Dossiers
Publié le 26/05/2010 à 16:53 par arcaneslyriques
La mystérieuse histoire de Zana.
Si je vous parle du Yéti, vous allez sourire. Pourtant le sujet n’est en rien risible. Ce sont des lords anglais tout à fait sérieux et des alpinistes de très haut niveau qui ont les premiers attiré l’attention du grand public sur ces créatures hantant l’Himalaya. Ce n’est que par la suite, à cause d’une traduction erronée, que les journalistes commencèrent à parler de « l’abominable homme des neiges ». Le mal était fait, impossible de revenir en arrière. Et désormais à chaque fois que le sujet du Yéti sera abordé, il y aura toujours chez le grand public un ricanement à peine étouffé. Il suffirait cependant qu’on cesse de rire quelques instants pour s’apercevoir que chaque région du monde a son Yéti, peu importe le nom qu’on lui donne. Sasquatch aux Etats-Unis, barmanu au Pakistan, jarang-gigi en Malaisie ou encore ngoloko en Tanzanie, il s’agit toujours grosso modo du même type d’hominoïde trappu, poilu et sauvage. A croire que si le yéti est un canular, c’est le canular le mieux organisé du monde !
Le Caucase aussi a son yéti, qui s’appelle l’almasty, ou tout simplement l’alma. Les récits abondent sur cet hominoïde dépassant parfois les deux mètres, recouvert d’un pelage roussâtre et dont les yeux émettent une lueur rougeâtre dans la pénombre. Mais l’histoire la plus étrange est certainement celle de Zana, une histoire parfaitement authentifiée et largement documentée. Seule son interprétation peut être sujet à discussion. Voici cette histoire.
En 1850, en Géorgie, un groupe de chasseurs a ramené des forêts du Mont Zaadan une créature hominoïde à mi-chemin entre une femme et une guenon. Autrement dit, avec toutes les apparences d’une alma femelle. Baptisée Zana, elle fut enfermée dans une cage durant près de trois ans. Son propriétaire, un habitant du village de T'khina, s’efforça pendant tout ce temps de l’apprivoiser. Mais la tâche était rude, Zana étant une créature d’une grande puissance musculaire et d’un caractère plutôt ombrageux. Cependant, au bout de ces années, Zana se fit plus douce et son propriétaire se décida alors à la sortir de sa cage.
Zana ne possédait de poils ni sur son visage très foncé ni sur ses mains de la même couleur. Ailleurs, elle était recouverte d’un pelage roux nettement plus long au niveau de la tête. Ses larges dents blanches, ses sourcils épais, son nez aplati et ses os de joues proéminents lui donnait un air peu engageant. D’autant moins que n’ayant jamais pu apprendre à parler, elle ne s’exprimait que par des cris, parfois plein de fureur.
Outre sa force hors du commun, Zana nageait très bien et courait aussi vite qu’un cheval au galop. Elle était également très résistante au froid, au point même de mal supporter les endroits chauffés. Cette robuste nature fut mis à profit par son propriétaire qui l’habitua à effectuer divers travaux pénibles par tous les temps, comme ceux de rentrer du bois en prévision de l’hiver, broyer du grain ou de porter des sacs de farine. Zana pouvait porter sans effort apparent un sac de farine de quatre-vingt kilos dans chaque main.
Il arriva un temps où le propriétaire de Zana la considéra pratiquement à l’égale d’une femme, avec les gestes et les conséquences que l’on devine. En fait, et pour dire la vérité, Zana eut tout au long de son existence de nombreuses relations avec beaucoup d’hommes, à la suite desquelles naquirent deux fils et deux filles, plus un cinquième enfant, son premier en réalité, qui ne survécu pas aux bons soins de sa mère. En effet, Zana avait l’habitude de baigner son premier nourrisson dans les eaux d’une rivière voisine. Mais l’hiver arriva, sans que cela ne dérange le moins du monde Zana. En revanche, pour son bébé, il n’en alla pas de même. Il mourrut d’un bain dans l’eau gelée de la rivière. Certainement pensait-elle que son bébé possédait la même résistance qu’elle au froid. Suite à cela, on préféra laisser des nourrices s’occuper des nouveaux-nés de Zana. Et c’est ainsi que ses deux garçons et ses deux filles suivantes atteignirent sans encombre l’âge adulte et eurent même une descendance. Cependant, même s’ils furent tous et toutes d’une intelligence normale, tout les distinguait physiquement du reste de la population alentour, tant par leur couleur de peau très foncée que par leur musculature hors-norme. Les deux garçons furent prénommés Dzhanda (né en 1878) et Khwit (né en 1884) et les deux filles Kodzhanar (née en 1880) et Gamasa (née en 1882). De ces quatre garçons et filles naquirent d’autres enfants physiquement assez semblables.
Zana est morte en 1890. Tout comme son fils Khwit, mort en 1954, elle a été enterrée dans un grand cimetière maintenant complètement abandonné et depuis envahi par de hautes herbes. Malgré de nombreuses recherches récentes, la tombe de Zana n’a, en tout cas officiellement, pas été précisément localisée. Une autre thèse voudrait que les autorités locales ne désirent pas vraiment révéler son endroit exact afin de garder l’exclusivité des informations scientifiques relatives à Zana. Toutefois, tout a été diffusé concernant le crâne de son fils Khwit. Voici les observations qui ont pu en être faites par l'anthropologiste M.A. Kolodievea :
« Le crâne trouvé à T’khina montre une combinaison originale de caractères modernes et anciens. La section faciale du crâne est sensiblement plus grande en comparaison du type moyen abkhaze. Toutes les mesures et les index de la découpe crânienne au-dessus des sourcils sont plus grands non seulement que ceux de la série moyenne abkhaze mais également que ceux de la taille maximum de quelques crânes fossiles déjà bien connus. Ceux qui se rapprochent le plus sont issus d’une série nommée Vovnigi II et datant du néolithique. »
Zana fut-elle une femelle alma ou une simple femme d’un aspect un peu étrange ? Je vous laisse vous faire votre opinion.
Frédéric Gerchambeau, pour la réunion du 14/03/10.
Publié le 29/01/2010 à 16:04 par arcaneslyriques
La si longue marche de l'homme :
Depuis quelques mois une révolution s’opère, un vrai renversement des valeurs et des connaissances. Mais cela se fait d’une manière si silencieuse que cela ne provoque aucun remou. Pourtant, c’est un choc immense pour la communauté scientifique. Imaginez donc : la revue Science, la bible absolue en la matière, a annoncé en été 2009 que l’homme ne descend pas du singe mais que c’est plutôt le singe qui descend de l’homme. Exactement l’inverse de ce qui se clamait depuis l’avènement de la théorie de l’évolution !
Cela s’est-il fait subitement ? Certes, non. Cela faisait des années que des voix professaient ceci dans le mépris, ou au mieux dans l’indifférence. Mais comment ces voix avaient-elles su avant les autres la vérité actuelle, celle-là même qui était encore une ineptie hier ? A cause de nos pieds et de nos mains. Je vais vous expliquer.
En fait, c’est très simple. Au cours des années 1890, un paléontologiste belge, Louis Dollo, a établi un principe qui n’a jamais été depuis remis en question, celui de l’irréversibilité de l’évolution. En clair, un membre ou un organe qui évolue ne reviendra jamais à son état d’origine. Quelle conséquence a cette Loi de Dollo ? Prenons un exemple : si un membre se spécialise dans la vie parmi les montagnes, il ne pourra pas revenir à son état d’origine non-spécialisé qui lui permettait d’évoluer aisément en plaine. Il permettra toujours l’évolution en plaine, mais d’une manière plus difficile qu’avant car il restera spécialisé pour la montagne. Soyons encore plus concret : le cheval, qui ne possède plus qu’un seul doigt à chaque patte muni d’un gros ongle, le sabot, ne retrouvera plus jamais les doigts qu’il a perdu au cours de l’évolution.
Quel rapport avec l’homme, et notamment avec ses mains et ses pieds ? Le voici : la main de l’homme est totalement non-spécialisée alors que ses pieds sont au contraire extrêmement spécialisés dans la marche bipède. Soyons encore plus précis. La main de l’homme, ses os, ses tendons et ses muscles en témoignent, n’a pratiquement pas évoluée depuis 500 millions d’années, c'est-à-dire depuis l’ère primaire. Ce que traduit Yvette Deloison, chargée de recherche au CNRS, d’une formule lapidaire : « La main de l’homme n’a jamais été une patte ! ». Cette phrase est on ne peut plus signifiante : jamais la main de l’homme, si on remonte dans le cours du temps, n’a servi à autre chose qu’a être une main. Et ceci depuis 500 millions d’années. Et a fortiori, elle n’a jamais servi de patte à un animal quadrupède. C’est un point fondamental. Il faut bien le peser. Il signifie tout simplement que l’homme dérive d’une lignée d’animaux qui ont tous en commun une caratéristique bien cernée : la bipédie. Autrement dit, l’homme et ses ancêtres ont toujours marché sans discontinuité depuis 500 millions d’années.
Mais, hé ! Attendez ! Et la théorie qui dit que l’homme s’est redressé pour n’acquérir qu’assez récemment l’usage de ses deux mains, qu’en fait-on ? Elle a été démentie par son propre inventeur, Yves Coppens, et depuis un bon bout de temps déjà. Mais sa théorie était restée gravée dans nos têtes comme une loi d’airain alors même que son rejet est effectif depuis près de 10 ans déjà. Il faut dire qu’on ne savait pas trop par quoi la remplacer. En fait, si. Par la vérité qu’on clame maintenant. Mais il était si difficile d’admettre qu’on s’était trompé depuis des décennies, que l’homme ne dérive pas du singe, que c’est le contraire, et surtout que l’homme descend d’une lignée bipède depuis l’ère primaire. Car c’est bien cela la vraie révolution de l’article paru dans Science : la bipédie humaine a précédé l’homme lui-même. C’est inscrit dans ses pieds. Et dans ses muscles fessiers. Car une différence assez ignorée entre l’homme et le singe est l’homme a des fesses alors que le singe n’en a pas ou pratiquement pas. Bon, il a bien un fondement, un postérieur, mais rien qui ressemble à des fesses. Mais en quoi cette histoire de fesses importe-t-elle tant ? C’est qu’en fait les fesses, ou plutôt les muscles fessiers, sont les muscles les plus puissants chez l’homme. Ce sont ces muscles-là qui le maintiennent debout et qui lui servent à marcher et à courir. Or pour lier ces muscles au squelette, il faut des points d’attache, beaucoup de points d’attache, très étudiés, et très solides aussi. De fait, l’observation attentive de ces points d’attache prouve par a plus b qu’ils datent anatomiquement d’une époque si reculée qu’on ne l’estime même pas. L’homme est d’abord un bipède. Et il est fait pour la marche au sol. C’est l’autre grande différence entre l’homme et le singe : l’homme possède des coussinets graisseux, spécialisés pour la marche au sol, sous ses pieds alors que le singe n’en a pas. Ce dernier possède par contre des pieds préhensiles adaptés à la vie arboricole.
Mais, hé ! Attendez encore ! On sait que l’homme et le singe (et plus exactement le chimpanzé) n’ont que 1% de différence entre leurs gènes. Alors n’est-ce pas la preuve que l’homme et le singe, c’est quasiment la même chose ?
Non. Et les différences sont même nombreuses et frappantes. Un singe n’est pas un homme et inversement, c’est l’évidence même. Mais comment est-ce possible ? C’est que cette différence de 1% dans leurs gènes n’est qu’un leurre, l’arbre qui cache la forêt. En réalité, la seule chose qui compte est l’expression des gènes que chacun possède. C’est là que s’écartent irrémédiablement l’homme et le singe. Pourtant, oui, ils ont bien une chose en commun, un rapprochement indéniable : l’homme et le singe dérivent de la même lignée animale. Mais l’homme en a gardé la caractéristique principale, la bipédie, tandis que le singe s’est spécialisé dans la vie arboricole. On estime assez bien la date de la séparation de l’homme et du singe : entre 15 et 18 millions d’années. Autrement dit, et c’est encore un point important, le singe en tant que tel date de 15 à 18 millions d’années, et il en est donc de même pour l’homme, ce qui est bien plus que ce qu’on croit habituellement. Et avant ? Avant, il n’y avait qu’une seule lignée commune, celle qui remonte comme je l’ai dit plus haut à 500 milllions d’années.
Voici donc l’héritage le plus précieux et le plus visible de l’homme, sa base, son essentiel : cinq millions de siècles de bipédie. Et ce n’est pas fini. L’homme a déjà marché sur la Lune. Un jour il exportera sa bipédie sur Mars. Ce sera le véritable début de sa marche à travers l’univers.
Frédéric Gerchambeau, pour la réunion du 13/12/09.
Et pour aller plus loin : http://entretienavecyvettedeloison.blogspot.com/
Sculpture : Alberto Giacometti (1901-1966)
Publié le 04/02/2009 à 12:00 par arcaneslyriques
Les Mythes et les Contes selon Pierre Gordon
Nous allons ici parler d’ethnologie et de Pierre Gordon, encore qu’il soit impossible de trouver les ouvrages de Pierre Gordon dans les librairies traitant d’ethnologie. Ils dépassent ce domaine même si, à la lecture, on est bien en plein dans le sujet. Mais il en va comme de tous les sujets, si on les traite autrement que comme il est « convenu » de les traiter, on se voit très vite écarté. C’est ce qui est arrivé à Pierre Gordon et cela explique que ses livres soient difficiles à trouver. Seuls quelques librairies oeuvrant dans le domaine des religions ou de l’ésotérisme les proposent, et encore souvent faut-il faire la démarche de les commander.
Qui fut Pierre Gordon ? On sait très peu de choses de lui à part qu’il fut agrégé de philosophie, Master of Arts de l'Université de Cambridge et multi-diplômé en langues étrangères. Et pour épaissir encore le mystère, on sait aussi que Pierre Gordon ne fut que le nom de plume d’un inconnu dont on ne connaît pas non plus le visage. Pourquoi cet inconnu a-t-il autant brouillé les pistes ? Une première raison probable est que ce personnage occupait sûrement un poste d’importance dans l’administration française et que ses idées concernant l’homme, sa nature et son passé auraient passablement étonné concernant un homme de son rang. La deuxième raison, certainement plus essentielle pour cet auteur, est qu’il estimait que le contenu de ses écrits primait, et de loin, sur son nom et sa personnalité, deux choses dès lors vouées à rester dans l’ombre.
Qu’est-ce que l’ethnologie ? L'ethnologie est une science humaine qui relève de l'anthropologie, et dont l'objet est l'étude explicative et comparative de l'ensemble des caractères sociaux et culturels des groupes humains. À l'aide de théories et de concepts qui lui sont propres, elle tente de parvenir à la formulation de la structure, du fonctionnement et de l'évolution des sociétés. Un exemple : Marcel Griaule qui pendant 30 ans a étudié les dogons en Afrique.
Pour comprendre la pensée de Pierre Gordon, il faut revenir sur les travaux de sir James George Frazer, dont Pierre Gordon fut sans doute un des élèves parmi les plus attentifs. L’œuvre principale de cet auteur fut « Le Rameau d’Or », un ensemble de 12 livres qui révolutionnèrent la sociologie, l’ethnologie et l’anthropologie. James Frazer évoque au début de son ouvrage le Roi des Bois de Nemi : dans l'enceinte du sanctuaire de Diane de Némi, dans la campagne romaine, se dressait un arbre sacré. Seul un esclave fugitif avait le droit de briser un de ses rameaux. La possession de ce trophée lui permettait de provoquer le prêtre de Diane en combat singulier et s'il le tuait, de prendre à sa place le titre de Rex Nemorensis, Roi du Bois de Némi, roi destiné à périr des mains de son successeur, qui sera un esclave fugitif comme il le fut lui-même. Il y avait là une double énigme : pourquoi le roi devait-il être forcément un esclave en fuite ? Et pourquoi devait-il d’abord s’emparer d’un rameau d’un arbre sacré avant d’affronter le prêtre en place ? Pour répondre à cette double interrogation, James Frazer ne va pas hésiter à explorer tous les mythes, tous les rites et toutes les légendes de tous les continents en rapport avec les deux sujets et ce n’est qu’au bout de 2500 pages imprimées en petits caractères qu’il estimera avoir assez d’éléments pour tenter d’éclaircir le double-mystère. « Le Rameau d’Or » ne constitua pas seulement une œuvre imposante, foisonnante et fondatrice. Elle brisa aussi de nombreux tabous en matière d’étude des religions à une époque où simplement vouloir étudier une religion, et notamment la religion chrétienne, comme n’importe quel autre sujet d’étude était considéré comme une offense voire un insulte grave à cette religion.
Frazer fut donc un auteur aussi passionné que courageux. Mais ce fut aussi un « raciste malgré lui », le racisme étant alors « naturel » au sein de la bourgeoisie anglaise. Selon tous, l’homme blanc occidental civilisé, dont la pensée est « raisonnée », était de toute évidence supérieur au sauvage primitif, dont la pensée est occupée par les esprits de la nature et la magie. Frazer, en dépit d’efforts louables, n’échappera pas à ce redoutable défaut.
Pierre Gordon, résistant apparemment beaucoup mieux au racisme immensément répandu à son époque, n’est pas d’accord avec le postulat infériorisant les populations des contrées éloignées de notre civilisation. Le sauvage primitif n’est en rien si sauvage qu’on veut assurément le croire, et c’est encore moins un primitif. C’est même un être fortement établi dans une société elle-même établie de très longue date et dont la pensée est bien plus complexe et raisonnée qu’il n’y paraît. Mieux, en remontant aux origines des mythes, des rites et des légendes, presque identiques dans leurs fondements au travers de la Terre entière, cet auteur en arrive à une conclusion logique qu’il n’aura cesse ensuite d’étayer toujours plus livre après livre. Voici donc le principe de base de la pensée de Pierre Gordon :
« La seule exégèse satisfaisante de l'homme, c'est qu'il fut d'abord un surhomme. Nous ne sommes point des êtres venus d'en bas et qui s'efforcent de gagner un palier plus élevé. L'évolution de l'humanité n'est qu'une longue dégradation de la connaissance propre au surhomme, ou connaissance ontologique, en connaissance empirique. » (Pierre Gordon, Le sacerdoce à travers les âges)
Par surhomme, Pierre Gordon entend l’homme tel qu’il était à son origine, entièrement uni avec le monde dynamique situé au-delà du monde physique. Le monde dynamique se manifeste dans le monde physique par l’intermédiaire du mana. Le terme mana, qui est une notion fondamentale en ce qui concerne la magie et la religion, est un terme polynésien que l'on retrouve sous différents noms chez différents peuples (par exemple wakan ou orenda) et qui désigne un pouvoir spirituel ou une puissance magique habitant certains objets et ou émanant de certaines personnes.
Depuis sa chute, l’homme n’est plus que l’ombre de lui-même et il cherche constamment à retrouver ce qui était son univers d’origine. Pour cela, il a mis au point depuis des temps très lointains des rites d’initiation qui permettent aux initiés de retrouver tout ou partie de l’état de surhomme originel. Ces rites d’initiation impliquent un type de société très structurée et entièrement tournée vers la réintégration de ses membres dans la surhumanité primordiale. D’où un problème allant croissant en intensité, car les sociétés se sont peu à peu dégradées de siècle en siècle et leur passé, une fois devenu incompris par les générations suivantes, n’est plus dans les mémoires que sous forme de mythes.
Le mythe raconte une histoire sacrée qui relate non seulement l'origine du Monde, des animaux, des plantes et de l'homme, mais aussi tous les événements primordiaux à la suite desquels l'homme est devenu ce qu'il est aujourd'hui, c'est-à-dire un être mortel, sexué, organisé en société, obligé de travailler pour vivre, et vivant selon certaines règles. Le mythe se déroule dans un temps primordial et lointain, un temps hors de l'histoire, un Âge d'Or, un temps du rêve. Réciter le mythe produit une re-création du monde par la force du rite. L'exigence du sacrifice est l'un des plus puissants. Le mythe n'est pas récité n'importe quand mais à l'occasion de cérémonies : naissances, initiations, mariages, funérailles, et tout un calendrier de fêtes et célébrations, c'est-à-dire à l'occasion d'un commencement ou d'une transformation dont il rend compte.
Un mythe est, d’après Pierre Gordon, l’exact reflet d’un type de société ancien et oublié. Par exemple le mythe du minotaure, décrivant en fait une société où le grand prêtre chargé de l’initiation portant rituellement un masque de taureau. Corollaire : Les mythes se sont transformés peu à peu en légendes, puis en contes, plus ou moins jolis ou plus ou moins horribles.
Le conte a toujours pour cadre principal le monde des hommes, même si celui-ci, notamment dans le cas des contes merveilleux, est souvent en contact avec l'autre monde, celui des morts, des esprits, du petit peuple des forêts et des dieux. C’est un genre narratif dans lequel le récit, qui a traversé les siècles par l'intermédiaire de la mémoire des hommes, est délibérément fictif. Il peut aussi varier selon les régions du monde et selon le narrateur. On arrive cependant à distinguer l'unité d'une histoire, derrière la multiplicité de ses variantes, par l'intermédiaire de la notion ethnographique de conte-type, qui définit une trame narrative par rapport à son contenu et à sa structure. Toutefois, pour Pierre Gordon, les contes forment un témoignage très précieux des temps anciens. Car pour lui, « Le conte de fées n'est que la description scrupuleuse d'un rite. ».
Grâce à ces quelques explications, nous pouvons dès lors comprendre la vision de Pierre Gordon concernant le passé de l’humanité.
Qui étaient les dieux de l’antiquité ? C’était une caste régnante nommée comme s’il ne s’agissait que d’une seule personne et qui était chargé de la diffusion et de la bonne exécution des rites d’initiation. En effet, ce fut une pratique systématique d’agglomérer une multiplicité de personnalités en une seule. Exemple : au début, il y eu Ouranos, puis vint Kronos, et ensuite Zeus. Mais c’est exactement comme si on parlait d’une dynastie royale désignée par le nom d’un seul roi suivie d’une deuxième puis d’une troisième (chacune sensiblement dégradée par rapport à la précédente). Se référer aussi concernant les agglomérations aux Hécatonchires, monstres qui possédaient 50 têtes et 100 bras (en réalité des groupes rituellement formés de 50 personnes), ou à Argos, qui avait 50 paires d’yeux (et qui était aussi un groupe rituellement formés de 50 personnes).
Qui étaient les démons ? Même réponse que précédemment, à cette précision près qu’on a fini par faire de certains dieux des démons, autrement dit des sur-êtres maléfiques, mais qui n’étaient pas considérés comme tels à l’origine, à l’instar de Lucifer, le Porteur de Lumière, devenu par la suite un sur-être maléfique. Exemple : Pluton et Hadès, les deux dieux grecs des enfers. Chez les romains, c’était Orcus, dont le nom s’est peu à peu changé en Ogre, le fameux ogre qu’on retrouve les contes horrifiques. Selon le terme de Pierre Gordon, il s’agissait d’un Digesteur divinisant, c'est-à-dire d’un prêtre chargé du séjour des personnes à initier dans une grotte sacrée (ou tout autre endroit considéré comme faisant office de grotte sacrée). Le prêtre est dans ce cas-là (mais ce fut un cas universellement répandu dans l’antiquité) assimilé à la grotte sacrée, elle-même assimilée à un intestin digérant les personnes à initier entrées par la bouche de la grotte avant qu’elle n’en soient libérées une fois la surhumanité atteinte. Cela rappelle évidemment Kronos, qui a mangé ses enfants (qui restent entiers dans son ventre). Zeus en réchappe, caché au fond d’une grotte. Et cela rappelle bien sûr aussi le Grand Méchant Loup des contes, qui se fait généralement ouvrir le ventre à la fin de l’histoire, par un bûcheron dans le Petit Chaperon Rouge, libérant ainsi la ou les personnes qu’il avait dévorée(s).
Quelle différence alors entre dieux et démons ? Aucune, à part le moment de l’initiation mis en valeur. Pour les démons, c’est la souffrance occasionnée par les efforts pour qu’un homme abandonne sa condition d’homme. Pour les dieux, c’est la récompense de ces efforts, c'est-à-dire la condition de surhomme.
Que désignaient les enfers ? Par principe, tous les lieux d’initiation, cabanes, grottes, bois sacrés ou autres, étaient assimilés à des lieux situés sous la terre. Or en latin, en dessous se dit inferus, d’où le mot enfer. Variante de l’enfer, le labyrinthe (dont la structure fait penser à un intestin) est, par définition, un lieu où on se perd (à soi-même).
Qui étaient les fées ? C’était originellement des femmes chargées des rites d’initiation dans les sociétés de type matriarcal.
Qui étaient les sorcières ? Ce qui restait (et reste peut-être encore) de l’ancienne fonction, maintenant très dégradée, des fées.
Qui étaient les dragons ? C’était originellement des hommes-serpents (c'est-à-dire des hommes vêtus rituellement comme des serpents) chargés des rites d’initiation dans les sociétés de type patriarcal.
Qui étaient les héros des temps antiques ? Des initiés combattant rituellement un ennemi redoutable quelconque et prouvant par là même la valeur de leur initiation et des pouvoirs acquis.
Quels étaient les pouvoirs dont étaient dotés les héros ? Ceux, peu ou prou amoindris selon les époques, du surhomme originel et dont les initiés tendaient à se rapprocher plus ou moins.
Pour conclure, on peut difficilement imaginer de nos jours ce que furent concrètement les civilisations d’Ouranos, de Kronos et de Zeus. Néanmoins, on peut peut-être en avoir une vague idée en se référant au chamanisme et essayant d’extrapoler à partir des civilisations maya, égyptienne, grecque et romaine. Mais peut-être aussi que cela n’avait rien à voir avec ces civilisations-là. Peut-être même est-ce totalement inimaginable pour l’homme d’aujourd’hui. En effet, qui peut se figurer dans notre ère dite moderne, et que Pierre Gordon considérait plutôt comme terriblement dégradée, un monde où la divinité était l’état normal de l’homme ?
Frédéric Gerchambeau
Illustration : "Hercule arrachant Alceste aux Enfers", Joseph Franque (1774-1833).
Publié le 24/05/2008 à 12:00 par arcaneslyriques
La Mort et ses Représentations
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l’Homme et la mort :
On peut tout d’abord distinguer deux causes du rapport de l’homme avec la mort : La première cause (dit post-moderne) est que les civilisations humaines croient en l’Au-delà. Les grandes catastrophes comme par exemple la peste en Europe (du XIVe au XVIIe siècle) donne à penser que la mort possède une densité particulière et par la même fait de la mort une compagne obligée présente au quotidien et implantée dans la vie des hommes de façon indélébile jusqu’à la déchristianisation récente.
La deuxième cause, avec les conséquences des deux guerres mondiales, était de conserver le souvenir et d’honorer la mémoire des hommes ayant donné leur vie pour défendre la patrie.
Pour résumer c’est sur la période «
Post-moderne » que la «
Pensée de la mort » prévalait sur celle des défunts alors qu’aujourd’hui la mort est devenue un objet de recherche dû aux travaux récents dans le domaine des sciences médicales pour faire reculer toujours un peu plus loin l’échéance fatale avec pour effet un changement dans les mentalités sur les rapports avec la mort.
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Les origines : l’Antiquité
Pendant longtemps la conception de la mort se retrouve au travers du culte touchant à la survie de l’âme dans l’au-delà.
En Egypte Osiris et Thanatos règnent sur les enfers mais ne sont pas la mort. Comme exemple antique nous retrouvons chez les Grecques et romains parfois des peintures représentant la mort comme une vierge voilée, couronnée d’absinthe et tachée de sang, mais le plus souvent se sont des allégories : Flambeaux renversés, clepsydres, urnes funéraires, oiseau picorant un fruit. La mort n’est représentée qu’en son vivant, le squelette n’apparaît que dans les «
Bacchanales » (fêtes bruyantes et orgiaques en l’honneur de Bacchus). On n’évoque que les hommes puissants ou alors les morts dites de masses ou exceptionnelles.
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Le Christianisme
C’est au VIIe siècle que les funérailles se généralisent, la mort est devenue en ces temps « Le salaire du péché » l’âme pécheresse est privée de la vie spirituelle.
La mort corporelle est la naissance de la «
Vraie vie » dans l’au-delà, le triomphe de la vie spirituelle, le plus important étant le jugement dernier devenu essentiel dans le mécanisme de la foi.
Il faut se résoudre des jouissances de la vie et se préparer au jugement divin.
Cette peur de dieu est orchestrée par les clercs et les prédicateurs en s’adressant aux faibles ainsi qu’aux puissants.
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Allégories sur la mort au Moyen Age
Les représentations les plus variées prennent tour à tour des formes plus ou moins surprenantes avec entre autres : des ailes de chauve-souris au XIIe siècle, un moissonneur avec faucille, serpe, puis faux au XIIIe siècle, ou encore en chasseur avec filet, arc et flèche, sous la forme d’un musicien avec violon ou fifre au XIVe siècle, puis comme fossoyeur avec pic, pelle et cercueil au XVe siècle et se généralise enfin avec le début de la renaissance comme au XIIIe siècle sous la forme d’un moissonneur avec sa faux.
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Les différentes veines littéraires sur la mort
Parmi les auteurs qui abordent ce sujet le premier semblerait être Boèce (480-524), puis suit au XIIe siècle Thibaut de Marly (1135-1190) qui nous décrit les affres de l’enfer ainsi que les points faibles de l’être : la cupidité et la méchanceté. Les puissants doivent donner l’exemple par leurs charités, ils insistent sur la vanité des honneurs et des richesses mais c’est surtout Hélinant de Froidmont qui écrivit une œuvre majeure vers 1194 - 1197 qui va poser les bases de ce qui deviendra plus tard les « Danses Macabres ».
Son œuvre intitulée «
Vers de la mort » nous enseigne et surtout nous met en garde contre les vanités du monde et rappelle que l’on ne connaît ni le jour ni l’heure de sa mort.
Son message nous parle de l’égalité face à la mort qui touche chaque être humain ainsi que l’égale décomposition de son cadavre. Il convient de ne pas craindre la mort mais le jugement dernier.
Diverses familles d’oeuvres littéraires peuvent être classés : Tout d’abord la veine des « Vado Mori » poèmes Latin du XIIe siècle dont la traduction puis la particularité est de commencer et de finir par l’expression suivante : «
Je vais mourir », et pose l’interrogation suivante «
Où sont ceux qui avant nous vivaient ? » seul sont mis en scène des mourants contrairement au «
Dit des trois vifs et des trois morts ».
On retrouve donc plusieurs personnages représentatifs de la société de l’époque avec par exemple : le roi, le pape, le chevalier, l’écrivain, le cordonnier, la danseuse etc…tous se plaignent qu’ils vont mourir bientôt.
Comme exemple on peut y lire : «
Je vais mourir, les mourants s’assoupissent et les sourcils s’abaissent, les jeunes veillent, les vieillards s’endorment. Ayant été ainsi livrés à la souffrance, ils meurent, je vais mourir ».
Plusieurs poètes tel Deschamps, Chartier, Chastellain et surtout Villon avec son texte «
Les belles dames du temps jadis » s’en inspirent et en sont véritablement obsédés.
Quand à Pierre de Nesson il évoque avec amertume et pessimisme la précarité de la vie et la déchéance qui l’accompagne avec cet extrait : «
l’Homme n’est que charogne et sac à vermine ».
Autre veine, celle des «
Artes Moriendi » qui s’adressent avant tout aux clercs plus qu’aux fidèles.
Ces œuvres évoquent les assauts que le mourant subit de la part des puissances infernales et l’aide qu’il peut recevoir des anges, elles sont contemporaines d’une dernière veine celle des «
Danses Macabres » avec inclus dedans le «
Dit des trois vifs et des trois morts ».
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Le dit des trois vifs et des trois morts
C’est vers la fin du XIIIe siècle que l’on distingue cette œuvre avec celle des « Danses Macabres ».
La principale innovation du texte tient dans le dialogue entre des morts et des vivants, et se retrouve aussi sous forme de peinture murale.
Le dialogue se décompose comme suit : le premier vif raconte cette vision d’horreur, le deuxième comprend qu’il s’agit d’un miroir, thème très fréquent, qui fustige leur orgueil, le troisième décrit les morts en putréfaction.
Voyageant à pied et ne semblant guère horrifiés par cette rencontre les trois vifs représentés par des seigneurs sont emmenés à faire face aux macchabées un acte de contrition.
Le premier mort déclame «
Ce que vous êtes, nous l’avons été, ce que nous sommes vous le serez », le deuxième décrit la mort et les tourments de l’enfer, le troisième invite les vifs à se tenir toujours prêts face à la mort inéluctable.
Les morts ont été envoyés par dieu pour que les trois vifs examinent leurs consciences, un épilogue exprime l’espoir que dieu écoutera la prière des vivants.
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La Danse Macabre
Avec l’apparition de la peste noire vers 1348, cette «
malédiction » frappe la moitié de la population en Europe et contribue à l’émergence d’une nouvelle œuvre littéraire sous forme de poème, mais surtout par des œuvres peintes exprimant ces poèmes sur les murs des églises ou dans les cimetières, seulement apparus au début du XVe siècle.
Il est intéressant de noter au passage le terme du mot «
Macabre », qui oscille allégrement d’une origine à l’autre, on peut citer en exemple l’expression : «
Mactorum chorea » traduit par «
Danse des maigres » ou «
Décharnés » ou par une onomatopée rappelant le choc des os. Mais le plus probable est le mot Arabe «
Maqabir » qui signifie tombe, par contre l’origine de l’expression «
Danse Macabre » peut être dû à une vieille légende de morts dansant sur les tombes.
Des origines littéraires on attribut la genèse de l’œuvre à Jean Le Fèvre (1322-1387) qui écrit en 1376 «
Le respit de la mort » on peu y lire cette phrase «
Je fistz de macabree la dance ». On pense qu’il écrit cette œuvre à cause de la peste auquel il échappe de peu.
Ces vers mettent en scène quelques 25 personnages dont : le pape, l’empereur, le cardinal, le roi… alors représentatif de la population d’alors. Son message est conçu envers l’ensemble des conditions sociales, que l’homme soit riche et puissant, pauvre ou faible sans distinction d’âge et de sexe, tous seront inexorablement entraînés vers la mort dans une danse frénétique où personne n’y échappera.
Ce message doit faire preuve d’humilité concernant les riches et doit apporter aux pauvres le réconfort de voir les nobles et les prêtres soumis à la même loi. C’est aussi un appel à tous pour une vie responsable et pieuse. La mort insensible aux inégalités sociales, étend par la danse sa plus belle leçon et son magnifique triomphe.
Une des particularités des poèmes de la «
Danse Macabre » est qu’ils furent joués et dansés devant le duc de Bourgogne en 1429 à Bourges mais aussi en d’autres occasions et peut-être même chantés !
La danse et son articulation : Le texte commence ainsi : le prédicateur entonne le message puis viennent les propos de quatre morts musiciens, suit le défilé des 30 couples morts et vivants, se poursuit par l’évocation d’un roi mort et se termine par la péroraison du prédicateur. Exemple de commentaire en vers sur un des personnages : l’Abbé
[i]Abbé, venez donc ! Vous fuyez !
N’ayez pas la mine ébahie.
Convient-il que vous fuyiez la mort ?
Combien donc l’avez-vous haïe !
Dites donc adieu à l’abbaye
Qui gros et gras vous a nourri.
Vous pourrirez vite : chez la mort le plus gras est premier pourri ![/i]
Les représentations picturales : Comme vu précédemment c’est surtout par une représentation peinte que toute la force de la «
Danse macabre » prend son ampleur, malheureusement ces œuvres subiront au fil des siècles une dégradation due au jugement de certains qui les qualifient de barbares.
Une des premières fresques est apparue en France aux alentours de 1424 au cimetière des innocents à Paris. Cette œuvre peinte sur une longueur de 20 mètres environ correspond pour son époque à une période délicate de l’histoire de France. S’ensuit à partir de 1424 une grande diffusion de peinture à travers l’Europe suite au succès considérable de cette œuvre. Cette peinture disparaît définitivement en 1785 ne restant comme trace que des gravures. On peut aussi cité en exemple la fresque situé dans l’église de Meslay-le-Grenet (28) peinture daté vers 1490 malheureusement un peu dégradé mais très saisissante, à visiter absolument.
Toutes ces peintures furent très en vogue au cours du XVIe siècle et se développent de plus en plus, avec toutefois diverses variantes dans ses interprétations, mais elles s’estompent progressivement au XVIIe siècle et deviennent épisodiques jusqu’en 1932. Cela s’explique par un changement progressif des mentalités, les peintures ne revenant que lors d’une guerre ou d’un grand désastre. La mort s’exprime alors le plus souvent dans des tableaux ou dans des gravures.
L’époque moderne : Le romantisme ressuscite le phénomène du macabre au milieu du XIXe siècle et le poète Charles Baudelaire compose son poème «
La Danse Macabre », bien qu’il soit toutefois qu’un air éloigné du thème originel, décrivant plutôt l’entité qu’est la mort.
Dans le domaine musical le compositeur Hector Berlioz inspiré des «
Dis Irae » traduit par : «
Jour de la colère » (oeuvre écrite au XIIIe siècle par Félix Haemmerlin qui l’introduit dans la messe des funérailles et qui figure dans les missels jusqu’a la fin du XVe siècle est un hymne médiéval traditionnellement chanté pour faciliter le passage de l’âme dans l’au-delà), compose en 1830 «
Songe d’une nuit du sabbat » 5ème partie tirée de sa «
Symphonie fantastique ». Autre grand compositeur, Frantz Listz s’inspirant lui aussi des « Dis Irae », compose une ouvre musicale intitulée «
Totentanz », ainsi qu’une symphonie en 1861 intitulée «
Faust » plus trois pièces de musique de bal «
Méphisto Walzer » qui donnera plus tard son nom à un groupe goth en 1986. Il est à noter qu’un groupe Français de cold wave en 1983 prendra le nom de «
Danse Macabre ». Le compositeur français Camille Saint-Saëns qu’en a lui, écrivit sa célèbre «
Danse macabre » vers 1874, issu des «
Poèmes symphoniques » inspiré par un poème du Français Jean Lahor connu aussi sous son vrai nom Jean Caselli.
D’autres compositeurs de musique classique ont écrits sur le thème de la «
Danse des Morts » tels : l’Autrichien Gustav Mahler ou le Russe Dimitri Chostakovitch.
Quelques auteurs ont également écrit sur le sujet dont le Belge Georges Eekhaud avec «
La danse macabre du pont de Lucerne » en 1920 ou encore Michel De Ghelderade et sa «
Ballade du grand macabre » en 1934.
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Sources utilisées :
- Livres à consulter :
L’ouvrage de référence sur le sujet des danses macabres à lire absolument pour approfondir sa culture : PUF Que sais-je ? André Corvisier 1998.
Sur la peste l’excellent livre : La peste : Histoire d’une épidémie Gallimard Jeunesse n° 15 Brigitte Coppin, Michaël Welply 2006.
- Sites Internet à visiter :
http://www.lamortdanslart.com/danse/danse.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Danse_macabre_(christianisme)
http://perso.wanadoo.fr/police.daniel/Riboul/Meslay.htm
La photo de ce dossier provient de l’église de Meslay-Le-Grenet dans le département 28, à découvrir absolument !
PerCeVal
Article également paru dans le numéro 7 de Reflets d’Ombres.
Publié le 14/05/2008 à 12:00 par arcaneslyriques
Fantasy urbaine
Extraits du dossier paru dans Présences d’Esprits nº 47
Par Yohan Vasse
Si votre barman a la carrure d’un troll, si les punks qui squattent dans le métro ont les oreilles pointues, si une dryade cohabite avec votre plante d’appartement, c’est que le merveilleux vient d’entrer de plain-pied dans notre monde contemporain et son ère moderne. Adieu les forêts ancestrales, bienvenue en ville.
Un titre et un nom évoquent immédiatement la fantasy urbaine : Neverwhere de Neil Gaiman, publié en 1996 en Angleterre. Pourtant, l’auteur n’est que l’un des derniers maillons d’un mouvement qui a émergé au milieu des années quatre-vingt dans le Nord des États-Unis, à Minneapolis sur les bords du Mississippi, près de la frontière canadienne. En ce sens, la fantasy urbaine est le dernier avatar du merveilleux au sens large. Un courant qui a déjà quelques années derrière lui et qui se caractérise par la prédominance de la ville moderne, mais aussi par une certaine esthétique, proche du fantastique contemporain. D’où parfois la difficulté de situer certaines de ses œuvres.
Fantasy héroïque, sombre, légère, burlesque, scientifique, urbaine…
Pour situer la fantasy urbaine au sein des autres courants du merveilleux, il est intéressant de se pencher sur la classification proposée par l’universitaire nord-américaine Farah Mendlesohn, qui prend en compte la nature de l’accès au merveilleux :
- Portal Fantasy, lorsqu’il existe un seuil à franchir entre notre monde et celui de la fantasy (le Monde de Narnia) ;
- Immersive Fantasy, lorsque le monde de fantasy développe un univers indépendant (les univers de David Eddings) ;
- Intrusive Fantasy, lorsque la fantasy s’introduit dans notre monde, souvent en opposition avec les lois naturelles ;
- Estranged Fantasy, lorsque les lois surnaturelles de la fantasy cohabitent dans notre monde avec ses lois naturelles. C’est à cette dernière catégorie que l’on peut rattacher la fantasy urbaine.
Les précurseurs
La fantasy urbaine est naturellement influencée par ce qui la précède. Et cela remonte au tout début du 20e siècle, lorsque Lord Dunsany fit interagir le monde magique de Pegana (et sa mythologie créée de toutes pièces) avec sa vision du Londres édouardien (dans Le Temps et les dieux). Un peu avant, sir James Matthew Barrie, avec son Peter Pan, avait déjà introduit une part de féerie dans un contexte urbain, celui de Londres (encore !) et de son parc de Kensington.
Un peu plus près de nous, en 1943, quelques prémices sont à chercher du côté de Fritz Leiber. Dans son roman Ballet de sorcières, il entremêle sorcières, magie ancestrale féminine et environnement urbain (celui d’un campus). En forçant son épouse à renoncer à des pratiques qu’il estime superstitieuses, Norman Saylor, professeur d’université, va se retrouver au cœur d’une guerre magique déterminante pour l’équilibre du monde.
En 1953, Roberta A. McAvoy écrit Tea with the Black Dragon, un étrange polar californien dans lequel l’un des personnages serait un ancien dragon chinois incarné en humain.
C’est cependant Roger Zelazny qui posera le dernier jalon, en livrant sa saga des Neuf Princes d’Ambre. Si l’univers d’Ambre et des Cours du Chaos est très loin des archétypes de la fantasy urbaine, Roger Zelazny en crée pourtant certains codes lorsque ses personnages agissent dans notre monde tout en employant leurs pouvoirs issus de la Marelle et du Logrus. La magie fait alors jeu égal avec la voiture, les pistolets automatiques et l’informatique.
Aux origines
À partir des années 1980, la ville de Minneapolis devient le centre d’un renouveau de la fantasy sous le principal patronage de Ellen Kushner, puis de l’illustratrice Terri Windling qui la remplace comme editor chez la maison d’édition Ace. Terri Windling va lancer l’une des premières et véritables collections de fantasy. Pour cela, elle fait appel à de nouveaux talents, et parmi eux les Scribblies, six auteurs qui viennent de se rassembler en atelier d’écriture : Nathan Bucklin, Emma Bull, Steven Brust, Pamela Dean, Will Shetterly et Patricia C.Wrede.
Ayant mis en place un univers partagé, sous la forme de la ville imaginaire de Liavek, les premiers Scribblies seront rejoints par quelques amis, et pas des moindres : Megan Lindholm (alias Robin Hobb), Charles de Lint, John M. Ford, Gene Wolfe ou encore le scénariste de comics Alan Moore. De son côté, toujours pour promouvoir la fantasy, Terri Windling crée un autre univers partagé pour sa collection jeunesse, Bordertown, reposant sur le concept en gestation de fantasy urbaine. La ville est donc déjà au cœur de ce courant en devenir. Avec cette collection, qui eut peu de succès, Midori Snyder (Les Innamorati, chez Folio SF), entre autres, rejoint la communauté des Scribblies. C’est au sein de ce petit groupe d’amis, composé de quelques-uns des auteurs de fantasy les plus intéressants d’aujourd’hui, que va se développer la fantasy urbaine. Chacun des Scribblies, ou presque, va s’essayer à un moment ou à un autre à ce courant.
Après avoir livré quelques romans d’une fantasy classique, Charles de Lint pose en 1984 la première pierre de la fantasy urbaine, en publiant Moonheart. Le récit mêle mythes amérindiens, magie (une maison dont les portes s’ouvrent sur d’autres mondes), une pointe d’horreur et le décor urbain d’Ottawa. Il continue son exploration en 1987 avec Jack the Giant Killer, qui met en scène la Chasse sauvage au bord de la Faërie, en plein Ottawa contemporain.
La même année, Emma Bull publie son roman War of the Oaks, dans lequel elle utilise les mythes celtes dans le cadre de Minneapolis.
Pamela Dean, quant à elle, transpose dans Tam-Lin une vieille ballade écossaise au sein d’une université nord-américaine des années 70, tandis que Megan Lindholm prend Seattle pour terrain de jeu de son Dernier Magicien. Elle écrira ensuite La Nuit du Prédateur en collaboration avec Steven Brust, qui cosignera aussi Freedom and Necessity avec Emma Bull.
Voilà pour les Scribblies. Mais ils ne furent pas les seuls à participer à la mise en place de ce courant. L’on peut ajouter Greg Bear (Songs of Earth and Power), Esther Friesner (New York by Knight et Elf Defense) ou encore Raymond E. Feist avec Faërie Tale (qui fut traduit en France sous le titre Faërie la Colline magique). Signalons enfin l’un des plus récents romans de ce courant, Le Royaume de l’été de James A. Hetley, publié en 2002.
Fantasy urbaine au futur : Troll hacker et nain technomage
On ne peut pas parler de fantasy urbaine sans évoquer un vétéran des jeux de rôle, Shadowrun, qui pousse l’alliance de la fantasy et du cyberpunk à un degré encore peu utilisé dans les littératures de genres. Au cours du 21e siècle, dans une société dominée par les corporations, où l’information transite via la matrice, un bouleversement a fait resurgir la magie ancestrale et renaître les créatures du merveilleux dans un processus de « gobelinisation » d’une partie de la population. C’est dans cette société de luttes de pouvoirs que les joueurs incarnent des coureurs de l’ombre, des mercenaires boostés aux implants cybernétiques et qui combattent à coup de piratages, d’invocations magiques ou de gros flingues.
La nuit, tous les elfes sont gris
La fantasy urbaine est avant tout un genre d’atmosphère et d’ambiance, ce qui rend difficile la détermination de ses éléments caractéristiques. D’autant plus qu’elle emprunte aussi bien à la fantasy classique, qu’au merveilleux, au polar ou, plus près d’elle, au fantastique.
La fantasy urbaine se nourrit de son environnement : urbanisation forcée, exclusion des pauvres, regain d’intérêt pour le merveilleux, émergence de nouveaux mouvements culturels et artistiques underground (comme le gothique), mais aussi retour de manifestations autour du médiéval.
Expression de la fantasy dans un cadre contemporain
La fantasy urbaine fonctionne essentiellement sur la redécouverte du merveilleux (ou autres figures mythologiques et mythiques) dans un milieu résolument urbain et contemporain. Il ne s’agit pas là d’une simple transcription d’histoires de fées dans une ville moderne. La ville n’est pas un simple décor interchangeable, elle sert réellement de toile de fond pour les intrigues, et permet aux auteurs de jouer sur le décalage entre féerie et éléments modernes. Ici, la féerie est une société bien réelle qui s’est édifiée la plupart du temps en marge des grandes villes (dans les zones industrielles par exemple).
Contrairement au malaise distillé par le fantastique, la fantasy urbaine guide doucement les pas du lecteur du bitume des trottoirs vers le merveilleux des zones cachées. La rencontre avec les éléments surnaturels de la fantasy se fait souvent au détour d’un chemin, dans des lieux propices au décalage d’avec le quotidien, métro désert, boîte de nuit, squat, parc...
Des fées au coin de la rue
Les créatures du merveilleux n'ont pas disparu, elles se sont tout simplement adaptées à la présence des hommes en vivant dans des espaces délaissés qu’elles ont faits leurs, à la manière des renards dans les banlieues de Londres. La frontière entre les deux « mondes» est bien sûr plus perméable qu’il n’y paraît. L’apparition du merveilleux dans notre vie citadine, avec tout ce qu’il peut avoir d’aliénant, est plus percutante dès qu’il s’inscrit dans un quotidien familier et banal. C’est la confrontation d’un fay et d’un témoin au sein d’un commissariat de quartier (mise en scène par Léa Silhol dans Arcane I : le Magicien). Une scène banale si ce n’était le pouvoir du fay (presque psychique) opposé à la brutalité policière (physique).
Cet apport des thématiques sociales et humaines, comme moteur du récit de fantasy, permet de poser un regard plus grave sur les maux de nos sociétés. Les êtres du merveilleux subissent la discrimination raciale, les magiciens sont des marginaux, et la violence urbaine couve dans les banlieues anonymes. Ces éléments apportent une touche sombre au courant, qui penche plus du côté du polar ou du roman noir que du fantastique horrifique.
La métropole dans le rôle principal
Dès les débuts de la fantasy urbaine, la métropole a joué un rôle si important que les villes réelles (Londres, Ottawa ou Seattle) ne suffisaient plus pour fournir un décor adéquat aux récits. Le courant est vivant, il a besoin d’espace pour s’exprimer, de zones d’ombres et de lumière. On l’a vu, les Scribblies avaient créé leur terrain de jeu idéal avec la ville de Liavek. Et Terri Windling suivit le même parcours avec Bordertown. Charles de Lint, au fur et à mesure de ses récits, mettra en place la ville de Newford, une ville nord-américaine de six millions d'âmes qui jouxte la réserve indienne de la tribu des Kickahas. C’est à Newford que le lecteur peut rencontrer le grand dieu Pan ou rêver des Parques, les sorcières y existent sous la forme de grands-mères inoffensives.
Enfin, c’est la cité de Frontier que les fays de Lea Silhol tentent de rejoindre pour échapper aux lois eugéniques qui les menacent.
Des villes imaginaires à l’image des nôtres, qui en prennent aussi bien l’architecture imposante que la solitude qui y règne. Plus qu’un décor, la ville devient souvent une entité presque vivante, capable tout autant d’emprisonner que de protéger. Son passé, l’accumulation des coutumes, des histoires – petites et grandes – qui l’ont forgé, ses figures historiques ou légendaires, tout cela participe à faire de la ville une entité autonome.
Dans les marges des villes
Si Neil Gaiman déploie un merveilleux étrange et fascinant, presque exubérant dans sa description du Londres d’En Bas de Neverwhere, à l’opposé, dans Le Dernier Magicien, Robin Hobb nous présente un merveilleux dramatiquement humain, pessimiste. La communauté des derniers enchanteurs dont font partie Raspoutine, Cassie et le Magicien, est une vision sans concession d’un combat quotidien contre l’exclusion au sein des centres urbains, ici Seattle. Car si le Magicien peut apporter des paroles de réconfort, le Savoir, aux inconnus qui viennent se confier à lui, c’est grâce au dépouillement de sa propre personne, une vie de SDF dénuée de richesse, d’envies ou de passion. Dans ses poches, un paquet de pop-corn pour les pigeons, juste assez de monnaie pour un café. Pas plus, au risque de provoquer un déséquilibre dans la magie. Une certaine mélancolie plane donc sur la fantasy urbaine, le sentiment d’un paradis perdu (le royaume de féerie). Les êtres de la féerie étant comme des exilés, des réfugiés déracinés au sein des grandes métropoles. C’est peut-être pourquoi ils tentent de recréer leur royaume dans les interstices des villes, dans ses zones d’ombre.
L’art de la magie et la magie des arts
Musique et graphisme sont au cœur des centres urbains, il n’est donc pas étonnant de retrouver ces références artistiques en fantasy urbaine. D’autant que l’art est aussi associé aux mythes celtiques, sources d’inspirations principales de la fantasy urbaine. Comme si la pratique ou le goût pour l’art permettait d’établir un lien avec le merveilleux dissimulé dans les marges de la vie quotidienne.
Et comment ne pas évoquer les graffitis et les tags, un langage étranger, qui répond souvent plus à un ordre esthétique que littéral, comme des incantations secrètes pour réveiller les forêts de barres d’immeubles. Quand la musique, la danse et les arts graphiques se mêlent dans un rituel de communion au sein d’un squat d’artistes, la magie des anciens n’est sûrement pas loin.
L’exception française
Alors que le steampunk, autre courant aux racines anglo-saxonnes a conquis rapidement les lecteurs et auteurs français, tant en littérature qu’en bandes dessinées, la fantasy urbaine reste jusqu’à présent plutôt confidentielle, avec peu de traductions et encore moins de créations francophones. Et ce, malgré les efforts constants des éditions Mnémos d’un côté, et des défuntes éditions de L’Oxymore de l’autre, menées par Léa Silhol, fer de lance des auteurs de fantasy urbaine francophone.
Chez l’Oxymore, c’est l’anthologie Traverses, publiée en 2002 qui a permis au lectorat français de découvrir toute l’étendue de la fantasy urbaine à travers une quinzaine de nouvelles, dont quelques textes d’auteurs francophones.
Aux limites de Frontier
Outre son travail d’éditeur, Léa Silhol, est aussi une auteure inspirée qui a trouvé sa propre voix au sein de la fantasy urbaine. Tout commence en 1999 avec Runaway qui raconte la fuite de Need (douze ans) et de Gift (son petit frère de cinq ans), vers l’Ouest. Vers la ville de Frontier. Car Gift est né différent, ses goûts ne sont pas ceux d’un enfant normal. Pour ses parents, il s’agit d’un changeling, comme il en apparaît d’autres au sein de diverses familles. Afin d’éviter que son petit frère ne soit abandonné dans un Centre (orphelinat, prison et maison de correction tout à la fois), Need préfère fuir vers une ville mythique située au bord du monde, un lieu qui pourra accueillir son frère. En substance, les fondations de Frontier sont déjà posées avec cette nouvelle : le droit à la différence, la sensibilité à la nature, la musique pop rock, la fuite, l’enfance et l’adolescence.
Guide de lecture à l’usage des curieux
De nombreux titres restent hélas encore à traduire et à publier, dont plusieurs récits fondateurs de la fantasy urbaine. Les titres sont présentés suivant la présentation chronologique du dossier.
Les Précurseurs
- Lord Dunsany, Le Temps et les dieux (Time and the Gods, 1906), éditions Terre de Brume 2003
- Sir James Matthew Barrie, Peter Pan (1902), Librio 2003
- Fritz Leiber, Ballet de sorcières (Conjure Wife, 1943), Le Masque fantastique (non réédité)
- Roberta A. McAvoy, Tea with the Black Dragon (1953), eReads.com 2001
- Roger Zelazny, la saga des Neuf Princes d’Ambre (1970 – 1991), Folio SF
Les Origines
- Steven Boyett, Ariel (1983), Ace Books 1986
- Charles de Lint, Moonheart (1984), Orb Books 1994
- Greg Bear, Songs of Earth and Power (1984-86), Leopard Books 1998
- Tappan King et Viido Polikarpus, Down Town (1985), Futura Pubns 1987
- Charles de Lint, Mulengro (1985) Pocket Terreur 1992 (non réédité)
- Esther Friesner, New York by Knight (1986), New Amer Library 1986
- Megan Lindholm, Le Dernier Magicien (Wizard of the Pigeons, 1986), Mnémos 2002
- Charles de Lint, Jack the Giant Killer (1987), Ace Books 1989
- Emma Bull, War of the Oaks (1987), Tor Books 2004
- Esther Friesner, Elf Defense (1988), New Amer Library 1988
- Raymond E. Feist, Faërie la colline magique (Faërie Tale, 1988), Presses de la Cité 2003
Autres Romans
- Christopher Fowler, Le Monde d’en-haut (Roofworld, 1988) J'ai lu 2000
- Pamela Dean, Tam-Lin (1991), Puffin Books 2006
- Steven Brust et Megan Lindholm, La Nuit du prédateur (Gypsy, 1992), Mnémos 2006
- Terry Windling, The Wood Wife (1996), Orb Books 2003
- Neil Gaiman, Neverwhere (1996), J’ai Lu 1996
- Steven Brust et Emma Bull, Freedom and Necessity (1997), Tor Books 1997
- Melisa Michaels, Cold Iron (1997), New Amer Library 1997
- Neil Gaiman, American Gods (2001), J’ai Lu 2004
- James A. Hetley, Le Royaume de l'été (The Summer Country, 2002), Mnémos 2004
- Johan Heliot, Faërie Hacker (2003), J’ai Lu 2005
- Léa Silhol, Musiques de Frontière (recueil de nouvelles), l’Oxymore 2004
- Johan Heliot, Faërie Thriller, Mnémos 2005
- Gary Killworth, La Compagnie des fées, Terre De Brume 2005
Quelques nouvelles publiées en France
- Traverses (anthologie de Léa Silhol), l’Oxymore 2002
- Peter S. Beagle, Julie et sa Licorne, dans Faëries n°2, 2000
- Bruno B. Bordier, L’Onyre du givre, dans Fées et Gestes, 1998
- Megan Lindholm, Chats errants, dans Faëries n°12, 2003
- Charles de Lint :
La Lune se noie quand je m'endors, dans Faëries n°2, 2000
Granny Weather, dans Emblèmes n° 4, 2001
Dans le Silence d'après minuit, dans Faëries n° 5, 2001
Le Tambour de pierre, dans Faëries n° 08, 2002
Sept pour un secret, dans Faëries n° 13, 2003
Ne brille que dans le Noir, dans Faëries n° 14, 2004
- S.P. Somtow, Une Soupe d’aileron de dragon, dans Fées et Gestes, 1998
- Michael Swanwick, La Voie du dragon, dans Aventures lointaines n°1, Denoël 1999
Sources : André-François Ruaud
- Cartographie du Merveilleux dans la collection Folio SF chez Gallimard, 2001
- Panorama illustré de la fantasy et du merveilleux aux Moutons électriques éditeurs, 2004
Black Sabbath, extrait de Fairy wear boots
Goin’ home late last night
Suddenly I got a fright
Yeah I looked through a window
And surprise what I saw
A fairy with boots on dancin’ with a dwarf
Alright now
Publié le 01/12/2007 à 12:00 par Erzebeth
QUID DE LA FANTASY ?
le travail qui vous est présenté s’inscrit dans la continuité de l'événement qui s’est déroulé à la bibliothèque François Rabelais en 2003 à propos de l’Heroic Fantasy. Le but est de vous faire découvrir ou redécouvrir un genre méconnu ou mal connu qui est, contre toute attente, bien plus ancien que vous ne le pensez…
Malgré les apparences, le terme anglo-saxon «Fantasy» n’est pas récent. Même si il ne figure pas dans les dictionnaires et qu’il est à la mode en ce moment avec les sorties cinématographique comme Le Seigneur des Anneaux ou Le monde de Narnia, ce terme est ancien. On peut dire que la naissance officielle de la Fantasy remonte à 1924 avec la publication de La fille du roi des Elfes par Lord Dunsany et que le genre sera définitivement ancré dans la littérature en 1937 avec la sortie de Bilbo le Hobbit par J.R.R Tolkien. Cependant, on peut faire remonter les origines de ce genre encore bien plus loin. On retrouve ses traces dès l’antiquité ou encore dans les romans merveilleux du Moyen-âge. En effet, la Fantasy s'inspire en premier lieu de tous les mythes et légendes qui ont forgés notre histoire culturelle. Les elfes, les korrigans, les trolls ou les dragons que nous rencontrons dans les histoires de Fantasy sont inspirés de nos traditions et de nos mythes. On retrouve également l’inspiration des chansons de geste et des veillées du Moyen-âge.
Les mythes arthuriens, celtes, nordiques ou gréco-romains ont ainsi été des éléments déclencheurs d’histoires de Fantasy. On retrouve souvent des mythes comme ceux de Prométhée ou de Pandore comme on découvre des personnages ressemblant à Odin ou Cúchulain. Arthur et ses chevalier ne sont pas en reste avec les évocations de quêtes sacrées et d’épées aux pouvoirs étonnants comme ceux d’Excalibur.
Ce qui caractérise un roman, un écrit de Fantasy, c’est sa part de merveilleux. Il n’y a, bien sûr, pas de définition précise car c'est un genre qui possède une multitude de sous-catégories. Toutefois, c’est toujours une littérature de l’imaginaire, de l’impossible rendu possible par les tours habiles que l’auteur utilise pour nous faire oublier notre réalité. On entre dans un monde entièrement inventé par son créateur pour y abandonner tout ce que l’on connaît de notre monde réel. L’écrivain nous présente un univers plein de magie, de créatures mythiques et d’aventures sans nous expliquer concrètement la présence de tous ces éléments improbables. Pourtant, le lecteur doit accepter ces nouveaux éléments pour pénétrer de plein pied dans l’aventure qui se prépare page après page. Lire de la Fantasy, c’est mettre de côté son incrédulité pour se laisser aller à la rêverie et au «fantasme» au sens premier du terme.
L’origine du terme «Fantasy» n’est pas attestée mais, deux sources étymologiques, latine : phantasma et grecque : phantasia se disputent sa naissance. Phantasma signifiait au départ illusion, et qu’est-ce qu’un écrit de Fantasy si ce n’est une illusion écrite ? Quant à phantasia, la source étymologique la plus probable, cela voulait dire apparence, image, perception ou encore imagination. La Fantasy est, comme dit précédemment, l’écrit de l’imaginaire où l’écrivain se joue des perceptions du lecteur…
Les mondes parallèles, comme Narnia ou Gaelia pour La Moira, présentés dans cette littérature participent d'une créance secondaire. Il faut comprendre que, pour mettre en place un monde de Fantasy l’auteur prend en compte deux facteurs : un monde premier et un monde secondaire. Le monde premier et celui que nous connaissons, c’est celui où nous vivons et travaillons tous les jours. Le monde secondaire est celui crée de toute pièce par l’auteur comme la Terre du Milieu par exemple. À partir de là, l’écrivain décide de commencer son histoire dans notre monde premier pour intégrer ensuite le monde secondaire grâce à un élément merveilleux, une armoire qui s’ouvre sur un autre univers pour Narnia ou un train qui conduit vers un monde parallèle pour Harry Potter, ou alors, il décide de nous plonger tout de suite dans un monde secondaire, entièrement détaché du notre pour favoriser plus rapidement notre capacité à oublier la réalité afin que nous intégrions sans sourciller les éléments improbables qui sont présents dans l’histoire.
C’est là que réside le principe de base de la Fantasy, faire que le lecteur accepte l’improbable, l’inimaginable, sans se poser la question de savoir comment ça marche. C’est une invention fictionnelle poussée à son maximum pour parer à toute incrédulité de la part du lecteur.
C’est en cela que la Fantasy diffère de la Science-fiction ou du Fantastique. La science-fiction présente des événements qui n’ont pas forcément lieu dans des endroits autres que le notre. Il peut y avoir des écarts temporels importants ou un voyage spatial mais pas d’immersion totale dans un monde où le merveilleux domine. Les éléments instillés dans les ouvrages de science-fiction et qui font toute la différence sont des objets scientifiques et technologiques dont la présence ou la création peuvent parfaitement être expliquées et compréhensibles par le lecteur. Les récits de science-fiction sont souvent basés sur une extrapolation de découvertes scientifiques qui sont reprises et utilisées dans une trame fictionnelle sophistiquée mais qui ne remets pas en cause le sentiment de réalité que peut ressentir le lecteur. Ce n’est pas l’avènement de l’impossible mais une sorte de manipulation compréhensible de la science.
En ce qui concerne le Fantastique, c’est encore autre chose. Le lecteur n’a pas besoin de découvrir un monde différent ou parallèle. Bien souvent, les actions d’un récit fantastique se déroule dans notre monde de tous les jours. Ce qui fait que le récit devient fantastique c'est l’intrusion d’un phénomène surnaturel, d’une créature, d’un monstre ou d’un objet sans explication rationnelle, le but étant, le plus souvent de susciter la peur du lecteur ou du moins de lui donner quelques frissons…
Ces deux genres n’ont finalement pas grand choses à voir avec celui qui nous concerne car, même si ils sont proches, leurs tenants et aboutissants sont différents. Il est vrai que, parfois, on peut retrouver un mélange de genre qui donne naissance à de la Science-Fantasy ou à de la Dark-Fantasy qui se rapproche du fantastique. Cependant, force est d’admettre que des écrits de nature fictionnels ne peuvent jamais être totalement dissociés.
De plus, la fantasy a cela de complexe qu’elle offre une multitude de sous-genres tous aussi variés. On retrouve la High Fantasy où l’auteur présente des personnages très détaillés, et dont le profil psychologique est complexe, on peut suivre leur quête et leur croissance intellectuelle au fil des pages. C’est le cas du Seigneur des Anneaux. L’Heroic Fantasy nous offre des héros plus stéréotypés comme Conan, un homme musclé, fort et sans peur qui bravera mille dangers pour tuer un dragons, trouver un trésors et sauver une belle dame en péril. Il y a également l'Escapist Fantasy ou Fantasy «échappatoire», comme le monde de Narnia, l’histoire débute dans notre monde où l’on découvre un portail, une porte qui s’ouvre sur un univers complètement différent. Ces exemples sont les genres les plus répandus dans la Fantasy et pourtant il en reste des dizaines à découvrir…
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’à chaque fois qu’un auteur crée un univers de Fantasy, les personnages, les lieux et leur passé sont extrêmement développés, détaillés et complexes, ce qui explique les trilogies et sagas que l’on découvre sur les rayonnages de la bibliothèque. L’'écrivain attentionné prend soin, dans un monde secondaire, de décrire l’organisation sociale de chaque peuplade présentée et même de faire une description ethnologique des créatures que l’on rencontre au cours de l’aventure. Certains auteurs prennent même la peine de faire une cartographie de leur monde pour rendre leur univers plus réel encore. C’est aussi en cela que réside notre capacité à croire à ces lieux merveilleux qui existent sur le papier et qui sait ? Dans un monde lointain !
Convaincu ? non oui ? à vous de me le dire...
E.
Publié le 06/10/2007 à 12:00 par Rachel Gibert
La tuberculose, maladie romantique au XIXe siècle
Quelques héros de la littérature romantique atteints de tuberculose
I. INTRODUCTION
1. Définition du Romantisme
Le terme Romantisme désigne un ensemble de mouvements artistiques et littéraires qui se sont épanouis en Europe au XIXe siècle sur la base d’un rejet du rationalisme et du classicisme.
Le romantisme se caractérise par le libre cours donné à l’imagination et la sensibilité individuelles, qui le plus souvent traduisent un désir d’évasion et de rêve (réveil de la poésie lyrique, rupture avec les règles et les modèles, retour à la nature, recherche de la beauté dans ses aspects originaux et particuliers).
Après la période romantique, la littérature et l’art ont évolué vers le Réalisme.
2. Définition de la tuberculose
La tuberculose est une infection des poumons et d’autres organes. Elle est due à une bactérie qui détruit les tissus et crée des cavités.
La maladie serait aussi vieille que l’humanité ; elle est connue et décrite depuis l’Antiquité. Dans le cas de la tuberculose osseuse, le diagnostic est possible sur les ossements (par exemple sur les momies égyptiennes).
L’épidémie a atteint son apogée au XIXe siècle, où elle a été responsable de près d’un quart des décès des adultes en Europe.
Elle tue encore près de deux millions de personnes chaque année dans le monde. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) :
On compte dans le monde une nouvelle infection par le bacille tuberculeux chaque seconde
Un tiers de la population mondiale est actuellement infecté
De 5 à 10 % des sujets infectés (non infectés par le VIH) développent la maladie ou deviennent contagieux au cours de leur existence
3. Existe-t-il un lien entre Romantisme et tuberculose ?
Pour répondre à cette question, nous étudierons les symptômes de la tuberculose et les caractéristiques du Romantisme. Le lien apparaîtra grâce à la mise en parallèle des deux.
II. LA TUBERCULOSE AU XIXe SIÈCLE : IMAGE ET RÉALITÉ
Au XVIIIe et XIXe siècle, une personne sur quatre était atteinte de la tuberculose. L’épidémie a atteint son apogée au XIXe siècle. Première cause de mortalité aux Etats-Unis à l’époque, il était rare que, dans une famille, il n’y ait pas au moins un cas de tuberculose.
Le terme de « tuberculose » n’est d’ailleurs apparu qu’au XIXe siècle (après 1830 plus précisément). Auparavant, la maladie était appelée :
Phtisie (terme qui vient du grec et signifie « dépérissement »)
Consomption (de « consumer »)
Peste blanche
L’image de la tuberculose a été romantique pendant le XVIIIe siècle, lorsque la maladie n’était pas encore trop répandue, et jusqu’au milieu du XIXe siècle, où elle est devenue une épidémie. Cette image n’était pas seulement véhiculée par les écrivains et les peintres, mais aussi par les médecins. Avec la propagation massive de la tuberculose, plus particulièrement dans les classes laborieuses, l’image de la maladie a changé, bien que les deux images (maladie romantique et maladie du prolétariat) aient cohabité un certain temps.
Vers 1820, sous la Restauration, on pensait qu’elle était héréditaire, qu’elle frappait les êtres sensibles et fragiles et « consumait les êtres brûlants de passion ». C’est dans les années 1830, sous la Monarchie de Juillet, que l’on a remarqué que la maladie était plus fréquente dans les couches sociales les plus pauvres. Dans les années 1840, la femme atteinte de tuberculose était encore associée, dans certains milieux, à la vision romantique. De la fin des années 1860 au début des années 1880 (Troisième République), la probabilité de contagion était évoquée. Aux alentours de 1900, par contre, la tuberculose était considérée comme un fléau national et reconnue comme étant très contagieuse.
Au début du XIXe siècle, la tuberculose s’est répandue en masse en Angleterre et en particulier à Londres, à cause de l’industrialisation et ses conséquences (mauvaises conditions d’habitation, carences alimentaires, travail long et difficile). Puis elle a atteint les grandes villes du continent. Les personnes âgées de 20 à 40 ans, économiquement productives, étaient particulièrement touchées. Leur mort avait alors des retombées économiques.
Le diagnostic précoce de la maladie était primordial pour lutter contre la tuberculose. Une campagne d’information et de prévention a également été nécessaire. Des tracts ont été distribués et des affiches interdisant de cracher ont été accrochées dans les bâtiments publics et les transports en commun. L’information est passée non seulement au moyen de brochures et de livres, mais aussi par l’intermédiaire de films et de pièces de théâtre. La propreté, l’aération et l’ensoleillement ont aussi eu un rôle important dans la prévention et la lutte contre la tuberculose.
III. DESCRIPTION DE LA MALADIE
La tuberculose est une infection des poumons et d’autres organes.
Les autres organes qui peuvent être atteints sont :
La plèvre
Les os
L’appareil urinaire
L’appareil génital
Les méninges
Les ganglions lymphatiques
Les reins
Le tube digestif
La maladie est due à une mycobactérie acido-alcoolorésistante aérobie, Mycobacterium tuberculosis, ou bacille de Koch (BK). Elle a une taille de 1 à 4 µm de long et 0,2 µm de large et sa croissance est lente. Il existe deux autres vecteurs de la tuberculose, Mycobacterium africanum, qui est très proche du précédent, et qui est fréquent chez les malades d’Afrique de l’ouest et du centre, et Mycobacterium bovis, l’agent de la tuberculose bovine, qui peut infecter l’homme et d’autres animaux.
La transmission se fait par voie respiratoire ou alimentaire (lait contaminé) :
Par voie aérienne, les bactéries sont transmises par l’intermédiaire des sécrétions d’origine nasale, salivaire ou par les expectorations pulmonaires, lors d’éternuements ou de toux. Les bactéries pénètrent par le nez et la bouche et atteignent les poumons, à partir desquels les germes peuvent être disséminés par la circulation sanguine vers d’autres régions de l’organisme. Dans les semaines qui suivent l’infection, le système immunitaire réagit à la présence des germes et empêche dans 90 % des cas leur multiplication et leur dissémination. Certains cas seront porteurs de la bactérie toute leur vie.
Autrefois, la contamination était possible par consommation de lait contaminé, dans le cas de contamination par M. bovis. Dans ce cas, le temps d’incubation est de deux ans.
L’infection se fait en deux temps. Il y a d’abord la tuberculose primaire ou primo-infection : c’est le premier contact entre l’organisme et la bactérie. La primo-infection peut être latente (asymptomatique, 90 % des cas) ou patente (10 %). Dans le premier cas, il n’y a pas de symptômes apparents, seulement une réaction immunitaire. Dans 9 cas sur 10, la primo-infection évolue vers une guérison définitive de la maladie. Dans le cas contraire se développe la tuberculose de réinfection ou tuberculose-maladie.
Les symptômes de la tuberculose sont :
Fatigue
Perte de poids
Perte d’appétit
Toux grasse
Fièvre
Les symptômes de la maladie sont assez discrets et peuvent être confondus avec les symptômes d’autres maladies, ce qui empêche souvent la détection à un stade primaire. Ils sont liés à la production de lymphocytes par le corps.
Il existe plusieurs formes de tuberculose dont voici les plus fréquentes :
La tuberculose pulmonaire est la seule forme de tuberculose qui soit contagieuse. Elle représente 90 % des tuberculoses. Elle se traduit par une exsudation dans les alvéoles pulmonaires et dans l’espace pleural. Les bronches sont ensuite atteintes.
La diffusion du bacille par voie sanguine entraîne l’apparition de tuberculoses extra-pulmonaires. Elles sont très peu contagieuses. Parmi elles figurent la tuberculose osseuse, ganglionnaire, uro-génitale, pleurale, méningée, séreuse, rénale, articulaire, cutanée…
IV. PREMIERS DIAGNOSTICS ET TRAITEMENTS
Le diagnostic stéthoscopique a été réalisé pour la première fois par le médecin français René Laennec (l’inventeur du stéthoscope) en 1819.
En 1882, le chercheur allemand Robert Koch a isolé le bacille responsable de la maladie, Mycobacterium tuberculosis.
Le premier sanatorium gratuit a été fondé en Allemagne, le 15 août 1892, à la suite des lois sociales de Bismark qui, le premier en Europe, a mis en place un système d’assurances contre la maladie (1883).
En 1890, Koch a cru découvrir un traitement contre la tuberculose : la tuberculine. Mais les vaccinations à la tuberculine ont causé la mort de beaucoup de malades, et le discrédit de Koch. La tuberculine a ensuite été utilisée pour le diagnostic de la maladie.
Robert Koch a eu le prix Nobel de médecine en 1905 pour la découverte du vecteur de la tuberculose.
Ensuite, de nouvelles thérapies ont été utilisées, comme le pneumothorax thérapeutique (qui est un épanchement d’air dans la plèvre, la séreuse tapissant d’un côté la cage thoracique et de l’autre les poumons), utilisé jusqu’aux années 1950. Elles ont fait concurrence aux sanatoriums.
Les rayons X, découverts en 1895 par Wilhelm Conrad Röntgen, ont permis le diagnostic de la maladie et le contrôle de son évolution d’une manière plus exacte que la méthode de René Laennec.
En 1921, Albert Calmette et Camille Guérin ont essayé avec succès le premier vaccin contre la tuberculose, baptisé BCG. Cette découverte a permis de faire avancer considérablement les traitements antituberculeux.
La streptomycine, découverte par Selman A. Waksman en 1943, a été le premier antibiotique utilisé contre la tuberculose.
V. COMMENT UNE MALADIE MORTELLE PEUT-ELLE ETRE ROMANTIQUE ?
La tuberculose tue beaucoup mais discrètement, car lentement et « proprement ». En effet, la personne malade n’est pas physiquement enlaidie. Ce serait même l’inverse : la maladie peut lui apporter une certaine beauté, un certain charme. Par exemple, elle devient pâle, s’amincit, son regard devient brillant et ses gestes, traduisant sa faiblesse, peuvent montrer une certaine grâce. L’aspect fragile, lascif, tout comme celui, passionné, de ses yeux à l’éclat fiévreux, contribuent à l’attrait que donne la consomption. Bien que cette apparence ne traduise pas la réalité, ni la gravité de la maladie, elle a influencé les artistes de l’époque, qui ont fait de la femme phtisique une véritable icône.
1. Lien entre tuberculose et romantisme
A propos de la tuberculose, on peut dire que :
L’épidémie a atteint son apogée au XIXe siècle, à l’époque du Romantisme
La maladie a notamment les symptômes suivant :
Fatigue
Perte de poids
Perte d’appétit
Fièvre
Il n’y avait pas beaucoup de traitements à l’époque : l’issue était très souvent fatale…
Ainsi, les symptômes de la tuberculose sont proches de ceux du « Mal de vivre », très répandu au XIXe siècle et qui constitue caractéristique du romantisme, et de ceux de la dépression, dont le « Mal de vivre » est proche.
Les symptômes du « Mal de vivre » ou le « Mal du siècle » sont :
Désillusion
Insatisfaction
Pessimisme
Mélancolie (spleen)
Désespoir
Désir de mourir
Autodestruction
Et ceux de la dépression :
Humeur dépressive
Diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir
Troubles de l’alimentation
Troubles du sommeil
Agitation ou ralentissement psychomoteur
Fatigue ou perte d’énergie
Auto-dévalorisation ou sentiment de culpabilité excessive
Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision
Pensées morbides (dans 60 % des cas)
Pensées suicidaires (dans 15 % des cas)
Par ses symptômes, la tuberculose s’inscrit donc parfaitement dans le mouvement romantique.
De plus, la passion, dont certaines manifestations physiques sont proches des symptômes de la tuberculose, est également caractéristique du romantisme.
Georges Gusdorf, philosophe et épistémologue français né en 1912 et mort en 2000, a très bien exprimé le lien entre tuberculose et romantisme lorsqu’il a écrit, dans L’homme romantique, ouvrage paru en 1984, qu’« avec le romantisme, l’atteinte au poumon est considérée comme une maladie de l’âme. La mort des tuberculeux prend ainsi une dimension esthétique. C’est une mort magnifique ».
VI. QUELQUES ARTISTES DU XIXe SIECLE VICTIMES DE LA TUBERCULOSE
Frédéric Chopin, compositeur et pianiste franco-polonais mort en 1849
Les sœurs Brontë :
Anne Brontë, romancière britannique décédée en 1849
Emily Jane Brontë, poétesse et romancière britannique décédée en 1848
Charlotte Brontë, romancière britannique décédée en 1855
Friedrich Von Schiller, poète et écrivain romantique allemand disparu en 1805
Rachel (Elisabeth Rachel Félix), actrice de théâtre suisse éteinte en 1858
Anton Tchekhov, nouvelliste et dramaturge russe mort en 1904
VII. LA LITTERATURE ROMANTIQUE ET LES PHTISIQUES
Les auteurs romantiques ont aimé mettre en scène des « poitrinaires », car ceux-ci étaient souvent des jeunes gens dont le destin était brisé par la maladie. Il s’agit surtout de femmes et ce n’est peut-être pas un hasard, car la tuberculose a tué plus de femmes que d’hommes pendant la majeure partie du XIXe siècle.
Nous allons découvrir quelques héroïnes romantiques atteintes de tuberculose, comme Marguerite Gautier, La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils (1848), Madame de Beaumont issue des Mémoires d’Outre-tombe de François-René de Chateaubriand (1848) et Fantine, l’un des personnages les plus misérables parmi Les Misérables de Victor Hugo (1862). Puis, dans un genre plus réaliste, Francine, dans les Scènes de la vie de bohème de Henry Murger (1851).
Après l’époque Romantique, d’autres romans ont décrit le destin tragique de personnages atteints de la tuberculose : Germinie Lacerteux (1865) et Madame Gervaisais (1869) d’Edmond et Jules de Goncourt et L’Aiglon d’Edmond Rostand (1900) en sont des exemples (non évoqués plus loin).
1. La Dame aux Camélias, Alexandre Dumas fils, 1848
La Dame aux camélias est un roman d’Alexandre Dumas fils publié en 1848.
Il raconte l’histoire d’amour d’une courtisane atteinte de la tuberculose, Marguerite Gautier et d’un jeune bourgeois, Armand Duval. Il s’agit d’un récit dans le récit, puisqu’Armand Duval narre son aventure au narrateur initial du roman.
Amoureux de Marguerite, Armand devient son amant et la convainc de renoncer à sa vie de courtisane pour venir habiter à la campagne avec lui. L’idylle est rompue quand le père d’Armand, soucieux de la réputation de sa famille, obtient de Marguerite qu’elle renonce à son fils. Ce dernier croit alors qu’elle n’était pas amoureuse de lui et qu’elle a un nouvel amant. Lorsqu’il comprend la tragique vérité, il se rend chez elle et arrive juste à temps pour recueillir ses derniers soupirs.
Le roman est inspiré d’un fait divers réel : l’amour d’Agénor de Gramont (1819-1880), duc de Guiche, futur ministre des Affaires étrangères de Napoléon III, pour la courtisane Marie Duplessis. Dans les faits, un oncle du jeune homme intervint pour mettre un terme à cette liaison jugée scandaleuse. Agénor de Gramont fut envoyé pour quelque temps à Londres, où il oublia Marie Duplessis. Celle-ci se maria avec le comte Édouard de Perrégaux et mourut de phtisie en février 1847.
Le roman a fait l’objet de nombreuses adaptations (ballet, opéra, théâtre, cinéma). On peut citer notamment le célèbre opéra de Giuseppe Verdi, La Traviata (1853). Au cinéma, de nombreuses adaptations ont été réalisées, dont Le Roman de Marguerite Gautier (Camille) de George Cukor, avec Greta Garbo et Robert Taylor (1936) et même Moulin Rouge, une adaptation libre de Baz Luhrmann, avec Nicole Kidman et Ewan Mc Gregor (2001).
Voici la description qu’Alexandre Dumas fils fait de Marguerite dans son roman :
« Or, il était impossible de voir une plus charmante beauté que celle de Marguerite.
Grande et mince jusqu’à l’exagération, elle possédait au suprême degré l’art de faire disparaître cet oubli de la nature par le simple arrangement des choses qu’elle revêtait. Son cachemire, dont la pointe touchait à terre, laissait échapper de chaque côté les larges volants d’une robe de soie, et l’épais manchon qui cachait ses mains et qu’elle appuyait contre sa poitrine, était entouré de plis si habilement ménagés, que l’œil n’avait rien à redire, si exigeant qu’il fut, au contour des lignes.
La tête, une merveille, était l’objet d’une coquetterie particulière. Elle était toute petite, et sa mère, comme dirait De Musset, semblait l’avoir faite ainsi pour la faire avec soin.
Dans un ovale d’une grâce indescriptible, mettez des yeux noirs surmontés de sourcils d’un arc si pur qu’il semblait peint ; voilez ces yeux de grands cils qui, lorsqu’ils s’abaissaient, jetaient de l’ombre sur la teinte rose des joues ; tracez un nez fin, droit, spirituel, aux narines un peu ouvertes par une aspiration ardente vers la vie sensuelle ; dessinez une bouche régulière, dont les lèvres s’ouvraient gracieusement sur des dents blanches comme du lait ; colorez la peau de ce velouté qui couvre les pêches qu’aucune main n’a touchées, et vous aurez l’ensemble de cette charmante tête.
Les cheveux noirs comme du jais, ondés naturellement ou non, s’ouvraient sur le front en deux larges bandeaux, et se perdaient derrière la tête, en laissant voir un bout des oreilles, auxquelles brillaient deux diamants d’une valeur de quatre à cinq mille francs chacun.
Comment sa vie ardente laissait-elle au visage de Marguerite l’expression virginale, enfantine même qui le caractérisait, c’est ce que nous sommes forcés de constater sans le comprendre. »
2. Mémoires d’Outre-tombe, François-René de Chateaubriand, 1848
Grâce à son roman René, publié en 1802, Chateaubriand est devenu un modèle pour les auteurs romantiques.
L’auteur a décidé d’écrire ses Mémoires après la mort de Madame de Beaumont, c’est-à-dire en 1803. Celle-ci est morte de la tuberculose. Les Mémoires d’Outre-tombe sont parues en 1848, après la mort de leur auteur.
Chateaubriand la décrit ainsi :
« Madame de Beaumont, plutôt mal que bien de figure est fort ressemblante dans un portrait fait par madame Lebrun. Son visage était amaigri et pâle ; ses yeux, coupés en amande, auraient peut-être jeté trop d’éclat, si une suavité extraordinaire n’eût éteint à demi ses regards en les faisant briller languissamment, comme un rayon de lumière s’adoucit en traversant le cristal de l’eau. Son caractère avait une sorte de raideur et d’impatience qui tenait à la force de ses sentiments et au mal intérieur qu’elle éprouvait. Ame élevée, courage grand, elle était née pour le monde d’où son esprit s’était retiré par choix et malheur ; mais quand une voix amie appelait au dehors cette intelligence solitaire, elle venait et vous disait quelques paroles du ciel. L’extrême faiblesse de madame de Beaumont rendait son expression lente, et cette lenteur touchait ; je n’ai connu cette femme affligée qu’au moment de sa fuite ; elle était déjà frappée de mort, et je me consacrai à ses douleurs. »
3. Les Misérables, Victor Hugo, 1862
Les Misérables, roman de Victor Hugo paru en 1862, est l’une des œuvres les plus populaires de la littérature française. C’est un roman historique, social et philosophique dans lequel on retrouve les idéaux du romantisme et ceux de Victor Hugo.
Le destin tragique de Fantine ouvre le roman (tome 1).
À Paris, Fantine est la maîtresse d’un riche et volage étudiant, Thomolyès, qui l’abandonne. Elle donne naissance à une fille : Cosette. En route pour Montreuil-sur-Mer, sa ville natale, elle est contrainte de laisser sa fille en garde chez des aubergistes de Montfermeil, les Thénardier, afin de pouvoir trouver du travail.
Malheureusement, les Thénardier, des individus peu recommandables, vont utiliser les moyens les plus sordides pour soutirer le plus d’argent à Fantine, prétextant des maladies de Cosette qui nécessiteraient des soins et des médicaments coûteux. Dans la réalité, ils ont fait de Cosette leur servante et la brutalisent. Fantine va s’épuiser à ne vivre que pour sa fille et, lorsqu’elle perdra son travail, durant les derniers mois de sa vie, elle vendra tout ce qu’elle a, y compris ses dents et ses cheveux. Enfin, à bout de ressources, elle se fait fille publique.
À la suite d’un incident dont elle n’est pas responsable, l’intransigeant inspecteur de police Javert l’arrête et veut l’incarcérer. Le maire de Montreuil, monsieur Madeleine (alias Jean Valjean), s’oppose à son emprisonnement et la prend sous sa protection, car elle est gravement malade. Il lui promet de lui ramener Cosette. Malheureusement, Fantine mourra sans avoir revu sa fille.
La fosse publique reçoit la fille publique…
La maladie est symboliquement associée à la maternité : « Fantine avait nourri sa fille ; cela lui avait fatigué la poitrine et elle toussait un peu ».
« La phtisie sociale s’appelle misère »
4. Scènes de la vie de bohème, Henry Murger, 1851
Henry Murger (1822-1861) passe sa jeunesse parmi les « Buveurs d’Eau », un groupe d’artistes-bohémiens du Quartier Latin que fréquentera notamment le photographe Nadar. En 1851, il publie les Scènes de la vie de bohème, un feuilleton de l’École Réaliste dans lequel il met en scène ses amis, sous des noms les masquant à peine. Le compositeur italien Giacomo Puccini en tirera son fameux opéra, La Bohème, en 1896.
L’une des « scènes » raconte l’histoire d’amour entre Francine, atteinte de tuberculose, et Jacques, un artiste. Celle-ci minimise la gravité de sa maladie afin de passer les derniers temps qu’il lui reste à vivre le plus joyeusement possible avec l’homme qu’elle aime. Après sa mort, Jacques sera incapable d’achever une seule œuvre d’art.
Voici quelques passages de l’œuvre :
« Elle rencontra Jacques et elle l’aima. Leur liaison dura six mois. Ils s’étaient pris au printemps, ils se quittèrent à l’automne. Francine était poitrinaire, elle le savait, et son ami Jacques le savait aussi : quinze jours après s’être mis avec la jeune fille, il l’avait appris d’un de ses amis qui était médecin.
Elle s’en ira aux feuilles jaunes, avait dit celui-ci.
Francine avait entendu cette confidence, et s’aperçut du désespoir qu’elle causait à son ami.
- Qu’importent les feuilles jaunes ? Lui disait-elle, en mettant tout son amour dans un sourire ; qu’importe l’automne, nous sommes en été et les feuilles sont vertes : profitons-en, mon ami… »
« … nous irons demeurer dans un bois de sapins : les feuilles sont toujours vertes »
« C’était le matin du jour de la toussaint, Francine venait de mourir. »
VIII. CONCLUSION
Par ses symptômes, à la fois proches du « Mal de vivre » et de la passion, ainsi que par son issue fatale et sa manière de tuer « proprement », en embellissant, la tuberculose est la maladie idéale selon les artistes romantiques du XIXe siècle.
Jamais, probablement, une maladie n’a à ce point représenté les idéaux d’une époque.
Georges Gusdorf a écrit, dans L’homme romantique, que « les romantiques vieillissent mal, et sans doute les romantiques les plus authentiques sont-ils ceux qui ne vieillissent pas. La solution est de mourir jeune. La tuberculose, la consomption, maladie romantique par excellence, propose une issue radicale ; le poète jette son cri, et la maladie même atteste que l’existence, en sa banalité, a quelque chose d’insupportable ».
IX. SOURCES
1. Bibliographie
GIBERT, Rachel. Lepra und Tuberkulose: zwei Geißeln der Menschheit. Ein exemplarischer Exkurs zur Paläopathologie des prähistorischen Menschen unter besonderer Berücksichtung differentialdiagnostischer und epidemiologischer Aspekte. Mémoire de licence : Anthropologie : Mayence (Allemagne) : Université Johannes Gutenberg, 2000. 35 p.
2. Webographie
BARNES, David S. The Making of a Social Disease: Tuberculosis in Nineteenth-Century France. Berkeley: University of California Press, 1995.
http://content.cdlib.org/xtf/view?docId=ft8t1nb5rp&brand=eschol
Intervention de Louise CÔTÉ sur Radio-Canada le 18 mars 2001 :
http://archives.radio-canada.ca/IDC-0-16-1009-5666/sciences_technologies/tuberculose/
Conférence de Diana GASPARON (de la Société Belge d’Histoire de la Médecine) au Centre de culture scientifique de Charleroi le 13 avril 2005 :
www.ulb.ac.be/ccs/docs/epidemies.doc
Texte intégral de La Dame aux camélias d’Alexandre DUMAS Fils (1848) :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k88249f.notice
Texte intégral des Mémoires d’Outre-tombe de François-René de CHATEAUBRIAND (1848) :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1013503.notice
Texte intégral des Scènes de la vie de Bohème de Henry MURGER (1851) :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k89180j.notice
Texte intégral des Misérables de Victor HUGO (1862) :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k72697r.notice
Publié le 25/07/2007 à 12:00 par Odéliane
Romantisme
I. Définition
Le romantisme est un courant littéraire, culturel et artistique européen dont les premières manifestations en Allemagne et en Angleterre, datent de la fin du 18ème siècle. C’est un courant de sensibilité et de pensée qui a influencé l’art et la culture de toute l’Europe.
Le romantisme se caractérise par une opposition au classicisme antique, païen et méridional. La raison, si chère aux classiques, est alors remplacée par l’émotion et la sensibilité.
Le mot « romantique » indique une conception de la vie digne du roman, faisant de l’homme un héros dont la sensibilité règne sur le monde. Il porte son attention sur l’individu (le Moi), recherche le dépaysement spatial (goût pour l’exotisme), temporel (goût pour l’histoire), social (intérêt pour le peuple) et religieux (goût pour le mysticisme).
Etre romantique signifie avant tout refuser l’ordre du monde, en pressentant que cet ordre est un désordre qui n’intègre que les nantis et les conformistes. C’est choisir la révolte, la différence jusqu’à la mort ; c’est avoir l’intuition du tragique de la condition humaine. C’est préférer l’ombre à la lumière, le silence au bruit, la mélancolie au bonheur considéré comme inaccessible. C’est oser des révolutions tout en se sentant las de vivre. C’est se sentir mal adapté au monde qui nous entoure, c’est préférer se blottir dans des siècles passés, dans des mondes qui n’existent pas ou qui existent seulement dans le rêve, l’imagination. C’est ressentir de façon exacerbée tous les sentiments humains : l’amour, l’amitié, la haine, la solitude, la tristesse, la difficulté de vivre.. C’est aussi ne pas avoir peur de briser tous les tabous : de regarder la mort en face, de flirter avec le blasphème, d’agir avec pour seules limites les limites de son propre cœur.
Né dans l’Europe du Nord, en Allemagne avec des auteurs tels que Novalis, Tieck, Kleist, Madame de Staël et en Angleterre avec Blake, Wordsworth, Coleridge, Byron, Shelley, Keats au cours des 30 dernières années du 18ème siècle, le romantisme s’est largement développé en France avec Stendhal, Lamartine, Vigny, Hugo, Musset, Gautier après la révolution pour gagner ensuite les pays de l’Europe du sud, notamment l’Espagne et l’Italie avec Manzoni et Leopardi. Tous ces romantismes nationaux ont en commun d’être des mouvements destructeurs, rejetant les principes du rationalisme du siècle des Lumières et les canons esthétiques du classicisme.
Tous ces romantismes ont pour intérêt la période médiévale gothique, le goût pour les paysages d’Orient, l’évocation de la vie intérieure, pour l’imagination et l’individu perçu comme origine de la représentation.
Mais s’il est possible de dégager un certain nombre de caractéristiques communes aux romantismes des divers pays d’Europe, chacun n’en demeure pas moins très spécifique, en raison des conditions politiques et sociales particulières dans lesquelles il se développe.
II. Histoire et caractéristiques
1) En Allemagne
Dans les années 1770, le romantisme allemand manifeste son inscription dans une réalité socio-historique en plein bouleversement. C’est ainsi que le mouvement du Sturm Und Drang émerge et devient l’un des thèmes principal de la littérature du Nord.
En effet, Sturm Und Drang qui signifie en français « Tempête et élan » est un mouvement à la fois politique et littéraire essentiellement allemand de la deuxième moitié du 18ème siècle. Précurseur du romantisme, son nom vient d’une pièce de théâtre de Klinger et naît en réponse au rationalisme dominant. Il prône la supériorité des sentiments, préfère la passion à la raison mais c’est avant tout un mouvement de contestation mené par la jeunesse. De nombreux romans vont émerger de ce mouvement, mais c’est le roman «
Les souffrances du jeune Werther » de Goethe qui va le rendre immédiatement célèbre. Le mouvement s’inspire beaucoup de Jean-Jacques Rousseau et de William Shakespeare. Ses thèmes sont souvent rattachés à la nature qui apparaît comme forme de liberté et lieu privilégié pour toutes les émotions.
Dès lors, trois grandes périodes vont rythmer le romantisme allemand :
La première période, la plus connue mais aussi la plus importante est dite du romantisme d’Iéna de 1797 à 1801. Elle s’organise notamment autour des frères Schlegel et de la revue Athenäum. Influencé par le kantisme puis prolongé par les travaux de Fichte sur l’idéalisme, le romantisme d’Iéna était avant tout un projet, un programme tracé pour la littérature. Il fut en premier lieu une affirmation de la poésie, conçue comme une exploration des territoires de l’imagination transcendantale. Novalis parlait par exemple de former un monde poétique autour de soi pour vivre dans la poésie. (
Les Hymnes à la nuit, 1800.)
Pour les auteurs d’Iéna, l’œuvre romantique mêlait la représentation naïve à la représentation réfléchie, tout art dans son essence devait être analysé voire remis en question.
D’après Novalis, les romantiques d’Iéna sont les seuls qui aient véritablement compris qu’avec la révolution française un « monde », le monde peut-être avait disparu sous leurs yeux et qu’ils étaient destinés à errer au milieu des ruines. « Il n’y a plus de ciel. Il n’y a plus que le jour et la nuit, c’est à dire la lumière dans laquelle les choses apparaissent : et si la nuit devient si belle, si importante, c’est qu’elle est le jour que les choses projettent ; c’est qu’elle est l’autre jour, dans un monde brusquement plaqué à l’horizontal ».
La deuxième est celle du romantisme d’Heidelberg de 1804 à 1809 avec Achim von Arnim et Clemens Brentano (
le cor enchanté) où le projet romantique ne consistait pas à recouvrir d’un voile poétique une réalité dénuée de poésie mais à « romantiser » le monde, à tout transformer en poésie.
Puis la troisième période n’ayant pas d’appellation précise donne à l’âme romantique une ouverture au lointain, à l’inconnu, à l’étrange et au surnaturel. Ainsi s’ouvre une période intense où s’invente les mélanges des genres, où la contradiction apparaît comme la loi même de la création. Comme exemple à cette période, l’on peut citer «
les Contes » de Ludwig Tieck.
Jusqu’en 1810, le romantisme allemand est inventif : les premières années du 19ème siècle sont celles du retour aux sources légendaires de la nation allemande avec les contes de Grimm, les légendes du bas Rhin, celles du recours au fantastique d’Hoffmann dont les contes étranges auront une influence décisive sur Nodier, Gautier, Nerval et Balzac.
Tandis que Johann Paul Friedrich Richter dit Jean-Paul s’attache avec sensibilité aux mondes du rêve, deux auteurs solitaires s’imposent Friedrich Hölderlin (
Hyperion) et Heinrich von Kleist (
La cruche cassée).
2) En Angleterre
On considère généralement que le romantisme anglais prit naissance dans les dix dernières années du 18ème siècle, notamment avec les œuvres de James Thomson (
les Saisons) et d’Edward Young (
les Nuits) et surtout William blake.
Si le romantisme anglais entretint des rapports étroits avec le présent et la misère des pauvres, il n’en fut pas moins très fortement influencé par la nostalgie d’un passé médiéval. Les romans gothiques d’Ann Radcliffe (
L’italien 1797,
Les Mystères d’Udolphe, 1794) ceux d’Horace Walpole (
le château d’Otrante 1764) et les romans historiques de Walter Scott (
Waverley 1814,
Ivanhoé 1819) illustrent parfaitement ce goût pour le moyen-âge, pour l’étrange et le mystère. Et les poèmes de Macpherson montrent bien la fascination du 19ème pour un passé encore plus reculé. Le goût de l’étrange et du surnaturel, inséparable de l’évocation d’un « ailleurs » caractérise aussi les œuvres de Coleridge (
la ballade du vieux marin 1798). Quant à Byron, qui incarna à la perfection certains traits de la figure romantique, il mêle la peinture de l’Orient à un lyrisme méditatif dans un célèbre récit de voyage intitulé «
Childe Harold » en 1812.
Les romantiques anglais protestent non seulement contre les artifices de la civilisation, la férocité de l’histoire, mais encore contre les nouvelles formes de l’esclavage. Les démunis, les pauvres deviennent alors les interlocuteurs des poètes romantiques anglais et de leurs héros favoris.
Le premier romantisme anglais est tourné vers la nature, le féminin, l’enfance, encore préservée des aléas du monde adulte, sur la beauté, l’innocence tandis que la seconde génération romantique menée par Lord Byron crie le mal de vivre ou chante les héros rebelles (
Mandfred 1817). C’est ainsi que Percy Shelley cherche une consolation pour l’homme dans la nature avec son «
Ode au vent d’Ouest » en 1820 ; que John Keats approfondit la résonance intérieure d’une âme angoissée en quête d’une spiritualité et d’une beauté qu’il pense trouver dans l’éternité de l’art grec tandis que Thomas De Quincey, dans son autobiographie «
Confessions d’un mangeur d’opium » en 1821 explore les thèmes de la douleur, de l’introspection, de l’abandon, du péché, des forces secrètes qui manipulent l’homme, et célèbre l’art de rêver.
3) En France
Avant la révolution française de 1789, c’est Jean-Jacques Rousseau qui ouvrit la voie du romantisme par ses «
Rêveries du promeneur solitaire » ou par ses grandes utopies romanesques comme «
la nouvelle Héloïse ». Mais la singularité de l’expérience française tient aux contradictions et aux déchirures que la révolution a laissées derrière elle.
En France, autour de 1800, alors que s’apprêtait à sortir «
Atala » et «
René » de Chateaubriand, la notion de romantisme n’existait guère que sous la forme de l’adjectif « romantic » tiré de l’anglais qui signifie « romanesque » et « pittoresque » ou de l’adjectif « Romantik en allemand où il est question de retrouver le génie des anciens peuples romans. Le terme de « Romantique » prend alors en France tout son sens grâce à l’ouvrage «
De l’Allemagne » de Madame de Staël qui est la première à décrire ce mouvement.
Socialement, les premiers romantiques français sont nobles : Chateaubriand, Lamartine, Vigny ou encore Musset. Ils semblent passéistes, souvent catholiques, en quête désespérée de valeurs nouvelles. Politiquement, ils sont souvent monarchistes. Esthétiquement, ils sont d’abord poètes, avec un goût des vers et des mots emprunts de la création hugolienne. Ils semblent en accord pour déclamer le tragique malaise d’une génération perdue, en quête d’idéaux et qui rencontre en guise de héros les premiers capitalistes. En outre, sur le plan thématique, les poètes romantiques utilisent souvent les mythes de l’antiquité grecque ou romaine.
Cette première génération romantique de 1830 se définie par son mal du siècle et son désenchantement.
Frappés du même mal de vivre, des romanciers tels que Stendhal, Balzac, George Sand, Dumas, Eugène Sue s’imposent en France et ont en commun ce que l’on a appelé la « Foi romantique ». Cette Foi, ce vouloir-vivre malgré tout on les retrouve chez le jeune Julien Sorel du «
rouge et noir », mais aussi chez Lucien de Rubempré dans «
Illusions perdues ».
Le romantisme français ne cesse de croître avec notamment la création de quelques salons littéraires comme celui de Nodier ou d’Hugo où ce dernier en profite pour rédiger le pamphlet anticlassique et proromantique dans la préface de
Cromwell en 1827. les règles du théâtre traditionnel ( règle de temps, de lieu et d’action )sont alors remises en question puis finalement complètement mises de côté par les romantiques. Et c’est encore avec le théâtre que le scandale advient lors de la mémorable « bataille d’Hernani » en 1830 où Hugo impose son esthétique nouvelle.
Passéiste ou résolument tourné vers le ciel contemporain, le romantisme est critique ; il ne s’accommode pas de ce qui existe, il dénonce la perte de foi, les solitudes nouvelles dans les grandes villes. Révolté et dynamique, mélancolique et enthousiaste, le romantisme apparaît comme un prodigieux créateur dans tous les domaines et tous les genres.
II. La sensibilité romantique
Si l’on veut chercher la base profonde du romantisme, le caractère où il se montre européen, il n’y faut pas voir une simple évolution des formes poétiques car c’est avant tout un état d’âme et une manière de sentir. La sensibilité romantique se compose d’émotions douces, de penchants, de rapports affectifs entretenus avec la famille, les amis, les êtres aimés, l’humanité, de souvenirs des êtres chers disparus, de pitié, d’attirance pour la beauté des paysages, pour l’ambiance de la nuit.
1) Le Mal du siècle
Cette expression désigne l’état d’incertitude et d’insatisfaction des deux premières générations romantiques. Ce trouble, souvent apparenté à la « vague des passions » vient du décalage entre les espoirs et la réalité historique ; il prend la forme d’une alternance d’enthousiasme et de chagrin, de vague à l’âme, d’épuisement.
Goethe disait « Le classicisme, c’est la santé ; le romantisme la maladie ». Des pâles figures alanguies de poètes lunatiques et de jeunes filles guettées par la phtisie hantent en effet les pages de la littérature romantique. Le mal du siècle est précurseur du « spleen » baudelairien mais aussi du terme moderne de « Mal de vivre ». les symptômes sont divers : inquiétude, mélancolie, vapeurs, sentiment de perte et de chute pour une quête de l’identité. Tous ces symptômes se rapportent à la même prise de conscience, à la découverte du vide et de l’insécurité à l’intérieur de l’être. Le néant se révèle par une double expérience : les marécages de l’ennui et les menaces, explicites ou confuses, venant du monde. Rêverie stérile, apathie, pulsions morbides, dégoût de la vie, sentiment du vide ou au contraire désirs désordonnés marquent une génération, souvent d’origine aristocratique, traumatisée par le cours vertigineux des événements et par la perte des repères spirituels et moraux liés à un christianisme mis à mal par les Lumières.
Les romantiques trop préoccupés par l’ennui de vivre, possédaient une sorte de fièvre en eux qui les poussaient à brûler leur vie toute entière en seulement dix ou vingt années d’existence adulte. D’ailleurs, le nombre de ceux qui sombrèrent dans la folie est plus grand qu’à aucune autre époque (Cowper, Hölderlin, Nerval…) et la liste des suicidés ou de morts jeunes est plus impressionnante encore. Comme le disait Musset dans ses «
stances à la Malibran » « Le seuil de notre siècle est pavé de tombeaux ». Car par tout un côté contradictoire, le romantisme est un plongeon vers le noir, le bas, le lugubre et même la démence alors qu’il ne cesse de se démener pour atteindre la beauté, l’infini. Mais pourquoi alors cet ennui de vivre est –il plus fort que l’envie de vivre ? Pourquoi préférer la destruction à la consolidation de son bonheur ? Le romantique ne désire pas parce qu’il est triste, ou s’ennuie mais il s’ennuie et il est triste parce qu’il désire. Effectivement la vie affective de tout homme s’agite entre désirer et jouir et chez l’individu considéré comme normal il existe, entre ces deux phénomènes, un certain rythme régulier ; on s’attarde un temps au plaisir avant de se remettre à désirer. Le romantique lui par contre est perpétuellement en désir : la jouissance que retient d’autres hommes ne le captive pas, il n’y est pas sensible. Il ne goûte qu’un instant à cette illusion du bonheur pour aussitôt tourner son appétit insatiable vers d’autres objets qui ne le contenteront pas davantage. Par ce fait il est instable et sans cesse tourmenté car il n’arrive jamais à contenter ses projets, ses aspirations, il veut toujours plus quitte à détruire tout ce qu’il a construit auparavant pour satisfaire un nouveau désir. Ainsi le romantique fait penser à l’enfant qui tend ses bras pour saisir la lune. Il tend à l’impossible, il désire ce qui ne peut pas se réaliser puis ensuite pleure d’être incompris.
« Je me suis mis à sonder mon cœur, à me demander ce que je désirais. Je ne le savais pas ; mais je crus tout à coup que les bois me seraient délicieux. »
René, Chateaubriand.
2) L’importance du Lyrisme
Un des traits principaux du Romantisme est l’exaltation du « Moi ». En effet, le poète romantique expose ses états d’âmes en un épanchement qui trouve un écho dans l’affectivité de son lecteur. Par exemple «
Les Nuits » de Musset ou «
Les Contemplations » de Hugo retracent certains épisodes douloureux de la vie de leur auteur. L’utilisation constante du « Je » fait de l’écriture romantique une sorte de miroir dans lequel le poète, en se racontant et en se souvenant, s’observe et s’analyse.
Cette sorte de sensibilité se rattache souvent aux thèmes du temps qui passe et de la nature, par exemple sur la nostalgie de l’enfance ou l’importance de la mémoire. Dans sa quête de consolation le poète trouvera dans la nature une confidente en accord avec sa propre sensibilité. Cette nature est souvent sauvage pour mieux refléter les tourments qui agitent l’esprit romantique : bords de mer et tempêtes, bois profonds, forêts mystérieuses, volcans en éruption…
Le romantique est enfermé dans son « moi » comme en un mur infranchissable, il lui manque la capacité de sortir, par la sensibilité, de se transporter dans celle d’autrui. Et c’est peut-être pour cela que son désir est si inquiet, son besoin de sentir si exigeant car celui qui a des attachements, des liens, n’a pas le cœur nostalgique, l’amour constant apaise son désir. Mais être capricieux, n’aimer rien d’une manière forte, c’est le fait de celui qui ne se détache pas de lui-même, qui s’emprisonne dans sa sensibilité propre, qui n’arrive pas à se « poser ». Le romantique aimerait s’attacher à l’autre mais par sa nature inconstante et trop tournée vers lui-même il n’y arrive pas et pour cette raison se croit à chaque instant irrémédiablement seul.
Déjà le fait de désirer sans arrêt, d’échapper au processus normal de la sensibilité, marque une disposition inquiétante ; mais les tendances dont elle s’accompagne, cet enfermement du « moi » incapable de s’unir à d’autres par sympathie, cet isolement progressif de l’individu replié sur ses propres sensations entraîne le romantique vers la folie, la maladie.
« Il y a des jours où j’ai une lassitude immense, et un sombre ennui m’enveloppe comme un linceul partout où je vais : ses plis m’embarrassent et me gênent, la vie me pèse comme un remord. Si jeune et si lassé de tout, quand il y en a qui sont vieux et encore pleins d’enthousiasme ! Et moi je suis si tombé, si désenchanté. Que faire ? »
Mémoires d’un fou, Gustave Flaubert.
3) La recherche de l’évasion
L’expression lyrique du mal de vivre s’accompagne de nombreuses tentatives d’évasion pour échapper au présent ou aux murs du quotidien. Un de leurs thèmes favoris est celui de l’évasion d’une prison symbolique ou réelle, leur cachot est l’univers et ils veulent lui échapper à tout prix.
Voyager apparaît donc comme le thème majeur des romantiques, que ce soit vers les pays méditerranéens, orientaux ou désertiques. Mais ces errants infatigables aiment bien souvent leur course pour elle-même, et ne se soucient plus de la terminer. Ils prennent plaisir au mouvement sans halte, à la fuite sans borne, comme on chérit la mélancolie qui ne devrait être que l’annonce du bonheur. Parmi les paysages privilégiés dominent les landes désolées des poèmes ossianiques, la montagne, particulièrement alpestre, les terres exotiques. Parmi les saisons, l’automne des brumes, de la chute des feuilles, de la nature mélancolique en harmonie avec l’âme du poète. Une place particulière est réservée aux jardins, surtout aux jardins à l’anglaise.
Le voyage dans le temps est également un thème récurrent car l’insatisfaction du présent est vraiment très forte. Le temps historique n’est plus réduit à une succession de moments ou d’époques, et les romantiques lui accordent une continuité interprétable, fondée sur la rupture révolutionnaire. Chaque période de l’histoire est susceptible d’une appréhension particulière, qui en fait revivre la spécificité, la couleur, la saveur ; l’histoire s’organise selon un devenir. Par exemple le Moyen-âge est l’époque la plus revisitée par Hugo, la Renaissance italienne inspire beaucoup Musset et Stendhal. Et de cette manière, la poésie va abandonner les cadres rigides du classicisme pour s’inspirer des autres formes littéraires des autres pays comme l’utilisation des vers libres à la place des alexandrins. Selon les romantiques, pour vivre il faut trouver des points d’ancrage. Le goût du passé peut alors se préciser comme primitivisme, comme désir de ressourcement dans l’origine. Ceci explique la promotion des mythes et légendes, le retour de la religion comprise comme retour au principe premier.
Le voyage a donc lieu dans l’espace et le temps mais aussi dans le monde du rêve car à défaut de trouver des satisfactions dans un environnement trop marqué par le souci de la réussite matérielle, les romantiques cherchent refuge dans le rêve et la réminiscence. Par exemple, Nerval se remémore une autre vie et explore les frontières inconnues qui vont de la veille au sommeil. On aime la rêverie et la solitude, souvent par la douce souffrance qu’elles procurent et la preuve de supériorité qu’elles semblent conférer.
« Que tes temples, Seigneur, sont étroits pour mon âme !
tombez, murs impuissants, tombez !
laissez-moi voir ce ciel que vous me dérobez !
architecte divin, tes dômes sont de flammes !
que tes temples, Seigneur, sont étroits pour mon âme ! »
Hymnes à la nuit, Novalis.
4) Un nouveau type de Héros
Comme le soulignait Musset, le héros romantique est un être qui a conscience « d’être né trop tard dans un monde trop vieux » c’est à dire qui ne se sent pas maître de son destin.
Le héros a cette capacité de refuser les limites, de toucher chaque lecteur dans ce qu’il a de plus personnel. La quête de l’amour est seule capable d’apaiser ses souffrances mais conscient de son exigence et se connaissant versatile et inassouvissable, il désire l’amour ardent, exalté jusqu’au mysticisme.
D’ailleurs la plupart des héros romantiques qui voulurent l’amour à tout prix furent incapables d’aimer : le sentiment chez eux, tourne au platonisme le plus mince, devient une pure flamme intellectuelle ou se perd dans l’appétit grossier.
Leur prétendu amour du beau cache une infirmité secrète. Ainsi certains souffrent d’un désir de domination qu’ils ne satisfont pas parce qu’ils n’ont pas la force nécessaire ou d’autres souvent infidèles parce qu’ils sont incapables d’aimer.
Mais avant toutes ces considérations, le héros romantique se caractérise surtout par sa soif de liberté, par son envie de n’être dicté que par lui-même, libéré des contraintes sociales et politiques.
« Courez vous enfermer dans vos cités, allez vous soumettre à vos petites lois ; gagnez votre pain à la sueur de votre front, ou dévorez le pain du pauvre ; égorgez-vous pour un mot, pour un maître, doutez de l’existence de Dieu, ou adorez-le sous des formes superstitieuses : moi j’irai errant dans mes solitudes ; pas un seul battement de mon cœur ne sera comprimé, pas une seule de mes pensées ne sera enchaînée ; je serai libre comme la nature ; je ne reconnaîtrai que celui qui alluma la flamme des soleils et qui d’un coup de main fit rouler tous les mondes. »
Voyage en Amérique, Chateaubriand, 1827.
5) Intériorité et spiritualité
Si l’énergie entraîne l’individu vers tout ce qui lui est extérieur, à ce mouvement d’extraversion répond un cheminement inverse d’introversion. En effet, pour reprendre les termes de Baudelaire, le romantisme recouvre trois tendances : intimité, spiritualité et aspiration à l’infini.
Le romantisme est attiré par tout ce qui gravite autour de l’illuminisme, de l’ésotérisme et de l’occultisme. Ce penchant se manifeste en raison même des insuffisances reprochées à un catholicisme trop vite retombé dans le dogmatisme. Les spéculations ésotériques, mystiques, théologiques présentent bien des séductions car elles organisent du sens et proposent des visions différentes de l’universel. Elles fécondent le romantisme en lui fournissant de nombreux thèmes comme la palingénésie qui est une conception cyclique de l’histoire ouvrant sur la régénération.
Un intérêt croissant porté à l’inconscient se fait ressentir, il devient le « fond de l’âme » c’est à dire ce centre vers lequel le romantisme se tourne pour échapper à son isolement. Nodier ira même jusqu’à affirmer que le sommeil est « non seulement l’état le plus puissant, mais encore le plus lucide de la pensée…Il semble que l’esprit offusqué des ténèbres de la vie extérieure, ne s’en affranchit jamais avec plus de facilité que sous le doux empire de cette mort intermittente, où il lui reste permis de reposer dans sa propre essence et à l’abri de toutes le influences de la personnalité de convention que la société nous a faite. »
III. Le romantisme aujourd’hui, survie d’un mouvement
Dans bien des ouvrages le courant romantique est considéré comme terminé vers 1850, aussi pouvons-nous nous demander quelles sont les raisons de cet arrêt brutal, pourquoi à cet instant précisément ?
En France, c’est l’échec de la pièce d’Hugo «
Les Burgraves » en 1843 qui marqua la fin de la période romantique. En effet, cet échec retentissant au théâtre frappa la foule et les critiques littéraires, très attachés au classicisme, qui profitèrent de l’occasion pour attaquer sans demi-mesure le courant romantique très essoufflé. Les lecteurs commencent à se lasser de ces vers et de cette prose angoissée tandis que d’autres courants considérés comme plus attirants et beaucoup moins torturés apparaissent comme le courant Parnassien par exemple.
Cependant, même officiellement mort aux alentours de 1850 dans les pays d’Europe, le romantisme a pourtant survécu par l’influence affichée ou souterraine, qu’il exerça sur les choix thématiques et sur la sensibilité des auteurs modernes. C’est le cas notamment de Baudelaire, Rimbaud, Lautréamont, André Breton et Julien Gracq au XXème siècle qui refusèrent l’antihumanisme technologique, la mécanisation, la loi du marché… qui ne voulurent accepter que la passion meure, que la poésie et l’imagination soient vaincues par le calcul froid et la raison capitaliste. Beaucoup d’artistes hantés par le passé, sensibles à la fêlure dans l’autre et à la qualité d’une émotion vont maintenir la flamme romantique dans leurs œuvres et constituer une véritable culture. Par exemple, toute l’œuvre de Proust est le refus d’un accord entre la conscience et le monde , c’est la construction d’un édifice : celui de l’art. Pierre Reverdy, pourtant le moins porté aux effusions des poètes de son siècle déclare : « on a voulu tuer le romantisme mais il a la vie dure…et est revenu sous d’autres formes d’appellation. » Ainsi, le roman appelé « Gothique » n’est en fait qu’un prolongement du romantisme, la partie la plus sombre, celle qui provoque le plus de réaction auprès des lecteurs. Beaucoup de romans deviennent alors difficilement classables comme les romans d’Anne radcliffe ou de Mathurin qui chez certains libraires peuvent être classés comme « roman romantique », ou « roman gothique ou fantastique ». Le terme même de « Romantisme noir » vient alors semer le doute, qu’est-ce qui différencie « le romantisme noir » du « roman gothique » ? la réponse est assez ambiguë et mène à la conclusion que c’est deux termes mettent en avant les mêmes types d’ouvrages, à la différence près que certains romans considérés comme « gothiques » n’ont pas du tout les caractéristiques du romantisme et entraînent plutôt le lecteur vers l’Horreur et le Surnaturel.
Dans un style complètement différent, les biographies d’écrivains toujours plus nombreuses et très présentes durant les trente dernières années ont montré combien l’importance donné au « Moi » se fait ressentir. Les auteurs n’ont plus honte d’avouer leurs sentiments sans se cacher derrière un personnage, ils se donnent tout entier à l’écriture sans ne rien dissimuler comme le faisaient les auteurs romantiques.
Le Romantisme littéraire existe donc toujours mais il a pris d’autres formes et si les critiques faites à ses extravagances ont été très dures, elles n’en ont pas moins corrigés ce qu’il y avait de trop facile dans le théâtre romantique, la forme d’art où il a accumulé le plus d’échecs. Elles ont également souligné le sentimentalisme et la mollesse de nombreux poèmes ; elles contribuèrent à éviter aux poètes de sombrer dans le mélodramatique en ennuyant ses lecteurs, ou à force de décadentisme de tomber dans le ridicule et l’absurde. Ces critiques ont donc été constructives et ont permis aux nouveaux auteurs de ne s’inspirer que du meilleur dans le romantisme c’est à dire de l’importance donnée aux temps anciens, aux mythes et légendes universels, à décrire avec précision tous les sentiments humains, à rendre de la valeur aux liens familiaux et amicaux, à se servir des pouvoirs de l’imagination et des voyages intérieurs, à protéger la nature des avancées technologiques, à trouver une certaine beauté dans ce qui n’en a pas à première vue, à faire de la différence de chacun une force nécessaire à notre survie et à vouloir faire de notre vie un rêve inachevé...
Publié le 13/07/2007 à 12:00 par Erzebeth
De la mythologie à la médecine, le sang à l'honneur.
Le sang est, depuis la nuit des temps, le sujet de beaucoup de croyances, mythes, légendes et faits de tout genre. C'est un fluide qui attire l'attention rien que par la symbolique qu'il revêt, et ce, dans n'importe quelle civilisation. De plus c'est un vecteur potentiel de bien des maladies et affections transmissibles ou non, ce qui en fait l'objet, à la fois, d'admiration, d'envie et de crainte.
Ainsi, les sentiments que les hommes éprouvent à l'égard du sang sont diversifiés. Ce qui entraîne le dégoût chez l'un, peut très bien donner lieu à de l'envie et de la convoitise chez l'autre.
Comme dit auparavant, le sang joue un rôle dans bien des domaines et ce, depuis la nuit des temps.
Il est toujours intéressant de se pencher un peu plus sur des mythes et légendes ainsi que sur des faits historiques plus ou moins glorieux pour nourrir un peu plus notre curiosité sanguine qui est bien naturelle puisque ce fluide répulsif ou attractif nous fait vivre chaque jour…
I Des Scandinaves aux Celtes, un sang chargé d'histoires.
Le monde entier regorge de mythes et légendes concernant le sang, sa symbolique et son usage. Toutes les périodes historiques ont donné le jour à des légendes et des pratiques qui nous intriguent et nous fascinent encore aujourd'hui. Des civilisations précolombiennes, au Moyen-âge en passant par l'Antiquité ou encore le Néolithique, le sang est un déclencheur universel de bien des faits.
Il serait trop long pour l'heure d'établir une chronologie exhaustive des croyances et actes liés au sang de par le monde. C'est pourquoi nous allons nous intéresser essentiellement aux civilisations Nordiques partageant notre héritage Indo-Européen.
Intéressons nous donc rapidement à quelques mythes scandinaves qui ont formé les croyances de bien des peuples en matière de cosmogonie.
Il est dit dans l'Edda et dans la mythologie nordique en général, que l'origine du monde tel que nous le connaissons passe par la création de Midgard (qui signifie en gros Terre du Milieu) par Odin et ses frère. Cependant, on connaît moins souvent l'origine de la formation de Midgard.
Au départ était le néant comme dans beaucoup de cosmogonies, c'est presque un principe universel de la démiurgie, puis vint la naissance d'Ymir issue des gouttes que produisit la rencontre entre le souffle chaud de la lave en fusion et du givre. Ymir était le premier des géants du givre. C'était un être mauvais de même que tous ses descendants.
Les fils de Bor, (né de la digestion de la vache Audhumla), Odin, Vili et Vé décidèrent de se débarrasser de la cruauté d'Ymir en le tuant. Lorsqu'ils le tuèrent, il jaillit tellement de sang de ses blessures qu'ils noyèrent toute la race des géants du givre (sauf deux qui seront là pour le Ragnarok). Odin et ses frères prirent ensuite ce sang pour créer les lacs et la mer de leur monde, Midgard. Ils utilisèrent le sang qui coulait en abondance du cadavre du géant pour ceindre la Terre (composée de la chair d'Ymir) et la maintenir en place. Ainsi donc on apprends que la grande mer qui entoure le monde est à l'origine le sang d'Ymir. C'est pourquoi, les hommes considéraient qu'il était impossible de traverser la mer.
La naissance du monde selon la mythologie nordique est très organique puisque chaque élément qui forme la Terre est issu du cadavre du géant, comme le résume le poème issu de l'Edda de Snorri Sturluson :
De la chair d'Ymir
La Terre fut créée,
De son sang la mer,
De ses os les montagnes,
De ses cheveux les arbres,
Et de son crâne le ciel.
De ses cils, ils firent,
Les dieux cléments, Midgard
Pour les fils des hommes.
Mais de son cerveau
Furent crées
Tous les nuages cruels.
Ainsi donc dès la naissance du monde, la mythologie nordique donne une importance primordiale au sang, qui sera présent dans plusieurs aventures mythiques par la suite. Le sang est alors soit bénéfique ou mauvais selon sa provenance. Du Géant Ymir jaillit un torrent de sang qui sera la perte de toute sa race et la frontière tantôt rassurante tantôt effrayante du monde d'Odin. Mais le sang qui s'écoulent des plaies d'un dragon peut lui s'avérer être un don pour celui qui s'y baigne.
C'est ce que raconte le Nibelungenlied avec la lutte entre Siegfried et Fafner (ou Fafnir) le dragon. Siegfried est confié, à la mort de sa mère, au nain Alberic, personnage cupide et malsain si il en est. Siegfried est un enfant né d'un amour incestueux. Il est voué à un destin tragique qui le lie à Odin et à sa fille Brunehilde la Walkyrie. C'est poussé par la cupidité et les pulsions meurtrière du nain Alberic que Siegfried va affronter le dragon Fafner. Et c'est en répendant son sang et en s'y baignant qu'il va recevoir l'immortalité et l'invulnérabilité tout comme Achille la reçu des eaux du Styx, seule une partie de son corps sera vulnérable, là où une feuille s'est déposé durant le bain, entre les omoplates, privant ainsi le héros de protection à ce niveau là. L'histoire de Siegfried et de sa destinée est profondément tournée vers les luttes fratricides et le meurtre. Rien ne peut se dérouler sans l'épanchement de sang. Sa mort conduira même sa veuve Kriemhilde à commettre un sacrifice et a offrir son fils en repas à son nouveau mari, par folie et colère.
Les cultures scandinaves ont souvent été considérée, à leurs origines, comme barbare à juste titre lorsque l'on considère ces quelques données mythologiques et certaines traditions Vikings.
Pour exemple, sans passer par l'ingestion de sang des vaincus servi dans leurs crânes, on peut citer la tradition funéraire, proche de celle du Sâti en Inde, qui était de mise lors de la mort d'un chef de guerre viking. Afin que ce dernier puisse passer le restant de ses jours dans le Whalalla, à festoyer en permanence en compagnie d'Odin, les guerriers devaient, tandis que l'enveloppe charnelle du chef brûlait sur un bûcher, violer sa veuve et l'égorger afin d'assurer le passage de l'âme sans encombre vers le domaine d'Asgard. Seul le sang répandu de sa femme sacrifiée pouvait permettre une telle récompense au chef guerrier.
On admettra facilement que c'était assez cruel, cependant, les vikings n'étaient pas les seuls à pratiquer les sacrifices et à apporter une importance primordiale au sang versé.
Les Celtes, proches des vikings par leurs origines, considéraient le sang comme un principe vital par excellence, le dépositaire de l'âme et de l'énergie d'un être. Le sang associait, pour eux, les principes lunaires et solaires, le liquide et le feu, l'humain et l'universel.
Ces considérations formaient les bases de la religion celte : le Druidisme. Le système de gouvernement scindait le pouvoir entre le spirituel et le temporel. Le spirituel étant bien sûr administré par les Druides (qui étaient à la fois prêtres, sacrificateurs, enseignants, devins, médecins, généalogistes, musiciens, poètes, architectes…). Les sacrifices, que les druides ne pratiquaient de leurs mains pour ne pas souiller leur âme et leur corps, rythmaient la vie des celtes tout au long de l'année. Ils étaient considérés comme un pilier fondateur de la société. Le plus souvent on se servait d'animaux et de leur fluide vital pour officier mais on pouvait aussi utiliser des hommes, victimes consentantes, prisonniers de guerre, femmes et enfants selon la symbolique que revêtait le sacrifice au moment de son exécution.
Parfois le sang répandu étaient utilisés pour asperger des criminels en vue de les purifier. Il pouvait également être utilisé comme outil de divination selon la façon dont il s'épanchait du corps du sacrifié. On offrait hommes et animaux après une victoire guerrière ou avant une guerre au dieu Ogme. On sacrifiait femme, enfant ou homme pour Samain (Samonios) qui correspond à la Toussaint de nos jours, pour Fêter la rencontre de la fin de l'année et du début de la nouvelle. L'année commençant le premier novembre chez les celtes, Samain avait un effet purificateur et salvateur. Offrir le corps et le sang d'un humain le jour de la nouvelle année évitait les problèmes avec les morts et offrait des perspectives positives pour les mois à venir.
On peut se dire en pensant aux celtes, que les sacrifices druidiques n'ont plus cours de nos jours, pourtant, même si le Druidisme est à l'agonie et ne regroupe plus que quelques adorateurs cueillant du gui de temps en temps (à part quelques exceptions), Ce n'est qu'au début du 20ème siècle avec l'emprise du gouvernement que les Bretons ont pratiquement fini de rejeter les sacrifices et les coutumes liées au sang. En parcourant La légende de la mort chez les Bretons Armoricain d'Anatole Le braz, on se rend compte que les sacrifices avaient lieu il n'y a pas encore si longtemps.
Dans la région de Quimperlé, par exemple, il était de coutume de sacrifier un coq et d'arroser ensuite les fondations d'une maison neuve pour éviter que l'Ankou n'emporte la première âme qui traverserait le seuil de la construction. Cette coutume est commune à toutes les régions de Bretagne mais avec des variantes selon que l'on se retrouve dans l'Armor ou ailleurs.
De plus, les Bretons utilisaient beaucoup les intersignes, des signes annonciateurs de la mort d'un parent et l'un deux veut toujours que trois gouttes de sang froid tombant du nez annoncent la mort d'un parent proche dans les prochain jours. Il faut d'ailleurs préciser que cet intersigne est également utilisé en Ecosse.
De fait, le sang est, chez les celtes comme chez les scandinaves un élément fondamental de leur culture. Quelle soit d'aujourd'hui ou d'hier. La mythologie et la réalité se sont toujours entremêlées de diverse façon concernant des éléments théologiques, ethnologiques ou autres et le sang n'échappe pas à la règle. Nombreux sont les témoignages, légendes et faits que l'on retrouve dans La légende de la mort ou d'autres ouvrages qui ont été et sont encore narrés avec réalisme et foi.
II Le sang vecteur de mythes mais aussi d'affections.
Il est toujours intéressant de voir combien le sang fait partie de nos cultures et de nos histoires. Cependant, ce qui est plus intéressant encore et d'observer ce que le sang à de primordial dans notre vie. Il ne faut quand même pas oublier que c'est le fluide corporel qui irrigue tous les tissus et y transporte oxygène et nutriments ! Ainsi donc nous allons nous intéresser à l'hématologie pour observer les fonctions du sang et surtout ce qu'il peut générer comme désagrément si sa synthèse est déficiente.
On peut décomposer le sang en lui-même en quatre partie. La partie liquide qui est le plasma et contient les autres éléments qui forment ce fluide. Les particules en suspension dans le plasma sont les leucocytes ou globules blancs (qui se décompose en plusieurs familles et interviennent au niveau du système immunitaire), les thrombocytes ou plaquettes et surtout, ce qui nous intéresse le plus ici, les hématies ou globules rouges qui sont composés d'une partie protéique, la globine et d'une partie ferrique, l'hème. Ces deux éléments combiné forment l'hémoglobine.
L'hémoglobine n'est donc pas un synonyme générique du sang mais bien l'un des éléments qui entre dans la composition de notre fluide vital.
Il faut également savoir que c'est l'élément le plus présent dans le sang car si l'on considère un millimètre cube de sang, on trouve cinq millions de globules rouges contre cinq à dix mille leucocytes et deux à trois cent mille thrombocytes… De plus c'est l'hémoglobine qui pigmente notre sang et transporte l'oxygène.
Pour revenir à la composition de l'hémoglobine, on va s'intéresser de plus près à la partie non protéique contenu dans l'hématie. L'hème donc, qui renferme un atome de fer à l'état ferreux et de la porphyrine (une molécule organique) est une composante primordiale pour fixer l'oxygène dans le sang. Elle peut être responsable, si elle est déficiente, d'une maladie que certains appellent la maladie des vampires : la porphyrie ou plutôt les porphyries.
Les porphyries sont des maladies génétiques héréditaires rares dues à des déficiences enzymatiques qui gênent la fabrication de l'hème. En effet, pour que l'hème soit synthétisé et associée à la globine sans encombre, il faut l'action combiné de huit enzymes. Si l'une des huit enzymes est manquante, la fabrication de l'hème devient problématique. 85% des enzymes entrant dans la composition de l'hème proviennent de la moelle épinière, les 15% restant sont fabriquées au niveau du foie.
C'est grâce à cette dissociation que l'on peut différencier deux grandes familles de porphyries.
Les porphyries hépatiques, induisant donc la déficience d'une enzyme créée au niveau du foie et les porphyries érythropoïetiques qui sont relative au manque d'une enzyme produite au niveau de la moelle.
Ces deux grands groupes de porphyries se ramifient ensuite en sous groupes que nous n'évoqueront pas ici pour simplifier l'explication. Les porphyries hépatiques s'accompagnent généralement de troubles neurologiques avec des faiblesse musculaires, visuelles, de douleurs abdominales et de nausées ainsi que de troubles mentaux. (Il faut rappeler que l'hème étant essentielle au transport de l'oxygène dans le sang, si elle devient déficiente, entraîne forcément une mauvaise oxygénation du cerveau et donc des troubles mentaux…).
Les porphyries érythropoïetiques entraînent quant à elles plus souvent des troubles cutanés, une pâleur excessive, une extrême photosensibilité en partie due au manque de pigmentation de l'hémoglobine.
Toutefois, on constate généralement chez les personnes atteintes de porphyries, l'apparition de nausées, de reflux gastro-œsophagiens, de dérèglements hormonaux (forte pilosité), d'asthénie intense, de pâleur ou encore de photosensibilité très douloureuse qui peut, à plus ou moins long terme, mettre le pronostique vital du malade en danger si il reste trop longtemps au soleil. Les radiations provoquent une atrophie de la peau qui peut mener à la perte des oreilles, de phalanges, de doigts, de la main entière ou encore des pieds.
Les malades atteints de porphyries le sont dès la naissance et souffrent de crises plus ou moins aigües. C'est lors de ces crises que les malades doivent recevoir des soins hospitaliers avec administration intraveineuse de sérum glucosé pour la ré-hydratation, d'antispamodique (type spafon) pour calmer les douleurs stomacales, de morphine pour les douleurs et spasmes musculaires, d'antiémétique pour calmer les nausées…
On peut également administrer du normosang au patient. Mais ceci reste encore rare puisque le laboratoire fournissant ce produit est situé en Finlande, qu'il est légal en France depuis 1995 seulement et reste encore inconnu dans bon nombre de pays. Le normosang est un substitut à l'hème qui est administré en perfusion. Cependant, le normosang reste un produit difficile à administrer dans la mesure où il faut avoir des veines saines pour le recevoir et qu'il faut rincer la veine qui à servit à la perfusion avec du sérum physiologique puisque le produit est invasif est donc agressif envers l'organisme.
L'origine étymologique du mot "porphyrie" vient du terme grec signifiant pourpre car les personnes atteintes de cette maladie ont les urines qui sont teintées de rouge foncé lors des crises. Le premier cas à avoir été recensée par le corps médical date de 1920. Toutefois, un pavé fut jeté dans la mare lorsqu'en 1985, le professeur David Dolphin présenta une théorie selon laquelle les malades atteints de porphyrie sont à l'origine des peurs et hystéries médiévales concernant les vampires. Le professeur arguait que les malades du Moyen-âge présentant tous les stigmates du vampire (pâleurs déformations physique, pilosité très développé, dents allongées, photosensibilité, etc.) n'avaient alors d'autre solution que de boire du sang humain pour tenter de calmer les douleurs et effets pervers du mal et attiraient immanquablement l'attention de par leur aspect. Cette théorie fut à l'époque très critiquée et huée.
Pour information, la famille Stuart compte trois personnes atteintes de ce mal, La reine Anne, George III et George IV d'Angleterre. Fréderic II de Prusse était également atteint de porphyrie.