied Powers in Europe) et si l’opération se fait dans le sud du pays, la Suisse ne sera pas loin, d’où pourra venir Albert Hofmann de la firme Sandoz pour étudier sur place les effets de son LSD.
Faut-il croire cette thèse ou penser que le drame de Pont-Saint-Esprit ne fut qu’un malheureux accident ? A chacun de se faire son opinion…
Frédéric Gerchambeau, pour la réunion du 14/03/2010.
Publié le 25/02/2009 à 12:00 par arcaneslyriques
Le Chevalier d’Eon
Le 5 octobre 1728 à Tonnerre en Bourgogne, le juriste Louis Déon de Beaumont déclare au prêtre de l’église Notre-Dame la naissance de son fils Charles Geneviève Louise Auguste André Thimothée. Curieux prénoms pour un garçon qui aura donc au total trois prénoms masculins et trois prénoms féminins. Dès sa naissance donc, l’ambiguïté et le paradoxe ne quitteront plus ce personnage atypique.
Doté d’une vive intelligence, il commence ses études à Tonnerre puis, en 1743, il les poursuit à Paris, au collège Mazarin et obtient un diplôme en droit civil et en droit canon en 1749. il s’inscrit comme avocat au parlement de Paris à 21 ans. Il se met ensuite à écrire et publie plusieurs Considérations historiques et politiques. Parallèlement c’est un homme actif et sportif : il pratique avec une grande habileté l’escrime et devient un cavalier accompli.
Sa vie amoureuse demeure un mystère : on ne lui connaît ni fiancée ni maîtresse, il ne participe guère aux jeux de la séduction mais dans un premier temps cela n’affole personne.
Remarqué par le roi Louis XV, il est nommé censeur royal pour l'Histoire et les Belles-Lettres puis très vite il sera affilié au « secret du roi », un service secret de renseignements que dirige le prince de Conti. Il est aussitôt dépêché à la cour de Russie, pour obtenir de la tsarine Elisabeth une alliance avec la France. Vu l’indisponibilité de celle-ci, il prend un déguisement féminin et sous le nom de Lya (ou Lia) de Beaumont parvient à être reçu et il deviendra même plus tard la lectrice attitrée de la tsarine ! C’est à ce moment-là que l’opinion publique commence à se poser des questions sur lui car Charles Geneviève fait une fille trop parfaite pour n’être qu’un travesti, comment un homme déguisé aurait-il pu abuser une femme alors qu’il passait énormément de temps auprès d’elle et dans son intimité ? On remarque alors que son corps est beau, que ses traits sont délicats, qu’il est imberbe…Mais alors n’est-ce pas quand il est habillé en homme qu’il est travesti ? Un jour Elisabeth se rendit compte de son imposture et tenta de lui faire des avances mais Charles refusa et il fut renvoyé de la cour.
Toutefois sa carrière se poursuit avec succès, il continue de mener des missions pour Louis XV, tantôt habillé en homme, tantôt en femme. Il devient même capitaine des dragons et reçoit la croix de Saint-Louis pour sa bravoure au combat. A partir de là les rumeurs sur son identité sexuelle vont cesser car seul un homme peut mener des troupes au combat, pense t-on.
En 1762, Charles est envoyé comme secrétaire d’ambassade à Londres. Là le chevalier déconcerte absolument car sans que l’on ne lui demande il apparaît parfois en homme et à d’autres moments en femme et lors de conversation sa voix et son parlé deviennent féminin. Des paris s’engagent alors : pendant plus de vingt ans de nombreux anglais vont miser des sommes énormes sur son identité sexuelle. En 1771, leur montant total atteint presque la somme de 300 000 livres sterling.
Pressé de clarifier sa situation par un envoyé du roi qui n’est autre que le dramaturge Beaumarchais, le chevalier d’Eon signe une proclamation où il révèle enfin son sexe. Nous sommes en 1774, appuyé par les déclarations des médecins, il déclare être une femme. Le roi contraint alors l’ancien chevalier à ne jamais plus se travestir en homme et à conserver son statut de femme en toutes circonstances. Une ordonnance fut prise le 27 août 1777 par le roi lui donnant ordre « de quitter l'uniforme de dragons qu'elle continue à porter et de reprendre les habits de son sexe avec défense de paraître dans le royaume sous d'autres habillements que ceux convenables aux femmes ».Il est désormais Mademoiselle d’Eon et rentré en France, il reçoit de Marie-Antoinette une garde-robe digne de son nouveau sexe. Mais il doit s'exiler à Tonnerre où les plus grands personnages le visitent.
En novembre 1785, il regagne la Grande-Bretagne et perd sa rente. Il se retrouve dans une demi-misère et est recueilli par une dame britannique de son âge, Mrs Cole. Plusieurs fois il tenta de reprendre son statut masculin mais en vain car pour tous il n’y avait plus à s’y méprendre il s’agissait bien d’une femme. Alors pendant plus de trente ans elle mena la vie d’une lady respectable et vieillissante.
Elle accueillit favorablement la Révolution française, proposa à l'Assemblée nationale de conduire une unité d'Amazones, se vit accorder un passeport, mais la déclaration de guerre du 1er février 1793 et de lourdes dettes la contraignirent à demeurer sur le sol britannique.
En 1804, elle fut emprisonnée pour dettes ; libérée, elle vivra encore quatre ans dans la misère, avant de mourir, à Londres, le 21 mai 1810.
En effectuant la dernière toilette de la défunte, on découvrit avec stupéfaction que cette vieille dame... était un homme. Un chirurgien accompagné de plusieurs membres de la Faculté médicale de la Grande-Bretagne déclara dans un rapport médico-légal, le 23 mai 1810 : « Par la présente, je certifie que j'ai examiné et disséqué le corps du chevalier d'Éon et que j'ai trouvé sur ce corps les organes mâles de la génération parfaitement formés sous tous les rapports ».
Le chevalier d'Éon fut enterré dans le Middlesex.
Mais alors pourquoi Charles Geneviève, homme ambitieux et actif a t-il accepté de passer plus de trente ans de sa vie dans le rôle d’une femme ? Comment se fait-il que les médecins en 1774 lui aient déclaré une identité féminine ? Louis XV et Louis XVI étaient-ils au courant que Mlle d’Eon était en fait de sexe masculin ? Dans ce cas, pourquoi ont-ils refusé qu’elle redevienne un homme ? Après la mort de Louis XVI, pourquoi donc le chevalier d’Eon n’a-t-il pas reprit sa véritable identité ? Le 23 mai, un des membres de la faculté d’Angleterre déclara : « Par la présente, je certifie que j'ai examiné et disséqué le corps du chevalier d'Éon et que j'ai trouvé sur ce corps les organes mâles de la génération parfaitement formés sous tous les rapports ». Mais qui sait…. Si ces quelques personnes présentes autour de la dépouille de Charles-Geneviève s’étaient mises d’accord pour affirmer qu’il était un homme alors que c’était en réalité une femme ? Car pourquoi le chevalier d’Eon aurait-il menti sur son sexe féminin ? A l’heure d’aujourd’hui toutes ces questions n’ont pas de réponse...
Le Chevalier d’Eon a inspiré les peintres et les caricaturistes de son temps; mais on oublie trop souvent que ce diplomate aux pratiques douteuses était aussi un "homme des Lumières" qui laisse de nombreux écrits et une volumineuse correspondance derrière lui.
En 1959, un film de Jacqueline Audry lui est consacré et porte le nom suivant : Le secret du Chevalier d’Eon avec comme acteurs principaux Andrée Debar, Bernard Blier et Isa Miranda.
Sous forme de manga, Tow Ubukata réinvente l'étonnant destin de l'espion de Louis XV. Puis c’est au tour de Kazuhiro Furuhashi d’en faire une série d’animations en 24 épisodes à partir de l’année 2006.
Figure emblématique de l’ambiguïté sexuelle et du transformisme, le chevalier d’Eon est mis en exergue par Mylène Farmer dans sa chanson « Sans Contrefaçon » mais aussi dans les personnages qu’elle incarnera dans certains clips de Laurent Boutonnat des années 80, dont « Libertine » et « Pourvu qu’elles soient douces ».
Odéliane, pour la réunion du 22/02/09
Publié le 13/03/2009 à 12:00 par arcaneslyriques
La femme nue des Pyrénées
Voici une histoire maintenant quasiment oubliée. Mais à son époque, elle a tellement frappé les esprits qu’elle a donné naissance à une multitude de rapports administratifs, d’études scientifiques et d’ouvrages tentant d’en expliquer les mystères. Ce récit a aussi engendré une pléthore de romans, de poèmes et de pièces de théâtre, ainsi que quelques opéras. Et c’est encore sans compter la mythologie persistante, presque la mystique, qui règne autour de cet épisode historique dans la région qui en fut le cadre. Quelle histoire a donc pu être à l’origine de tout ceci ? Pour lui donner un titre, je reprendrai juste celui de l’étude que lui a consacré Christian Bernadac : « La femme nue des Pyrénées ».
Nous sommes au printemps 1807. Napoléon vient d’écraser les armées russes à Eylau lors d’une bataille aussi sanglante qu’inutile. Mais nous ne sommes pas au milieu d’un champ de bataille, nous sommes loin de tout, dans une région reculée de l’Ariège, au fond d’une vallée encaissée entourée de montagnes. Ici, la vie est rude et quand on a un peu d’argent, on s’achète un fusil et on va le dimanche chasser l’isard ou, à défaut, l’ours, ce qui est nettement plus dangereux, surtout s’il s’agit d’une femelle et de ses oursons.
Nous voici donc avec deux chasseurs originaires de Suc, parmi les rochers et les à-pics. Ils sont sur la piste d’un isard qu’ils poursuivent depuis tôt dans la matinée. Tout à coup, l’un des deux épaule son fusil, croyant apercevoir l’animal, et s’apprête à tirer. L’autre lui crie : « Ne tire pas ! C’est une femme ! ». Après quelques instants, la réponse vient, pleine de stupéfaction : « Oui, c’est une femme… »
Une femme, là, au milieu des rochers. Mais dire cela n’est encore rien dire. Elle ne doit pas avoir quarante ans, elle est plutôt bien faite, assez grande, et son visage est avenant. Mais surtout elle est complètement nue, relativement sale et la peau hâlée par le soleil, un soleil qui a dû la brunir depuis longtemps déjà. Seule une très longue et abondante chevelure blonde, détail très inhabituel dans la région, apporte un semblant de décence à la scène, mais si peu. Les deux chasseurs sont abasourdis. On le serait à moins.
Que doivent faire nos deux gaillards ? Ils s’interrogent et hésitent. Ils décident finalement qu’ils pourront être les héros du jour s’ils ramènent cette femme à la civilisation. Pas si facile pourtant. Car à peine la femme a-t-elle repéré les chasseurs qu’elle prend les jambes à son cou et détale aussi vite et aussi agilement que si elle avait été un véritable isard.
Nos chasseurs, qui pensent en avoir vu d’autres, se lancent dans une longue traque. Si longue en fait qu’ils reviendront sans la femme dans la soirée à Suc. Naturellement, l’histoire fait vite le tour du village. Comme il faut bien travailler pour gagner sa vie, on laisse passer la semaine. Cependant, dès le dimanche suivant, une forte troupe de chasseurs part à la recherche de la femme nue.
Les chasseurs sont divisés sur la stratégie à adopter pour parvenir à leurs fins. Doivent-ils ratisser large ou sélectionner des endroits précis de la montagne ? On opte après discussion à un retour vers le lieu où les deux premiers chasseurs avaient vu la femme. Option gagnante, car la beauté nue s’y trouve effectivement. Néanmoins, la scène n’est plus la même qu’une semaine auparavant. Car la femme est au milieu de plusieurs ours, et pas plus mal que si elle était elle-même une ourse.
De nouveau, dès qu’elle voit les chasseurs, la beauté nue détale, tout comme les ours d’ailleurs. La traque recommence. Elle sera difficile, mouvementée et désespérante. Mais les chasseurs ont un atout-maître, des guides de montagne très aguerris. Ils placent des groupes de chasseurs à des points-clés très élevés. Si la femme passe en contrebas, ils la verront à coup sûr. Après une attente usante, la tactique finit par payer. La beauté nue est localisée et une battue est rapidement organisée. Néanmoins, la femme ne se laisse pas rattraper aussi aisément. Elle coure, saute de rocher en rocher, franchit des crevasses. Jusqu’à ce qu’elle se foule légèrement une cheville.
Désormais, les chasseurs se rapprochent d’elle inexorablement et finissent par l’entourer. Mais la femme est une sauvageonne indomptable. On lui tend un manteau, pour qu’elle ne reste pas nue. Elle s’en moque. On essaie de l’attraper. Elle se débat des poings, des ongles et des pieds. Et elle hurle aussi : « Cochons ! Gros porcs ! ». Mais ce n’est pas ces insultes qui étonnent les chasseurs, c’est la langue dans laquelle elles sont prononcées. C’est du français de Paris, pas du tout le langage usité dans la région. C’est la stupeur. Et l’interrogation. Que fait donc une femme nue, blonde, fréquentant les ours comme des frères, bondissant comme un isard, se battant comme une lionne, et parlant le français de Paris en haut des monts dominant les vallées reculées de l’Ariège ? C’est un mystère total.
Après avoir, non sans mal, ligoté la femme, on l’enrobe de vêtements divers et on la porte jusqu’à Suc. Mais là un problème se pose. Que doit-on en faire ? On décide que c’est au maire du village de résoudre la question. Une solution est trouvée. On va la mettre pour la nuit dans la plus haute chambre d’une maison, on va l’y enfermer et on va faire venir les gendarmes, qu’ils se débrouillent ensuite avec elle.
La nuit se passe, les gendarmes arrivent, montent dans la chambre, et là… ne trouvent pas la femme. Où est-elle donc ? La réponse en fait frémir plus d’un. La femme s’est tout simplement, de son point de vue en tout cas, échappée par la fenêtre, surplombant pourtant une falaise impressionnante. Et en prime, elle a abandonné ses vêtements près de la maison avant de s’enfuir. Tout est à recommencer. La femme est à nouveau nue dans ses montagnes en compagnie des ours, les chasseurs effondrés, le maire ridiculisé et les gendarmes se demandant si c’est du lard ou du cochon.
Consciencieux, et puisqu’ils sont maintenant sur place, ils mènent à tout hasard leur petite enquête. Ils vont de petit village en petit hameau et vont même frapper à la porte des maisons les plus isolées afin d’en savoir plus. Et ils découvrent alors que cette femme nue n’est en réalité pas franchement une inconnue. Beaucoup de gens lui ont donné à manger lors de ses mauvais jours. Quand on la voit, on laisse bien en vue du lait, du fromage et du pain et on s’éloigne. Sinon la femme ne vient pas pour s’en nourrir. On lui a même donné plein de noms. Certains l’appellent « La folle de Vicdessos », Vicdessos étant un village proche de celui de Suc. D’autres l’ont baptisé « La biondina », la (femme) blonde. D’autres encore la nomment « La nuda », c'est-à-dire la (femme) nue. Bref, c’est presque une célébrité dans certains coins reculés de l’Ariège !
Mais que peuvent faire quelques gendarmes alors qu’il s’agit de rattraper encore une fois au milieu des montagnes une femme experte à jouer la fille de l’air ? Ils décident d’en référer à leur supérieur, qui affolé, s’adresse encore plus haut. C’est donc à Foix, en haut-lieu, qu’on choisira la suite à donner à cette mystérieuse affaire. Qui devient aussi assez irritante pour beaucoup. Il faut refermer le dossier coûte que coûte et on va y mettre les moyens.
Une véritable expédition de chasse à la femme nue est organisée. Les résultats s’en feront longtemps attendre mais ils viendront. Et on envoie manu militari la femme, dûment rhabillée, à Foix. Victoire ? Pas tant que ça. Cette montagnarde sans pudeur copine des ours a droit à des égards maintenant. Pas question de la loger n’importe où et n’importe comment. D’autant qu’on se doute qu’elle doit avoir de la famille très bourgeoise ou très noble, donc très puissante, quelque part en France. Et la moindre erreur pourrait coûter cher si on n’y prenait pas garde.
On trouve en conséquence un hospice très correct pour prendre soin de la femme. Et on l’interroge aussi. Quel est son nom ? D’où vient-elle ? Comment s’est-elle retrouvée nue en haut des montagnes de l’Ariège ? Son nom, elle ne le dira qu’une seule et unique fois. Mais personne ne le comprendra. Mais c’est une noble, c’est un point largement établi. Quant à son histoire, elle ne veut pas trop s’étaler dessus. Elle donne juste assez de détails pour que, après une longue enquête semée d’embûches, on puisse enfin la reconstituer. Et la voici.
A la révolution, son mari, craignant, sûrement à juste titre pour sa tête et celles des membres de sa famille, a décidé de fuir en Espagne, où il y avait des attaches anciennes. Après une dizaine d’années, estimant que la situation a évolué et qu’il n’y a désormais plus rien de mortel à craindre en France, il choisit de rentrer. Mais lui et sa famille n’ont plus aucun passeport valable à faire valoir pour repasser la frontière. Et même s’il en avait, qui lui dit qu’il ne se fera pas arrêter en tant que noble ? Méfiant, il opte pour un retour discret, lui et sa femme, par les montagnes de l’Ariège. Si tout se passe bien, il sera toujours temps de voir concernant les enfants, pense-t-il.
Hélas, ce retour ne se passe pas du tout comme prévu. A peine sa femme et lui ont-ils franchi la frontière que la charrette qui les transporte est assaillie par des brigands. Ceux-ci tuent le mari, qui a tenté de résister, volent argent, bijoux et tout ce qui a encore de la valeur à leurs yeux, et s’en prennent à la femme, qu’ils jugent très leur goût. Et c’est veuve, violée, mais encore vivante, que cette femme va se retrouver nue, seule et abandonnée au milieu des montagnes d’une région qu’elle ne connaît pas et dont elle ne parle pas la langue.
Cette agression l’a-t-elle rendue folle ? Ou après quelques années, toujours toute nue par tous les temps, compagne des ours, ennemie jurée des hommes désormais, a-t-elle peu à peu sombré dans la folie ? Peut-être les deux ? Oui, peut-être… Mais est-elle seulement folle, cette femme ? Ou peut-on la faire passer pour folle ? C’est la question très intéressée que se posent les autorités à Foix.
Car « La folle du Montcalm » (le Montcalm est l’une des montagnes dominant la région) commence à devenir carrément gênante. Les autorités craignent d’abord une mauvaise publicité. Leur région est-elle celle des folles nues parcourant les montagnes en compagnie des ours ? Un peu de sérieux, quoi. Et puis il y a la menace latente, mais pesante, de la famille, encore inconnue, mais sûrement puissante, on en est convaincu. Il faut absolument se débarrasser de cette femme, qu’elle soit folle ou pas, peu importe. Mais la tenir pour folle a un gros avantage...
En effet, si la folie est avérée – et les autorités de Foix feront tout pour qu’elle soit avérée ! – la loi stipule que cette femme doit être prise en charge par l’Etat – plus rien à payer pour la ville de Foix ! De plus, et c’est ce qui motive le plus les autorités de Foix, la loi précise que c’est à l’Etat de rechercher et de trouver un établissement convenable pour prendre soin de ce femme. Or, les autorités de Foix le savent bien, il n’existe aucun établissement de ce type dans la région. Il faudra donc envoyer cette femme, loin, très loin, dans un établissement spécialisé.
Un rapport très documenté sur la démence reconnue de cette pauvre femme accablée par la vie est acheminé illico vers Paris. On ne doute pas de l’issue positive de ce dossier. Mais il faut attendre la réponse. Et la réponse se fait vraiment attendre. Pendant ce temps-là, notre folle par intérêt des autorités montre qu’elle encore de la vivacité d’esprit à revendre. Car elle parvient à s’échapper de l’hospice dans laquelle elle était enfermée. Cependant, on remet vite la main dessus. Loin de s’être enfuie à toutes jambes vers les montagnes, elle errait tranquillement tout à fait nue dans les rues de Foix. Certes, c’est un camouflet pour les autorités de Foix, incapables aux yeux de tous de garder enfermée une « folle » dans un hospice. Mais c’est aussi, pense-t-on, une nouvelle preuve de la démence lamentable de cette pitoyable femme. Bref, ça va faire avancer le dossier et on n’entendra plus parler d’elle.
En attendant, il faut bien encore la garder quelque part. Plus dans un hospice, c’est clair. Mais où ? Il y a une prison à Foix, dans un ancien château-fort. C’est un peu sordide, d’accord, mais c’est sûr. Et on l’enferme donc dans une cellule. Les autorités sont rassurées. Les gardiens, beaucoup moins. Car il faut bien s’en occuper de cette femme avant qu’on l’expédie on ne sait où. Et là, ça se passe toujours mal. Elle se débat, elle griffe, elle envoie tout valser dans tous les coins. Et si ce n’était que ça. Mais en plus elle n’arrête pas de hurler, de hurler et de hurler encore. Insupportable. Même pour des gardiens très entraînés. Ils la placent donc dans un cachot, dans les sous-sols du château. Là, elle pourra hurler tant qu’elle voudra, personne ne l’entendra.
La réponse arrive enfin, positive. On va enfin pouvoir se débarrasser de cette femme. Mais après qu’on l’ait fait envoyer chercher dans sa prison, ses gardiens n’ont plus personne à aller libérer dans sa cellule. Car la femme est morte. Ils disent qu’elle s’est laissée mourir. Dans son cachot. En bas. Loin de leurs oreilles. La mort de cette femme sans nom et sans famille est attestée par un permis d’inhumer datant du 29 octobre 1808. C’est un document parfaitement officiel. Inattaquable. Fin de l’histoire ? Oui, mais pas des nombreux mystères entourant celle-ci.
Car certains trouvent un peu légère la cause du décès de cette femme. Elle se serait laisser mourir. Voire. Qu’on se souvienne de son passé. Elle a vu son mari être assassiné, on lui a tout pris, on l’a violée, elle a vécu nue dans les montagnes durant des années, elle a déjà été enfermée pendant de nombreux mois et elle a survécu à tout ça, réussissant même à s’évader deux fois. Et là, en attente de son transfert dans un établissement bien plus confortable qu’une prison, elle serait morte de désespoir ? Pour beaucoup c’est tout simplement inconcevable. Qu’on leur dise plutôt que les gardiens on voulu abuser de cette femme toujours toute nue, qu’elle s’est débattue, et qu’ils l’ont tuée par accident…
Mais un fait tout à fait certain dérange aussi beaucoup. On sait que l’ordre de transfert de cette femme est arrivé bien avant, au moins une semaine avant, qu’on ait été la chercher dans sa prison. Pourquoi donc a-t-on attendu toute une semaine alors qu’on s’était montré avant si pressé ? Avait-on décidé d’en finir une fois pour toutes avec elle afin, entre autres griefs, de laver l’affront de son évasion ? Sa mort a-t-elle été une exécution désirée et planifiée ?
Pourtant, malgré un permis d’inhumer parfait dans sa forme, il y manque le fond. Car de tombe, il n’y a point. Ni secrète, ni anonyme, rien. Beaucoup sont partis à sa recherche, toujours en vain. Existe-t-elle seulement, cette tombe ? Ou cette femme n’a-t-elle jamais été enterrée à Foix ou dans sa région ? Beaucoup le pensent. L’hypothèse serait qu’un marché ultra-confidentiel aurait été conclu avec la famille de cette femme. On vous donne tant d’argent, vous la libérez et surtout vous gardez le secret à tout jamais. Nul ne devra jamais savoir, au grand jamais, qu’un membre d’une famille très en vue à Paris se promenait nue dans les montagnes de l’Ariège en compagnie des ours. On a une réputation et un rang à tenir, quoi.
Quelle est finalement la vérité de toute cette histoire et de sa fin tragique ? A vous de vous la forger. Ou alors laissez votre imagination faire. A l’instar de François Salvaing qui s’en est inspiré récemment pour écrire « La Nuda », un roman paru en 1994.
Frédéric Gerchambeau, pour la réunion du 22/02/09.