A propos de ce blog


Nom du blog :
arcaneslyriques
Description du blog :
Cercle littéraire "Arcanes Lyriques" retranscription des réunions.
Catégorie :
Blog Littérature
Date de création :
13.07.2007
Dernière mise à jour :
16.11.2011

RSS

Rubriques

>> Toutes les rubriques <<
· Dossiers (9)
· Contes (4)
· Mythes et Légendes (12)
· Critiques de livres (53)
· Poèmes d'auteurs classiques (65)
· Art pictural et illustration (7)
· Poèmes de nos membres (16)
· Mystères et Enigmes (4)
· Nouvelles d'auteurs classiques (20)
· Cinéma (3)

Navigation

Accueil
Gérer mon blog
Créer un blog
Livre d'or arcaneslyriques
Contactez-moi !
Faites passer mon Blog !

Articles les plus lus

· Le Romantisme littéraire
· CONTE DE BARBE BLEUE - Explications et Analyse
· La tuberculose, maladie romantique du 19ème siècle
· LE CORBEAU
· Des fleurs pour Algernon

· LA FEMME NUE DES PYRENEES
· LE PHENIX
· LE BARON PERCHE
· POEMES DE JOHN KEATS
· CHARON, passeur d'âmes
· La nuit de décembre
· LA MOLDAU
· LE CORBEAU D'EDGAR ALLAN POE
· CARLOS SCHWABE - La Mort du fossoyeur
· LE GOLEM

Voir plus 

Blogs et sites préférés

· chaosdei
· elissandre
· nosferatuttiquanti


Statistiques 209 articles


Derniers commentaires

bonsoir à tous j'ai rêver d'un phoenix rouge qui lâche une bombe atomique dans la mer provocant un tsunami. j'
Par Samba, le 19.04.2025

puisque j'ai mis ma ***** sur tes lèvres
Par Anonyme, le 11.05.2024

puisque j'ai mis ma **** sur tes lèvres
Par Anonyme, le 11.05.2024

que dire de plus un jour peut-être il nous refera un album c'est un poète magnifique sensible j'aime beaucoup
Par Anonyme, le 22.03.2024

merci j'ai beaucoup aimé votre résumé grâce à vous j'ai compris l'histoire en 3minute au lieu de 5h de lecture
Par Anonyme, le 09.01.2023

Voir plus

RSS
Recherche

Mythes et Légendes

LA MANDRAGORE

Publié le 03/04/2009 à 12:00 par arcaneslyriques
LA MANDRAGORE
LA MANDRAGORE


La Mandragore, également appelée « Homme du gibet » et « Poupée-dragon », est une espèce de plante herbacée vivace des pays du pourtour méditerranéen c’est à dire de l’Afrique du Nord (l’Algérie, Maroc, Tunisie), de l’Europe méridionale (Italie, Grèce, Espagne, Portugal) et Moyen-Orient ( Israël, Jordanie, Liban, Syrie, Turquie). Mais cette plante est devenue très rare, même dans son aire d’origine. Elle pousse généralement dans un sol profond, non pierreux, frais mais pas trop humide et uniquement la nuit.

Son nom lui vient du grec « Mandra » (Etable) et « Agauros » (nuisible). La plante, haute d’une trentaine de centimètres dégage une odeur très forte. Constituée de cinq pétales soudés à la base, ses fleurs sont de couleurs blanches verdâtre, bleutée ou pourpre suivant les variétés et elles donnent naissance à des baies jaunes ou rouges. Sa forme souvent anthropomorphe (ses ramifications lui donnant une vague apparence humaine avec un tronc, des jambes et même avec un peu d’imagination on peut distinguer une tête et un sexe) ce qui est à l’origine de nombreuses légendes. Sa racine est noire pour la femelle et blanche pour le mâle.

A la fois estimée et crainte, la mandragore est une plante d’une haute valeur symbolique. Elle porte, d’après la tradition, la marque divine, et elle est de ce fait considérée comme un remède universel efficace mais à la fois très dangereux. En effet, cette plante riche en alcaloïdes lui donnent des propriétés mydriatiques et hallucinogènes. Elle se compose également d’éléments nocifs comme l’atropine, la scopolamine (premier sérum de vérité) et surtout d’hyosciamine. Ces molécules peuvent être à l’origine d’une intoxication mortelle.

Les effets hallucinogènes remarquables de la plante ainsi que la capacité qu’ont ses principes actifs de pouvoir traverser la peau et de passer dans la circulation sanguine explique certainement pourquoi les sorcières du Moyen-Age qui s’enduisaient les muqueuses et les aisselles à l’aide d’un onguent à base de mandragore entraient en transe et pensaient s’envoler sur leur balai et voir des créatures diaboliques le jour du Sabbat.

Mais la plante était également utilisée par les guérisseuses, notamment pour faciliter les accouchements mais aussi pour soigner les morsures de vipère.

On utilise aussi la mandragore contre les spasmes (entérocolites, hémorroïdes), l'asthme et le rhume des foins. On la prescrit sous forme de cataplasme pour soigner les rhumatismes et les douleurs arthritiques. Elle est aussi efficace contre les ulcères gastriques. Dès la plus haute antiquité, Hippocrate en conseillait l’usage contre la mélancolie, et pour combattre les idées de suicide

Elle serait aussi somnifère et aphrodisiaque mais elle est bien trop dangereuse pour qu’on l’utilise seul sans l’avis de spécialiste.

La Mandragore Officinale est devenue, au fil des années, tellement mystérieuse dans le folklore, qu'elle a été par la suite considérée non seulement comme la plus puissante mais également comme la plus dangereuse de toutes les herbes magiques. Elle représente tout ce qui est mystérieux et attirant dans le monde étrange des plantes.

Au Moyen-Age, elle est l’objet d’un culte macabre interdit par l’Eglise car elle symbolise la « Main de gloire » c’est à dire qu’elle se soumet à celui qui la possède.

Les Grecs la nommèrent « Plante de Circé la magicienne » car elle est également symbole de fécondité. Elle pouvait aussi révéler l’avenir ou rendre riche son propriétaire et lui porter chance.

Dans la traduction du Bestiaire d'Oxford (manuscrit du Moyen-Age), la mandragore serait « l'arbre de la connaissance » dont Adam et Ève mangèrent le fruit.

La mandragore, comme la belladone ou la jusquiame est une plante de "sorcière". D'après le codex Juliana, le botaniste grec Discoride reçut la mandragore comme remède magique des mains d'Heuresis, déesse de la découverte.

Les précautions lors de la cueillette sont classiquement énoncées dans les écrits de Paracelse (1493-1541) dont il existe diverses variantes décrites, mais figurent dans des manuscrits plus anciens, tels que ceux de Josèphe (37 à 90) ou Théophraste. Pour se procurer la racine de mandragore si dangereuse, il fallait des rituels magiques. Ainsi on doit uniquement la cueillir les nuits de pleine lune et d’orage. On la repère facilement car elle brille dans le noir. On trouve généralement la mandragore au pied des pendus ou des suppliciés. Les mandragores qui poussaient au pied des gibets étaient très prisées car on les disait fécondées par le sperme des pendus, leur apportant vitalité, mais celles des places de supplice ou de crémation faisaient aussi parfaitement l'affaire. Le cueilleur doit tracer avec un poignard trois cercles autour d’elle et creuser pour dégager la racine, tout en chantant des formules magiques. Il passe ensuite une corde autour de la racine et attache l’autre extrémité au cou d’un chien noir affamé. Puis le cueilleur s’éloigne et appelle le chien, qui, en tirant sur la corde, arrache la plante. La plante pousse alors un cri qui tue l’animal. Quand ses cris cessent, on peut la ramasser.

La racine devenait magique après lavage, macération et maturation en linceul ou tissu de soie; elle représentait l'ébauche de l'homme, « petit homme planté » ou homonculus. Ainsi choyée, elle restait éternellement fidèle à son maître et procurait à son possesseur, prospérité prodigieuse, abondance de biens, et fécondité mais négligée rien ne pouvait arrêter sa vengeance. Faute de ces soins, elles poussaient des cris comme des enfants qui auraient souffert de la faim et de la soif, et cette circonstance attirait généralement de grands malheurs. Enfin, on les tenait enfermées dans un lieu spécial, d’où on ne les retirait que pour les consulter.

Bien choyée, après trois jours elle pouvait prendre vie et quarante jours après il fallait la faire boire, manger et l’habiller. Elle était vendue très cher en raison du risque à la cueillette, et ce d'autant plus que la forme était humaine. En 1690, une racine coûtait en moyenne l’équivalent du salaire annuel moyen d’un artisan. Dés qu’on avait le bonheur d’avoir chez soi de pareilles figures (hautes de huit à neuf pouces), on se croyait heureux. On ne craignait plus aucun danger, on attendait la santé et la guérison des maladies les plus rebelles. Chose plus admirable encore : elles faisaient connaître l’avenir ; on les agitait pour cela et on croyait saisir leur réponse dans les hochements de la tête que ce mouvement leur imprimait.

On assure que cette superstition, qui existait chez les anciens Germains, subsiste encore aujourd’hui parmi les peuples de la basse Allemagne, du Danemark et de la Suède.

Dans le limousin et le Poitou, la mandragore était aussi le nom d’une bête fabuleuse à tête d'homme, au buste et aux pattes de lion et à la queue de serpent.

La Mandragore est aussi utilisée dans certaines formes de Vaudou.

Dans les pratiques contemporaines la mandragore a conservé sa réputation et son parfum de mystère continue à fasciner. Même si on ne l'emploie plus dans les onguents ou comme plantes hallucinogène, on en fait pousser dans son jardin de sorcière, on en ajoute quelques fragments pour décupler les effets d'un encens ou d'un sortilège. Il faut savoir que c'est une plante assez fragile et difficile à faire pousser. Cependant, on en trouve relativement facilement, à cause ou grâce à la vague de renouveau de l'ésotérisme. Contrairement à une idée répandue, la mandragore n'est pas interdite à la vente en France.

Encore très répandue dans les légendes folkloriques de nos régions, la mandragore est également le titre d’une pièce écrite par Nicolas Machiavel en 1518. Cette pièce est une courte farce burlesque en 5 actes, un genre qui préfigure le théâtre populaire italien de la « commedia dell'arte » (XVIe siècle).

La Mandragore est écrite comme vengeance contre les Médicis. À la chute de la république, Machiavel, après avoir été accusé de complot contre les Médicis et chassé de Florence, écrit Le Prince (Il Principe) où il se permet de donner des conseils au chef de l’état sur le meilleur mode de gouverner. Il espère de cette manière que Lorenzo de Médicis lui permettra de revenir à Florence. Cependant, Lorenzo ne cèdera jamais. La Mandragore lui est donc dédiée, mais elle est surtout une condamnation satirique de la société florentine de l’époque. C’est une caricature, une polémique sociale qui a été adaptée par deux fois au cinéma : En 1965 par Alberto Lattuada avec Rosanna Schiaffino (Lucrezia) et Philippe Leroy (Callimaco) et en 1972 par Philippe Arnal avec Claude Jade (Lucrezia) et Paul Barge (Callimaco)

La Mandragore et sa légende sont aussi exprimées dans l’univers d’Harry Potter et du film le « Labyrinthe de Pan ».

Elle survit également dans le personnage de fiction Mandrake, de la bande-dessinée créée par Lee Falk, journaliste américain.


Perceval, pour la réunion du 22/02/09.


CHARON, passeur d'âmes

Publié le 26/11/2008 à 12:00 par arcaneslyriques
CHARON, passeur d'âmes
CHARON


Trouver l’origine du mythe de Charon semble délicate. En effet un poème « Minyen » (Grec), cité par Pausanias donne aux Egyptiens la primeur de cette légende. Celle-ci sera confirmée par Diodre de Sicile mais aucune autre mention sérieuse ne viendra étayer cette affirmation.


Personnage d’abord ignoré des Grecs, il faut plutôt le rapprocher du peuple Etrusque qui le nommait « CHARUN ». Toutefois il faut noter une différence importante entre les deux « CHARON ». Celui des Etrusques se démarque par son aspect et sa fonction. Simple serviteur des enfers, il ne se distingue d’aucun autre démon. Figure effrayante au dos ailé, agitant des serpents, armés soit de marteaux, de fouets et autres « charmant ustensiles » qui lui servent à saisir, garder mais surtout tourmenter les morts. D’aspect hirsute, au nez crochu et aux dents de sanglier, ce démon apôtre de la mort fût représenté assez souvent sur divers support comme des fresques, des sarcophages, des urnes et des vases. Enfin les Etrusques mentionnent aussi Charon accompagnant Mars sur les champs de bataille.


Conception nouvelle venue probablement du nord d’un courant étranger apparu vers l’époque « Pélasgique », le mythe de Charon chez les Grecs ne reprend que quelques traits généraux par rapport à celui des Etrusques.
Apparu tardivement, ignoré d’Homère, nommé « CARON » en Grec ancien, on retrouve une première trace de Charon dans la littérature Grecque avec le poème de « Pausanias ». Charon fils d’Erèbe (les ténèbres) et de Nyx (la nuit) était le « Nocher des enfers ».


Personnage mythologique très populaire pendant la grande période du théâtre d’Athènes, les auteurs dramatiques d’alors ont permis à encrer au sein de l’imagination populaire une image forte et familière.
Divinité secondaire du monde des enfers, serviteur impassible du dieu des ténèbres, son rôle consiste à faire franchir les fleuves marécageux tel le Styx ou l’Achéron ou encore le Cocyte (suivant les diverses sources), aux âmes qui devaient payer entre une et trois oboles, ni plus ni moins (c’est pour cela qu’il était de coutume de mettre une pièce de monnaie sous la langue des morts).
Choisissant parmi les âmes diverses entassées sur la rive, Charon repoussait impitoyablement les ombres de ceux qui avait été privé de sépulture et ceux qui était dans l’incapacité de monnayer leurs traversées. Ainsi démunies les âmes erraient sans repos pendant 100 ans sur le bord du fleuve avant que l’on ne décide de leurs sorts.


Charon souvent décrit comme un vieillard morose, avare, fort laid et barbu. Vêtu de haillons foncés, sale il est néanmoins encore fort et solide.
Devant cet aspect inquiétant les âmes sont néanmoins mises à contribution et doivent ramer, Charon se contentant de « barrer » sa barque mais tout en les réprimant sévèrement !
Sur celle-ci est dessiné un œil censé protéger des mauvais esprits, il rappelle aussi la peinture figurant sur la proue des navires de guerre Grecs. A l’origine la barque est simplement la métaphore de la mort.


Virgile lui consacre un véritable portrait en 7 vers ! Avec des caractéristiques mentionnées nulle part ailleurs comme : des yeux incandescents, effrayant, monstre ricanant au nez crochu, aux dents de sangliers et pourvu d’un énorme maillet ! Cette description rappelle étrangement celle des Etrusques !


En plus d’être passeur Charon empêche les âmes de s’échapper des enfers et il partage avec Hermès le qualificatif de « conducteur des morts ».Il doit aussi refuser ses services aux vivants. Charon symbolise la mort imminente, il attend celui qui ne peut lui échapper, il l’appelle, le presse, lui intime l’ordre de s’embarquer, « Charon t’appelle, tu l’empêches de gagner le large » tel le scandait « Aristophane », menaçant le commissaire du peuple !


Charon dans la chanson populaire Grecque est une des figures de la mort. Mis en scène dès le Xème Siècle les chants dits « Akrites » représentent des héros tel que « Digénis » voulant prouver son courage défie la mort à travers les traits de Charon.


Il était très rare que Charon laisse passer un mortel mais néanmoins plusieurs cas sont à noter dans la mythologie Grecque. Quand Héraclès descendit aux enfers, il se heurta à Charon, mais devant cet obstacle bien gênant Héraclès utilisa la manière forte en lui donnant de fort coup de rame sur la tête, forçant ainsi le passage ! Le pauvre Charon subit les foudres suprêmes devant ce sacrilège en étant emprisonné et enchaîné pendant 1 an ! On prétend même que Charon avait été puni et exilé pendant un an dans les profondeurs du Tartare pour avoir laissé passer Hercule ! Il aurait fallu que ce dernier obtienne un rameau d’or consacré à Prospérine et détaché d’un arbre fatidique, paiement habituel que devait s’acquitter les vivants. C’est ainsi que la Sybelle de Cumes dut donnée un rameau d’or à Enée pour pouvoir accéder au royaume des morts. D’autres mortels passèrent néanmoins mais de façon différente, Psyché venue pour demander à Perséphone un précieux flacon, dut payer avec deux pièces de monnaies pour son aller et son retour, Charon accepta sans rien dire…Enfin utilisant la ruse, Orphée venue chercher son Eurydice, le charma avec sa harpe.


- Les peintres et Charon


Il existe plusieurs représentations de Charon en peinture. Celle de Joachim Panetier, peint entre 1515/1524 avec son « Charon traversant le Styx » est visible au musé du Prado à Madrid. Une autre toile peinte par le Français Pierre Subleyras (1699-1749) titré « Charon passant les ombres » nous donne comme composition une scène fort inquiétante, jugez plutôt : Un gibet, de nombreux corps suppliciés, une chauve souris au sombre présage, le décor lugubre est planté ! Charon peint de dos vogue sur le Styx emportant les âmes drapées de leur linceul vers le lieu de leur dernier repos…Enfin le peintre Anglais John Roddam Spencer Stanhope de l’école PréRaphaélite (1829-1908) nous livre avec sa toile intitulé « Charon prend l’argent de la bouche de Psyché » une œuvre tirée de la mythologie Grecque.


- Charon et la poésie


Le célèbre poème de Gérard de Nerval « El Desdichado » cite implicitement Charon, pour preuve :


EL DESDICHADO


Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Etoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.
Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s'allie.
Suis-je Amour ou Phébus ?... Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
J'ai rêvé dans la Grotte où nage la sirène...
Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.


Ce vers évoquerait les deux crises de démence, celle de 1851 et de 1853, que le poète a vécu comme une « petite mort ». Tel Orphée, il est revenu par deux fois du royaume des morts…


Lexique :

- Minyen : Céramique de l’antiquité Grecque
- Diodre de Sicile : Historien et chroniqueur Grec du 1er siècle Av J.C. auteur entre autre de la bibliothèque historique.
- Pélasgisque : Ancien peuple et premier habitants de Grèce et d’Italie
- Cocyte : Affluent du Styx, fleuve des lamentations alimenté par les larmes des voleurs


Illustration de John Roddam Spencer Stanhope


Perceval, pour la réunion du 21/09/08

LA LORELEI - PARTIE 5/5

Publié le 12/11/2008 à 12:00 par arcaneslyriques
LA LORELEI - PARTIE 5/5
La Lorelei à travers plusieurs poèmes allemands et français des 19e et 20e siècles

Partie 5/5 - Le mythe détourné

Erich KÄSTNER (1899-1974) est un célèbre écrivain allemand né à Dresde. Il est connu en France notamment pour ses romans pour la jeunesse (Emile et les détectives, 1929).

En 1932, il écrivit un poème ironique sur la Lorelei, inspiré du poème de HEINE :

Der Handstand auf der Loreley

Nach einer wahren Begebenheit 1932

Die Loreley, bekannt als Fee und Felsen,
ist jener Fleck am Rhein, nicht weit von Bingen,
wo früher Schiffer mit verdrehten Hälsen,
von blonden Haaren schwärmend, untergingen.

Wir wandeln uns. Die Schiffer inbegriffen.
Der Rhein ist reguliert und eingedämmt.
Die Zeit vergeht. Man stirbt nicht mehr beim Schiffen,
bloß weil ein blondes Weib sich dauernd kämmt.

Nichtsdestotrotz geschieht auch heutzutage
noch manches, was der Steinzeit ähnlich sieht.
So alt ist keine deutsche Heldensage,
daß sie nicht doch noch Helden nach sich zieht.

Erst neulich machte auf der Loreley
hoch überm Rhein ein Turner einen Handstand!
Von allen Dampfern tönte Angstgeschrei,
als er kopfüber oben auf der Wand stand.

Er stand, als ob er auf dem Barren stünde.
Mit hohlem Kreuz. Und lustbetonten Zügen.
Man frage nicht: Was hatte er für Gründe?
Er war ein Held. Das dürfte wohl genügen.

Er stand, verkehrt, im Abendsonnenscheine.
Da trübte Wehmut seinen Turnerblick.
Er dachte an die Loreley von Heine.
Und stürzte ab. Und brach sich das Genick.

Er starb als Held. Man muß ihn nicht beweinen.
Sein Handstand war vom Schicksal überstrahlt.
Ein Augenblick mit zwei gehobnen Beinen
ist nicht zu teuer mit dem Tod bezahlt!

P.S. Eins wäre allerdings noch nachzutragen:
Der Turner hinterließ uns Frau und Kind.
Hinwiederum, man soll sie nicht beklagen.
Weil im Bezirk der Helden und der Sagen
die Überlebenden nicht wichtig sind.
***

Le poème est composé de huit strophes (sept quatrains et un quintil en post-scriptum). Comme BRENTANO dans sa ballade de 1801 et HEINE, il utilise des quatrains et les rimes sont croisées. Si KÄSTNER reprend à ses prédécesseurs la forme du poème, il se détache du fond et adopte dès le départ un ton sarcastique.

Il raconte une histoire totalement décalée : un gymnaste fait un appui tendu renversé (« Handstand ») sur le rocher de la Lorelei, et, alors qu’il pense à la Lorelei, tombe, se brise la nuque et meurt.

L’auteur précise, en dessous du titre, « Nach einer wahren Begebenheit » (d’après un véritable événement).

La première strophe reprend avec des raccourcis la légende de HEINE. Tous les mots-clés s’y trouvent rassemblés : « Loreley », « Fee » (fée), « Felsen » (rocher), « Rhein » (Rhin), « Schiffer » (batelier), « blonden Haaren » (cheveux blonds), « untergingen » (coulaient). Le choix des mots « verdrehten Hälsen » (les cous tordus) et « schwärmend » (s’extasiant) montrent que l’auteur se moque des bateliers.

Dans la deuxième strophe, il dit que nous nous transformons, y compris les bateliers. Les flots du Rhin sont régulés et endigués. Le temps passe. Il se moque cette fois de la Lorelei :
« Man stirbt nicht mehr beim Schiffen,
bloß weil ein blondes Weib sich dauernd kämmt. »
On ne meurt plus, en navigant, simplement parce qu’une femme blonde se peigne en permanence.

Dans la troisième strophe, il estime que, néanmoins, il se passe aussi de nos jours beaucoup de choses qui font penser à l’âge de pierre (« Steinzeit ») et il ajoute qu’aucune épopée allemande n’est aussi vieille [que l’âge de pierre].

L’histoire du gymnaste commence avec la quatrième strophe, alors qu’il faisait un A.T.R., sans tenir compte des mises en garde des bateaux à vapeur, desquels résonnait un « cri d’angoisse ». Elle se poursuit jusqu’à la fin de la strophe sept. Son destin tragique fait de lui un héros. Tout au long des strophes suivantes, KÄSTNER ironise beaucoup sur la notion de héros.

Dans la cinquième strophe, il affirme qu’un héros agit sans raison :
« Man frage nicht: Was hatte er für Gründe?
Er war ein Held. Das dürfte wohl genügen. »
On ne demande pas : quelles étaient ses raisons ?
Il était un héros. Cela devrait bien suffire.

Dans la sixième strophe, l’auteur fait une allusion indirecte au poème de Heine en évoquant le soleil couchant (« Abendsonnenscheine »). Il ajoute que le gymnaste, troublé par la mélancolie, pensait à la Lorelei de Heine avant de chuter et de se briser la nuque.

C’est dans la septième strophe qu’il se moque le plus du gymnaste et de l’inutilité de son acte héroïque et fatal :
« Er starb als Held. Man muß ihn nicht beweinen. »
Il mourut en héros. On ne doit pas le pleurer.
« Ein Augenblick mit zwei gehobnen Beinen
ist nicht zu teuer mit dem Tod bezahlt! »
Un instant avec les deux jambes en l’air
ce n’est pas trop cher payé pour mourir !

Dans la dernière strophe, un post-scriptum, l’auteur précise que le gymnaste nous laissa une femme et un enfant. Il conclut, toujours avec causticité, en disant qu’on ne doit pas les plaindre, car, lorsqu’il s’agit de héros et de légendes, les survivants n’ont aucune importance.

Pour comprendre ce poème, il faut le replacer dans son contexte historique : il a été écrit en 1932, alors qu’Hitler est en pleine ascension politique. Or, la compétition sportive, tout comme les héros germaniques, étaient utilisés par les nazis pour exciter les sentiments patriotiques…

Illustration : le rocher de la Lorelei

Rachel GIBERT, pour la réunion du 21 septembre 2008

LA LORELEI - PARTIE 4/5

Publié le 03/11/2008 à 12:00 par arcaneslyriques
LA LORELEI - PARTIE 4/5
La Lorelei à travers plusieurs poèmes allemands et français des 19e et 20e siècles

Partie 4/5 - Retour aux sources

Le poète Guillaume APOLLINAIRE (1880-1918) a été précepteur en Allemagne en 1901 et 1902. Son séjour l’a inspiré dans l’écriture d’une partie, intitulée Rhénanes, de son recueil, Alcools, paru en 1913. Elle comprend plusieurs poèmes évoquant l’outre-Rhin, dont le poème La Loreley.

Dans La Loreley, APOLLINAIRE reprend très fidèlement l’histoire de la ballade du Godwi de BRENTANO, si bien qu’on aurait presque l’impression de lire une traduction. Pourtant, lorsqu’on y regarde de plus près, il y a de nombreuses différences, sur le fond et surtout sur la forme. Plus on avance dans la lecture du poème, plus les divergences s’accroissent :

La Loreley

A Jean sève

A Bacharach il y avait une sorcière blonde
Qui laissait mourir d'amour tous les hommes à la ronde

Devant son tribunal l'évêque la fit citer
D'avance il l'absolvit à cause de sa beauté

Ô belle Loreley aux yeux pleins de pierreries
De quel magicien tiens-tu ta sorcellerie

Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits
Ceux qui m'ont regardée évêque en ont péri

Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries
Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie

Je flambe dans ces flammes ô belle Loreley
Qu'un autre te condamne tu m'as ensorcelé

Evêque vous riez Priez plutôt pour moi la Vierge
Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protège

Mon amant est parti pour un pays lointain
Faites-moi donc mourir puisque je n'aime rien

Mon cœur me fait si mal il faut bien que je meure
Si je me regardais il faudrait que j'en meure

Mon cœur me fait si mal depuis qu'il n'est plus là
Mon cœur me fit si mal du jour où il s'en alla

L'évêque fit venir trois chevaliers avec leurs lances
Menez jusqu'au couvent cette femme en démence

Va-t’en Lore en folie va Lore aux yeux tremblants
Tu seras une nonne vêtue de noir et blanc

Puis ils s'en allèrent sur la route tous les quatre
La Loreley les implorait et ses yeux brillaient comme des astres

Chevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si haut
Pour voir une fois encore mon beau château

Pour me mirer une fois encore dans le fleuve
Puis j'irai au couvent des vierges et des veuves

Là-haut le vent tordait ses cheveux déroulés
Les chevaliers criaient Loreley Loreley

Tout là-bas sur le Rhin s'en vient une nacelle
Et mon amant s'y tient il m'a vue il m'appelle

Mon cœur devient si doux c'est mon amant qui vient
Elle se penche alors et tombe dans le Rhin

Pour avoir vu dans l'eau la belle Loreley
Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil
***

La poésie se compose de dix-neuf strophes de deux vers (distiques). Les rimes sont plates. Les vers n’ont pas tous le même nombre de pieds et il n’y a aucune ponctuation. Bien que s’inspirant de la ballade du Godwi de BRENTANO, APOLLINAIRE n’a pas conservé la forme originale du poème (quatrains, rimes croisées, etc.).

Dans le premier vers, APOLLINAIRE utilise « il y avait », tournure qui fait penser à « il était une fois ». Il associe des termes à contre-courant de la symbolique habituelle : « sorcière » et « blonde ».

L’auteur utilise, dans le deuxième vers, le verbe laisser (« laissait mourir d’amour ») qui évoque la passivité, l’indifférence, alors qu’il n’en est rien. Il s’agit plutôt d’impuissance.

Comme BRENTANO, mais dans une moindre mesure, toutefois, Guillaume APOLLINAIRE utilise des termes liés à la magie pour décrire l’effet que la Lorelei produit sur les hommes :
« sorcière » (vers 1)
« magicien » (vers 6)
« sorcellerie » (vers 6 et 10)
« ensorcelé » (vers 12)

Parallèlement, il emploie de nombreux termes liés à la religion, comme BRENTANO le fait d’ailleurs déjà dans sa ballade :
« évêque » (vers 3, 8, 13, 21)
« absolvit » (vers4)
« maudits » (vers 7)
« Priez » (vers 13)
« Vierge » (vers 13, 30)
« Dieu » (vers 14)
« couvent » (vers 22, 30)
« nonne » (vers 24)
Il est à noter qu’« absolvit » n’existe pas. Absoudre ne se conjugue pas au passé simple.

Contrairement à Clemens BRENTANO, APOLLINAIRE évoque fréquemment les yeux de la Lorelei et ceci tout au long du poème :
« Loreley aux yeux pleins de pierreries » (vers 5)
« mes yeux sont maudits » (vers 7)
« Mes yeux sont des flammes et non des pierreries » (vers 9)
« Lore aux yeux tremblants » (vers 23)
« ses yeux brillaient comme des astres » (vers 26)
« Ses yeux couleur du Rhin » (vers 38)
APOLLINAIRE oppose les pierreries, considérées comme inoffensives, au flammes destructrices. Quant à BRENTANO, il ne compare à aucun moment les yeux de la Lorelei à des pierreries.

Dans les deux poèmes, la beauté de la Lorelei est liée essentiellement à ses yeux et à ses cheveux. Sa description physique se limite à ces deux éléments.

Comme son prédécesseur, APOLLINAIRE parle d’un amour qui consume :
« flammes » (3 fois, vers 9, 10, 11)
« flambe » (vers 11)

L’auteur joue beaucoup avec les sonorités :
« riez Priez » (vers 13)

APOLLINAIRE répète à trois reprises des tournures de phrases identiques ou presque :
« Mon cœur me fait si mal » (vers 17 et 19)
« Mon cœur me fit si mal » (vers 20)
Leur répétition fait penser à un triple écho. Juste après viennent les « trois » chevaliers. BRENTANO évoquait également dans sa ballade un écho qui se répétait trois fois, alors que dans Rheinmärchen, il se répétait sept fois, comme dans la réalité.

Vers la fin, le poète parle de la folie de la jeune femme, alors que BRENTANO n’insiste pas autant sur ce fait :
« cette femme en démence » (vers 22)
« Va-t’en Lore en folie » (vers 23)
Lorsqu’elle affirme que son amant l’appelle, la Lorelei a très probablement une hallucination.

Le vers :
« Tu seras une nonne vêtue de noir et blanc » (vers 24)
Trouve son écho dans :
« Puis j’irais au couvent des vierges et des veuves » (vers 30)
« noir » est lié à « veuves » et « blanc » à « vierges ».

Les deux vers suivants sont des éléments clés du poème :
« Si je me regardais il faudrait que j’en meure » (vers 18)
« Elle se penche alors et tombe dans le Rhin
Pour avoir vu dans l’eau la belle Loreley » (vers 36 et 37)
La véritable cause de sa mort n’est pas la noyade, mais le fait d’avoir vu son reflet dans l’eau. On peut penser à Narcisse qui se laisse dépérir après avoir vu son image. BRENTANO avait utilisé le même procédé (l’allusion à l’issue fatale) dans sa ballade.

Le phénomène d’écho qui se manifeste au niveau du célèbre rocher est rendu ici par des mots ou des sonorités qui renvoient les uns aux autres tout au long du poème.

Illustration : Emil KRUPA-KRUPINSKI (1872-1924), Lorelei, 1899

Rachel GIBERT, pour la réunion du 21 septembre 2008

LORELEI - Partie 3/5

Publié le 25/10/2008 à 12:00 par arcaneslyriques
LORELEI - Partie 3/5
La Lorelei à travers plusieurs poèmes allemands et français des 19e et 20e siècles

Partie 3/5 - Le fantôme

Heinrich HEINE (1797-1856) est un célèbre poète et journaliste allemand de confession juive né à Düsseldorf.

En 1827, il publia le Buch der Lieder (Die Heimkehr, II), où il reprend le personnage créé par BRENTANO et lui fait prendre une nouvelle direction. Cette Lorelei fait partie des plus célèbres :

Ich weiß nicht was soll es bedeuten

Ich weiß nicht was soll es bedeuten,
Daß ich so traurig bin;
Ein Märchen aus alten Zeiten,
Das kommt mir nicht aus dem Sinn.

Die Luft ist kühl und es dunkelt,
Und ruhig fließt der Rhein;
Der Gipfel des Berges funkelt
Im Abendsonnenschein.

Die schönste Jungfrau sitzet
Dort oben wunderbar;
Ihr goldnes Geschmeide blitzet,
Sie kämmt ihr goldenes Haar.

Sie kämmt es mit goldenem Kamme
Und singt ein Lied dabei;
Das hat eine wundersame,
Gewaltige Melodei.

Den Schiffer im kleinen Schiffe
Ergreift es mit wildem Weh;
Er schaut nicht die Felsenriffe,
Er schaut nur hinauf in die Höh.

Ich glaube, die Wellen verschlingen
Am Ende Schiffer und Kahn;
Und das hat mit ihrem Singen
Die Lore-Ley getan.
***

Mon Cœur, pourquoi ces noirs présages ?
Je suis triste à mourir.
Une histoire des anciens âges
Hante mon Souvenir.

Déjà l’air fraîchit, le soir tombe,
Sur le Rhin, flot grondant ;
Seul, un haut rocher qui surplombe
Brille aux feux du couchant.

Là-haut, des nymphes la plus belle,
Assise, rêve encore ;
Sa main, où la bague étincelle,
Peigne ses cheveux d’or.

Le peigne est magique. Elle chante,
Timbre étrange et vainqueur,
Tremblez fuyez ! la voix touchante
Ensorcelle le cœur.

Dans sa barque, l’homme qui passe,
Pris d’un soudain transport,
Sans le voir, les yeux dans l’espace,
Vient sur l’écueil de mort.

L’écueil brise, le gouffre enserre,
La nacelle est noyée,
Et voila le mal que peut faire
Loreley sur son rocher.
***

Remarque : le poème en français n’est pas une traduction littérale. Il semblerait qu’elle soit également de l’auteur.

Ich weiß nicht was soll es bedeuten a été mis en musique par Friedrich SILCHER (1789-1860).

Le poème se compose de vingt-quatre vers répartis en six quatrains. Les rimes sont croisées. La forme est assez proche de celle de la ballade du Godwi de BRENTANO : il s’agit également de quatrains, les rimes sont croisées et les vers sont de longueur similaire.

Première strophe : état d’esprit du narrateur

Je ne sais pas pourquoi,
Je suis si triste ;
Un conte des temps anciens,
Ne sort pas de mon esprit.

L’auteur est mélancolique, état d’esprit romantique par excellence. L’histoire de la Lorelei est assimilée à un conte des anciens temps, alors qu’elle n’a à l’époque que 26 ans. Ceci contribue à l’ancrer dans la légende.

Deuxième strophe : description du paysage

L’air est frais et il commence à faire sombre,
Et le Rhin coule tranquillement ;
Le sommet de la montagne étincelle
Dans le soleil couchant.

Les sens sont ici mis à contribution : le toucher, avec la température de l’air, la vue, l’ouïe, avec le bruit de l’eau du Rhin. Tout semble paisible.

Troisième strophe : description physique de la Lorelei

La plus belle des vierges est assise
La-haut, merveilleuse ;
Sa parure de bijoux en or étincèle,
Elle peigne ses cheveux d’or.

L’auteur décrit la beauté de la Lorelei avec des termes forts (« die schönste Jungfrau », la plus belle des vierges, « wunderbar », merveilleuse) et insiste sur l’or (« goldnes Geschmeide », parure de bijoux en or, « goldenes Haar », cheveux d’or).

Quatrième strophe : évocation de son chant

Elle les peigne avec un peigne en or
En chantant une chanson ;
Qui a une étrange,
Et puissante mélodie.

L’or apparaît encore (« goldenem Kamme », peigne en or). L’auteur parle de son chant, dont on peut deviner par les termes employés qu’il a des pouvoirs surnaturels.

Cinquième strophe : apparition du batelier

Le batelier dans son petit bateau
En est pris d’une douleur brutale ;
Il ne regarde pas les récifs,
Il ne regarde que vers là-haut dans les hauteurs.

L’effet du chant sur le batelier ressemble à un envoûtement. Alors que jusque-là tout avait l’air serein, apparaît la violence, avec « wildem Weh » (wild : sauvage ; Weh : douleur).

Sixième strophe : issue fatale

Je crois que les vagues engloutissent
A la fin batelier et barque ;
Et voilà ce qu’avec son chant
La Lore-Ley a fait.

Le courant entraîne le bateau qui s’échoue contre les récifs et le batelier meurt noyé. La Lorelei est considérée comme responsable de sa mort.

Les termes utilisés pour décrire la Lorelei sont proche de ceux employés pour parler du soleil :
« funkelt » étinceler, briller, lié au soleil
« blitzet » étinceler, luire, associé à la Lorelei
L’or, couleur du soleil, est évoqué pour dépeindre la Lorelei :
« goldnes Geschmeide », parure de bijoux en or, « goldenes Haar », cheveux d’or « goldenem Kamme », peigne en or
Cette analogie entre le soleil et la Lorelei est renforcée par le fait que la Lorelei est assise en hauteur, face au soleil couchant. L’auteur donne d’elle une impression de grandeur, non seulement du fait de sa position élevée, mais aussi en décrivant les bateaux comme étant petits.

La beauté est ici à la fois attirante et dangereuse, tout comme la nature. Ceci est également une caractéristique du romantisme allemand.

En ce qui concerne les sources d’inspiration, la Lorelei de HEINE se rapproche des sirènes, car elle ensorcelle les navigateurs par son chant et cause leur noyade. Comme BRENTANO, HEINE puise dans les Métamorphoses d’Ovide et plus particulièrement dans le mythe de Narcisse : la Lorelei peut être considérée comme narcissique, car elle passe son temps à se peigner.

On peut penser que cette Lorelei, que semble peu touchée par le monde extérieur, est le fantôme de celle du Godwi de BRENTANO, revenue sur les lieux de sa mort pour y guetter le retour de son amant.

Illustration : Johan KÖLER (1826-1899), Lorelei needmine munkade poolt, 1887

Rachel GIBERT, pour la réunion du 21 septembre 2008

LA LORELEI - Partie 2/5

Publié le 18/10/2008 à 12:00 par arcaneslyriques
LA LORELEI - Partie 2/5
La Lorelei à travers plusieurs poèmes allemands et français des 19e et 20e siècles

Partie 2/5 - Vers le symbole national

Après avoir créé le personnage de la Lorelei dans une ballade de son roman Godwi, Clemens BRENTANO (1778-1842) l’a repris pour en développer plusieurs variantes. Par exemple, en 1810, dans Rheinmärchen (contes du Rhin), il a évoqué un personnage prénommé Lureley :

Rechts von dem Bette des Vaters Rhein und gerade in der Mitte des Bodens war eine große und runde Öffnung mit einem goldenen Gitter umgeben; es führten Stufen hinab, und unten sah man rings eine Menge Bogengänge nach allen Seiten hin laufen, aus deren jedem ein anderer Glanz herausschimmerte: grün, rot, blau, gelb, violett, kurz alle möglichen Farben, und als die Nymphen den alten Wassermann fragten, woher dieser wunderbare Schimmer komme, sagte er:

An diesem wunderbaren Ort,
Da ruht der Nibelungen Hort;
Um ihn geschah wohl mancher Mord;
Hier liegen Schilder, Helm und Ringe,
Manch goldnes Heft, manch gute Klinge,
Kleinode und viel andre Dinge,
Der Frauen Zier, der Helden Wehr
Ruht da, viel tausend Zentner schwer,
Und streut das bunte Licht umher.
[...]

Die sieben Bogengänge führen
Zu sieben reinen goldnen Türen,
Die sieben Treppen dann berühren.

Und diese Treppen auf sich winden,
Bis sie in einem Saal verschwinden,
Dem sieben Kammern sich verbinden.

Im Saal auf siebenfachen Thronen
Sitzt Lureley mit sieben Kronen,
Rings ihre sieben Töchter wohnen.

Frau Lureley, die Zauberinne,
Ist schönes Leibs und kluger Sinne,
Hoch hebt sich ihres Schlosses Zinne.

Von innen aus der Maßen fein,
Von außen schroff ein Felsenstein,
Umbrauset von dem wilden Rhein.

Sie ist die Hüterin vom Hort,
Sie lauscht und horchet immerfort,
Und höret sie ein lautes Wort,
Singt, tut ein Schiffer einen Schrei,
So ruft die Töchter sie herbei,
Und siebenfach schallt das Geschrei
Zum Zeichen, daß sie wachsam sei.

"Das ist recht wunderbar", sagte der Weiße Main, - "ich will dich aber nicht fragen, wer die Frau Lureley eigentlich ist, und warum sie alles siebenfach hat, und wie sie zu dem Wächteramt gekommen; du möchtest mich wieder zu deinen vier weisen Meistern schicken." - "Ach!" sagte der Wassermann, "die wissen auch gar nichts von ihr; Frau Lureley ist viel älter als diese Herren, obschon jeder von ihnen ein paar hundert Jahre älter ist als der andere. Frau Lureley ist eine Tochter der Phantasie, welches eine berühmte Eigenschaft ist, die bei Erschaffung der Welt mitarbeitete und das allerbeste dabei tat; als sie unter der Arbeit ein schönes Lied sang, hörte sie es immer wiederholen und fand endlich den Widerhall, einen schönen Jüngling, in einem Felsen sitzen, mit dem sie sich verheiratete und mit ihm die Frau Lureley zeugte; sie hatten auch viele andere Kinder, zum Beispiel: die Echo, den Akkord, den Reim, deren Nachkommen sich noch auf der Welt herumtreiben. Doch das wird euch Frau Lureley selbst erzählen, und zwar siebenmal, wenn ihr sie darum fragt."
***

La Lurelei est ici la gardienne pluriséculaire de l’antre des Nibelungen, des nains qui possédaient de grandes richesses, dans les légendes germaniques. Son chant sert à donner l’alerte si quelqu’un approche du trésor.

Première partie

Le premier paragraphe est en prose. L’auteur décrit ce qui semble être, sur la rive droite du Rhin, la grande entrée ronde d’une mine, entourée d’une clôture en or et dans les profondeurs de laquelle s’enfonce un escalier. Des rayons de lumières de toutes les couleurs en sortent. Les nymphes demandent au vieux porteur d’eau (Verseau) d’où viennent ces lueurs, il répond en vers.

Deuxième partie

Il s'agit d'un poème. Le porteur d’eau explique qu’à cet endroit se trouve le refuge des Nibelungen, théâtre de nombreuses morts, où gisent boucliers, casques, épées, bijoux, etc. C’est de là que jaillit la lumière multicolore.

Ensuite, le narrateur détaille le décor, de l’entrée de la mine à la salle où est assise la Lureley.

C’est dans ce passage que le chiffre sept a le plus d’importance :
« sieben Bogengängen » sept arcades
« sieben reinen goldnen Türen » sept portes en or pur
« sieben Treppen » sept escaliers
« sieben Kammern » sept pièces
« siebenfachen Thronen » sept trônes
« sieben Kronen » sept couronnes
« sieben Töchter » sept filles (de la Lureley)
« siebenfach schallt das Geschrei » le cri résonne sept fois

Lorsque l’auteur évoque la Lurelei, c’est le terme « Zauberinne » (magicienne) qu’il emploie, comme dans la balade de Godwi. Il la décrit comme belle et intelligente.

La Lurelei est la gardienne des lieux et elle est à l’affût de tout bruit suspect. Dès qu’elle entend quelque chose, elle chante, ce qui fait pousser un cri au batelier, puis elle appelle ses filles. Le cri s’élève sept fois, pour montrer qu’elle est sur le qui-vive.

Troisième partie

Le dernier paragraphe est en prose. Il s’agit d’un dialogue.

L’une des nymphes dit au porteur d’eau qu’elle ne veut pas lui demander qui est vraiment la Lureley ni pourquoi elle a tout en sept exemplaires ni comment elle est devenue la gardienne des lieux, car elle suppose qu’il voudrait encore l’envoyer chez les quatre maîtres sages (qui ont probablement toujours réponse à tout). Le porteur d’eau répond que les maîtres ne savent rien d’elle non plus. La Lureley est bien plus âgée qu’eux, bien que chacun d’eux ait plusieurs centaines d’années de plus que l’autre.

Le porteur d’eau ajoute que la Lureley a participé à la création du monde et qu’elle a fait de son mieux. Lorsqu’elle chantait une belle chanson en travaillant, elle entendait toujours quelqu’un la répéter et trouva enfin la source de l’écho : un beau jeune garçon assis sur un rocher. Elle se maria avec lui et ils eurent beaucoup d’enfants, dont l’Echo, l’Accord, la Rime, dont les descendants vagabondent encore aujourd’hui à travers le monde.

Le porteur achève la discussion en disant que cela aussi, la Lureley le racontera elle-même, et ce sept fois, si la nymphe le lui demande.

Dans le texte, le chiffre sept revient, comme on l’a vu, à de très nombreuses reprises.

De plus, lorsqu’on regarde la forme du poème de plus près, on remarque que :

- Le poème comporte deux strophes longues, une de neuf vers au début du poème et une de sept vers à la fin. Ils encadrent cinq tercets : il y a en tout sept strophes, dont une de sept vers.
- Tout au long du poème, trois vers consécutifs riment entre eux, sauf pour les quatre derniers qui riment entre eux. Le nombre de vers qui riment entre eux est égal à 3 + 4 = 7…

Le chiffre sept est un symbole très fort depuis l’Antiquité (les sept merveilles du monde antique, etc.). Il intervient à de nombreuses reprises dans les religions, mais également dans les contes (Blanche-Neige et les sept nains, les bottes de sept lieux), etc. Utiliser le chiffre sept contribue ici à faire d’office de la Lurelei un personnage de légende.

Il ne faut pas oublier non plus que l’écho du rocher de la Loreley se répète sept fois.

Dans la ballade du Godwi de BRENTANO et, comme on verra plus tard, dans le poème D’APOLLINAIRE, c’est plutôt le chiffre trois qui se répète.

La Lureley est une femme éternelle au caractère fort : elle est l’opposé de la Lore Ley de la ballade du Godwi de BRENTANO. En la faisant entrer dans le panthéon de la mythologie germanique, au côtés des Nibelungen et de Siegfried, l’auteur fait d’elle une héroïne nationale.

Illustration : Eduard Jakob von Steinle (1810-1886), Die Lorelei, 1864

Rachel GIBERT, pour la réunion du 21 septembre 2008

LA LORELEI

Publié le 04/10/2008 à 12:00 par arcaneslyriques
LA LORELEI
La Lorelei à travers plusieurs poèmes allemands et français des 19e et 20e siècles

Partie 1/5 - La naissance du mythe

Le mythe de la Lorelei ne date que du 19e siècle et c’est au poète romantique allemand Clemens Brentano (1778-1842) que l’on doit la création de ce personnage. Il lui a été inspiré par le rocher de la Lorelei, nom qui signifie à peu près « rocher de l’écho ». Celui-ci se trouve sur une portion du Rhin, longue de 65 km, qui se situe entre Bingen et Coblence (en Allemagne) et qu’on appelle aujourd’hui le « Rhin romantique ». La Lorelei est une avancée schisteuse de 132 mètres de haut. Le Rhin forme, en la contournant, un coude où le courant est particulièrement dangereux, si bien que, pendant longtemps, les bateaux se brisèrent contre les falaises. Ces accidents donnèrent au rocher une funeste réputation. Un écho y était audible autrefois, lorsque les activités fluviales étaient moins bruyantes. Le son se répèterait sept fois.

Pour en revenir au personnage, c’est en 1801 que Brentano a évoqué une femme nommée Lore Lay, dans une ballade de son roman Godwi (Sechs und dreißigstes Kapitel) :

Zu Bacharach am Rheine

Zu Bacharach am Rheine
Wohnt eine Zauberin,
Sie war so schön und feine
Und riß viel Herzen hin.

Und brachte viel zu schanden
Der Männer rings umher,
Aus ihren Liebesbanden
War keine Rettung mehr.

Der Bischoff ließ sie laden
Vor geistliche Gewalt –
Und mußte sie begnaden,
So schön war ihr' Gestalt.

Er sprach zu ihr gerühret:
»Du arme Lore Lay!
Wer hat dich denn verführet
Zu böser Zauberei?«

»Herr Bischoff laßt mich sterben,
Ich bin des Lebens müd,
Weil jeder muß verderben,
Der meine Augen sieht.

Die Augen sind zwei Flammen,
Mein Arm ein Zauberstab –
O legt mich in die Flammen!
O brechet mir den Stab!«

»Ich kann dich nicht verdammen,
Bis du mir erst bekennt,
Warum in diesen Flammen
Mein eigen Herz schon brennt.

Den Stab kann ich nicht brechen,
Du schöne Lore Lay!
Ich müßte dann zerbrechen
Mein eigen Herz entzwei.«

»Herr Bischoff mit mir Armen
Treibt nicht so bösen Spott,
Und bittet um Erbarmen,
Für mich den lieben Gott.

Ich darf nicht länger leben,
Ich liebe keinen mehr –
Den Tod sollt Ihr mir geben,
Drum kam ich zu Euch her. –

Mein Schatz hat mich betrogen,
Hat sich von mir gewandt,
Ist fort von hier gezogen,
Fort in ein fremdes Land.

Die Augen sanft und wilde,
Die Wangen roth und weiß,
Die Worte still und milde
Das ist mein Zauberkreis.

Ich selbst muß drinn verderben,
Das Herz thut mir so weh,
Vor Schmerzen möcht ich sterben,
Wenn ich mein Bildniß seh.

Drum laßt mein Recht mich finden,
Mich sterben, wie ein Christ,
Denn alles muß verschwinden,
Weil er nicht bey mir ist.«

Drei Ritter läßt er holen:
»Bringt sie ins Kloster hin,
Geh Lore! – Gott befohlen
Sey dein berückter Sinn.

Du sollst ein Nönnchen werden,
Ein Nönnchen schwarz und weiß,
Bereite dich auf Erden
Zu deines Todes Reis'.«

Zum Kloster sie nun ritten,
Die Ritter alle drei,
Und traurig in der Mitten
Die schöne Lore Lay.

»O Ritter laßt mich gehen,
Auf diesen Felsen groß,
Ich will noch einmal sehen
Nach meines Lieben Schloß.

Ich will noch einmal sehen
Wol in den tiefen Rhein,
Und dann ins Kloster gehen
Und Gottes Jungfrau seyn.«

Der Felsen ist so jähe,
So steil ist seine Wand,
Doch klimmt sie in die Höhe,
Bis daß sie oben stand.

Es binden die drei Ritter,
Die Rosse unten an,
Und klettern immer weiter,
Zum Felsen auch hinan.

Die Jungfrau sprach: »da gehet
Ein Schifflein auf dem Rhein,
Der in dem Schifflein stehet,
Der soll mein Liebster seyn.

Mein Herz wird mir so munter,
Er muß mein Liebster seyn!« –
Da lehnt sie sich hinunter
Und stürzet in den Rhein.

Die Ritter mußten sterben,
Sie konnten nicht hinab,
Sie mußten all verderben,
Ohn Priester und ohn Grab.

Wer hat dies Lied gesungen?
Ein Schiffer auf dem Rhein,
Und immer hats geklungen
Von dem drei Ritterstein. Bei Bacharach steht dieser Felsen, Lore Lay genannt, alle vorbeifahrende Schiffer rufen ihn an, und freuen sich des vielfachen Echos.

Lore Lay
Lore Lay
Lore Lay

Als wären es meiner drei.

***


Se croyant victime d’une malédiction, car tous les hommes tombent amoureux d’elle jusqu’à en périr, Lore Lay ne souhaite rien d’autre que mourir. De plus, elle se sent trahie par son amant qui est parti dans un pays lointain et qui ne l’aime pas. L’évêque n’est quant à lui pas insensible à son charme. Plutôt que de la condamner, il préférerait la voir entrer au couvent. Trois chevaliers doivent l’y conduire. Mais, en chemin, elle demande à son escorte de la laisser grimper en haut d’un rocher, afin de pouvoir contempler une dernière fois le château de son amant. C’est alors qu’elle voit une barque sur le fleuve. Elle est persuadée que son amant en est le passager. Transportée de joie, ne sachant plus vraiment ce qu’elle fait, elle se jette dans les flots, sans que les chevaliers, ralentis par leurs montures, puissent la rattraper.

Tout au long du poème, la malchance de la Lorelei est évoquée par des termes qui sont propres au domaine de la magie : « Zauberin » (la magicienne), « böser Zauberei » (la mauvaise magie), « Zauberstab » (la baguette magique), « Zauber Kreis » (le cercle magique). En contrepartie, d’autres mots font allusion à la religion (« Bischoff » (l’évêque), « Gott » (Dieu), « Christ », Kloster (le couvent), Nönnchen (la petite nonne), Gottes Jungfrau (la vierge de Dieu). Ce n’est finalement pas la religion qui est le remède aux maux de la Lorelei, mais la mort.

Le feu, qui symbolise la passion destructrice, est évoqué à travers plusieurs termes : « Flammen » (flammes), utilisé 3 fois et « brennt » (brûle).

L’issue finale est en fait prévisible :
« Weil jeder muß verderben,
Der meine Augen sieht. » (parce que celui qui voit mes yeux doit se précipiter dans l’abîme)
« Vor Schmerzen möcht ich sterben,
Wenn ich mein Bildniß seh. » (je voudrais mourir de douleur en voyant mon image)
« Ich will noch einmal sehen
Wol in den tiefen Rhein, » (je veux encore une fois voir dans les profondeurs du Rhin)

Le chiffre trois apparaît très fréquemment dans le poème : certains termes sont répétés trois fois (« Flammen » (flammes), « verderben » (s’abîmer)), les chevaliers de l’escorte sont trois et l’écho, que Brentano évoque à la fin, se répète trois fois. Le chiffre trois a de tout temps été un symbole très puissant ; ici, il peut être rapproché de la magie autant que de la religion.

Brentano s’est inspiré des Métamorphoses d’Ovide et notamment du mythe d’Echo (Echo tombe amoureuse de Narcisse, mais celui-ci la reçoit avec mépris. Le cœur brisé, elle s’enfuit dans une grotte où, solitaire, elle se laisse dépérir. Elle maigrit jusqu’à disparaître et seule sa voix demeure. Ainsi naît le phénomène de l’écho).

Il a également utilisé le mythe de Narcisse (Narcisse se voit dans l’eau de source et tombe amoureux de sa propre image. Ne pouvant atteindre son reflet, il reste à côté de la source et se laisse dépérir).

Un autre version de ce poème, qui a pour titre Loreley, est présente dans le recueil Gedichte, paru en 1854, après la mort de l’auteur.

Illustration : Carl Joseph BEGAS, (1794-1854), Die Lorelei, 1835

Rachel Gibert pour la réunion du 21 septembre 2008

LE CORBEAU

Publié le 18/06/2008 à 12:00 par arcaneslyriques
LE CORBEAU
LE CORBEAU


Depuis de nombreux siècles, le Corbeau englobant aussi les corneilles noires et grises, est au cœur de toutes les superstitions et croyances. Surnommé « Oiseau de malheur » ou « messager de la mort » cet animal est loin de laisser indifférent. Aussi, pourrait-on se demander pourquoi cet oiseau est connoté d’une manière si négative ?
Serait-ce seulement la couleur de son plumage qui lui donnerait mauvaise augure ? Peut-être, mais originellement il est important de savoir que dans la mythologie grecque il est stipulé qu’au départ son plumage était blanc mais qu’un jour Apollon décida de le punir de ses indiscrétions en transformant la blancheur de ses plumes par une noirceur prononcée.
On dit aussi que son chant, décrit comme « étranglé » et très désagréable à l’oreille, aurait la particularité d’annoncer les tragédies à venir. Son cri « Croâ, Croâ… » signifie même « demain, demain… » en latin révélant le fait qu’il connaisse l’avenir et qu’il a cette possibilité de décider de l’annoncer ou de le taire car c’est l’un des seuls oiseaux qui a le privilège de comprendre la signification de ses propres augures. Ainsi on a souvent reproché au corbeau dans le Christianisme primitif de n’avoir pas averti Noé de la fin du déluge.
Le fait qu’il se nourrisse de charogne, de gibier de potence et qu’il néglige volontairement ses petits contribua aussi à lui donner une réputation d’oiseau de malheur qui annonce la maladie, la guerre et la mort. A ce sujet, on a recensé d’immenses et incessants vols de corbeaux en France en 1551, en 1562 et en 1563, vols qui furent suivis par des épidémies de peste. Ses petits portent d’ailleurs le nom de Corbillats qui est facilement assimilable au nom de « corbillard » le véhicule mortuaire.

Mais selon les époques et les civilisations, la symbolique du corbeau ne cesse de changer faisant de lui un animal tantôt rusé et efficace tantôt malfaisant et dangereux. Par exemple, d’une façon plus positive, ce furent deux corbeaux qui indiquèrent à Alexandre Le Grand le chemin du sanctuaire d’Amon car avant tout le corbeau a ce rôle de messager.
Dans la mythologie nord-germanique, deux corbeaux appelés Hugi ( la pensée) et Munin (le souvenir) étaient les compagnons d’Odin qu’ils informaient de tous les événements qui se produisaient sur terre.
L’ancienne Chine considérait le corbeau a trois pattes comme l’animal du soleil car d’après la légende dix de ces oiseaux auraient autrefois répandu une chaleur insupportable sur terre jusqu’à ce qu’un archer en abatte neuf et arrive ainsi à réguler la chaleur.
Un corbeau rouge fut d’autre part le symbole des empereurs jusqu’à la dynastie Chou (256 av J-C) dont les membres se considéraient eux-mêmes comme les égaux du soleil. La déesse des fées, Hsi-Wang-Mu avait des corbeaux pour messagers qui lui apportaient également sa nourriture tandis que de nombreux indiens d’Amérique du nord identifiaient le corbeau à une figure de l’être suprême.
En Angleterre, on dit que lorsque les corbeaux disparaîtront de la Tour de Londres viendra la fin de l’actuelle dynastie royale. C’est pourquoi les gardiens de la tour nourrissent si généreusement les oiseaux. De plus, ils veillent soigneusement à ce que tout corbeau mort soit remplacé. Les anglais croient aussi que le roi Arthur survole de temps en temps son ancien royaume sous la forme d’un corbeau, aussi faut-il veiller à ne pas tuer l’un de ces oiseaux que ce soit par inadvertance ou malveillance.

En Inde, le Mahâbhârata assimile les corbeaux à des messagers de la mort alors qu’en Russie les corneilles qui volent la nuit sont assimilées à des sorcières. Tandis qu’en Afrique noire le corbeau sert à prévenir les hommes des dangers qui les menacent. Il est donc leur guide et symbolise un esprit protecteur.

Dans les légendes ukrainiennes rapportées par saint Golowin on disait que les corbeaux étaient pourvus au paradis de plumes multicolores mais qu’après la chute d’Adam et Eve ils commencèrent à se nourrir de charogne ainsi leur plumage devint noir. Ce n’est qu’à la fin des temps, dans un paradis nouveau, qu’ils pourront retrouver leur beauté perdue et que leur croassement se transformera en un chant harmonieux conçu pour célébrer Dieu.
La croyance populaire considère également le Corbeau comme un voleur c’est pourquoi en Islande on ne permet pas aux enfants d’utiliser les tiges des plumes de corbeaux en guise de pailles car cela les inclinerait au vol.

Les légendes celtiques, elles aussi, regorgent de corbeaux qui jouent principalement des rôles prophétiques. Par exemple, la Déesse celte de la guerre Morrigan ainsi que le Dieu Lug sont des Dieux toujours accompagnés de corbeaux. En Irlande, le nom de la Déesse Bodb veut dire « corneille ». Lorsqu’il s’agit de femmes entourées de corbeaux ce sont toujours des représentantes de la guerre et/ou de la mort. Chez les Celtes, le nom même de corbeau est sacré et signifie le déchirement de la chair dans les combats. Comme il se nourrit de charogne la poésie galloise utilise la métaphore « le corbeau t’a percé » pour signifier « tu es mort ». Comme les Celtes pensaient que les corbeaux accompagnaient le soleil dans sa course nocturne c’est à dire aux enfers ils représentaient donc l’emblème du mal.

Dans la symbolique alchimique, cet oiseau représente la materia prima noircie qui conduit à la pierre philosophale, il est alors représenté avec une tête blanche (signe de la purification qu’on attend de la transformation alchimique.)
Le corbeau est aussi présent dans l’art héraldique depuis le Moyen-Age : il apparaît entre autre dans les armes de la famille Corbet et de la famille Biron.

Le corbeau tout comme d’autres animaux dont le loup n’a acquis une symbolique négative que récemment et quasi uniquement en Europe. Vu en rêve, il est censé être un oiseau de mauvaise augure et les romantiques voient en lui l’oiseau noir qui vole au-dessus des champs de bataille pour se nourrir de cadavres.
D’un point de vue psychologique, il est le symbole de la solitude, de la retraite volontaire c’est à dire de l’isolement destiné à atteindre un niveau de conscience supérieur à la tristesse et le malheur. Symbolisant tout de même le côté noir de la psyché, il est pourtant susceptible de se transformer et de devenir bénéfique dès lors que la personne a pris conscience de ce versant et tenté de l’intégrer à la lumière de sa conscience.

Outre son aspect superstitieux et légendaire, le 20ème siècle en a également fait un terrible dénonciateur anonyme qui au moyen de lettres scandaleuses et compromettantes sème la terreur dans de nombreux villages. Mais d’où vient cette expression ? Comment s’est-elle colportée ?
En fait cette expression s’est diffusée suite au film « Le Corbeau » de H-G Clouzot en 1943. Il raconte l’histoire de notables de saint-Robin qui reçoivent des lettres anonymes signées le Corbeau dont le contenu est calomnieux. Les accusations se portent régulièrement sur le docteur Rémi Germain ainsi que sur d’autres personnes de la ville. Les choses se compliquent lorsque l’un des patients du docteur Germain se suicide à la suite d’une lettre qui lui aurait révélé qu’il ne survivrait pas à la maladie. Le docteur Germain démarre ainsi son enquête pour découvrir la personnalité de ce mystérieux corbeau.
Le film fut interdit à la Libération car à travers la lettre anonyme on ne pouvait s’empêcher de penser à la délation des années 40. De plus, la noirceur du film est telle qu’il fait penser à des films comme « M Le Maudit » et « Furie » de Fritz Lang. Et puis surtout il renvoie à un fait divers bien réel. En effet, de 1917 à 1922 une épidémie de lettres anonymes s’est abattue sur la ville de Tulle. Glissés dans les paniers, abandonnés sur les trottoirs, les rebords des fenêtres et jusque sur les bancs des églises ces centaines de courriers dénonçaient l’infidélité des uns, la mauvaise conduite des autres… si bien qu’un climat de suspicion intense rôdait sur la ville. Quand un greffier de la préfecture, troublé par la réception d’une lettre anonyme perd la raison et meurt au cours d’une crise de démence l’enquête policière s’accélère et la presse nationale se précipite à Tulle. C’est finalement une dictée collective qui permettra d’identifier le coupable. L’auteur des lettres anonymes signait « l’œil du tigre » et non par un dessin de corbeau comme dans le film de Clouzot mais c’est la remarque d’un journaliste du journal « Le Matin » qui écrivit dans son édition du 5 décembre 1922 que la coupable « était là, petite, un peu boulotte, un peu tassée, semblable sous ses vêtements de deuil à un pauvre oiseau qui a reployé ses ailes » qui fit immédiatement penser à l’allure du Corbeau bien que le terme ne fut pas prononcé. Clouzot choisit donc ce terme pour son film, cet oiseau de mauvaise augure et depuis l’expression n’a cessé de se répandre.

Il existe un corpus impressionnant de dictons, proverbes, contes et légendes, poésies populaires ou d’auteurs parlant du corbeau. Passant par la fameuse Fable du « corbeau et du renard » à la malédiction des « sept corbeaux » des Frères Grimm tout en étant l’hôte privilégié des ruines et châteaux hantés dans l’univers de la Bande-dessinée, cet animal n’a jamais cessé de nous surprendre. Parmi les œuvres les plus célèbres qui évoquent de près ou de loin les corbeaux on peut citer « The Raven », ce poème en prose de l’écrivain américain Edgar Allan Poe qui compte parmi les textes les plus forts de ce poète établissant sa réputation dans son pays et en Angleterre. Il paraît pour la première fois le 29 janvier 1845 dans le New York Evening Mirror. D’une grande musicalité et à l’atmosphère chargée et irréelle le poème raconte l’histoire d’une mystérieuse visite que reçoit le narrateur, celle d’un corbeau perché en haut de sa porte répétant inlassablement « Jamais plus ». Le poème fut traduit en français en deux versions l’une de Charles Baudelaire et l’autre de Stéphane Mallarmé.

Ce poème inspira ensuite le cinéma où l’on peut citer au moins deux films qui le mettent en scène : « The Raven » de l’américain Lew Landers en 1935. C’est un film fantastique qui se déroule au 15ème siècle en Angleterre et où le docteur Craven, qui vit reclus depuis la mort de sa femme, reçoit la visite de son confrère Bedlo transformé en corbeau par le magicien Scarabus.
Et le film « Raven » de l’américain Roger Corman sorti en 1963 qui reprend les thèmes essentiels du précédent.

Un autre film, beaucoup plus célèbre, vient venir rendre hommage au corbeau. Il s’agit de « The Crow » film américain réalisé par Alex Proyas et sorti en 1994. L’histoire raconte les destins tourmentés d’Eric Draven et de sa fiancée Shelly Webster qui la veille de leur mariage vont être assassinés dans leur appartement par un gang. Un an plus tard Eric est ramené à la vie par un corbeau. Ce dernier l’aidera alors à se venger afin que l’âme d’Eric puisse enfin trouver le repos. Très vite ce film devient culte en raison notamment de la similitude entre les destins tragiques d’Eric Draven et de son interprète Brandon Lee lui-même. En effet, lors du tournage, l’acteur principal trouve la mort accidentellement. Le réalisateur sera donc obligé de recourir à des techniques utilisant la numérisation afin de terminer le film en l’absence de Brandon Lee.
Adapté du Comics du même nom créé par James O’Barr The Crow réussit à conter une histoire d’amour dont même la mort ne parvient pas à mettre un terme. Le film devient ainsi une référence majeure pour le milieu gothique qui apprécie son esthétisme et son romantisme.

Ainsi, de toutes ces illustrations faites du Corbeau, que ce soit dans les légendes moyenâgeuses de nos campagnes ou dans les films d’épouvante, celui-ci ne laisse jamais indifférent car il est à la fois : Sage et stratège, goulu et imprévisible, devin et menteur, réveillé et étonné, entreprenant et lâche, guide et passeur, amical et vengeur…autant de contradictions où l’homme peut finalement se reconnaître.


Odéliane, pour la réunion du 07/06/08.


Illustration : Ana Cruz.

LE LORIALET

Publié le 23/04/2008 à 12:00 par arcaneslyriques
LE LORIALET
LE LORIALET


Le lorialet est un être surnaturel issu de la Mythologie européenne. Il est souvent décrit comme un enfant né de l’union d’une femme et d’un rayon de la lune, ou bien de celle d’un homme et de la lune incarnée pour l’occasion dans un corps de femme. Mais il existe d’autres sources, notamment celles de la mythologie gréco-romaine, qui stipulent que le Lorialet serait le descendant de l’unique fils de Séléné et d’Endymion parti vivre sur terre.

Le lorialet est reconnaissable par sa petite taille car on dit qu’il pousse mal, par ses traits mélancoliques d’enfant toujours en quête de quelque chose. Son visage est souvent décrit comme rond et pâle, son regard est lointain et ses cheveux tout ébouriffés. Il porte des vêtements souvent peu soignés, portés de façon débraillée et négligée car il ne se soucie guère de son apparence. Sa durée de vie est variable, généralement il meurt avant d’atteindre l’âge adulte mais il peut tout de même atteindre ce stade à la condition qu’il s’expose suffisamment aux rayons de la lune. S’il réussit à devenir adulte son apparence vestimentaire sera soit complètement négligée soit au contraire il sera trop raffiné avec des allures de dandy mais toujours de façon exagérée et de peu de goût pour attirer sur lui les regards de la lune ou des fées. Ami de la faune et de la flore, il est souvent suivi par les vers luisants, les phalènes, les éphémères, les lucioles, les hérissons et les champignons.
Sa personnalité est complexe et empreinte d’une très forte mélancolie. Décrit comme quelqu’un de doux et de solitaire, de méditatif et de rêveur, le Lorialet ne se satisfait jamais de la terre et n’aspire qu’à retourner sur la lune qu’il considère comme son unique et véritable patrie. La plupart de ces êtres lunaires restent malheureux toute leur vie et n’arrivent jamais à connaître l’amour ou alors assez rarement. Si un Lorialet arrive à renoncer à la lune et à s’intégrer, exceptionnellement il aura la capacité de devenir un grand séducteur.

Le lorialet est doté d’un imaginaire foisonnant et en cela il sera doué pour la musique, la peinture et l’écriture de nouvelles. Il apprécie les lucarnes, les tours, les greniers, les clairières et les mares lunatiques. En fait tous les lieux de silence lui sont source d’inspiration. Poète, musicien, vagabond ou chercheur de fées ; il percevra l’invisible, le passé et l’avenir et ses sentiments pourront s’extérioriser par la pluie et le beau temps car en plus de sa nature artistique, certaines légendes très anciennes ont attribué aux lorialets des pouvoirs tempestiaires c’est à dire qu’ils influenceraient inconsciemment le temps en fonction de leur humeur et des cycles de la lune. C’est d’ailleurs de ces légendes que le terme « lunatique » a émergé pour désigner une personne qui change facilement d’humeur.

On pourrait penser que les Lorialets sont en fait une représentation des enfants rêveurs et délaissés qui ne perçoivent pas très bien la frontière entre le monde réel et imaginaire. Issus de la lune ils ne songent qu’à y retourner car aucun autre endroit sur Terre ne saurait les rassurer et les rendre heureux. En psychologie le terme de Lorialet peut être utilisé pour désigner un enfant autiste qui refuse de vivre dans la réalité. Après ce terme peut être connoté de manière plus légère pour quelqu’un qui est « toujours dans la lune » qui s’adapte mal au monde qui l’entoure et ne pouvant physiquement rejoindre la lune c’est par ses pensées qu’il va se relier à elle.

Parmi les sources écrites, le Lorialet a été pour la première fois évoqué dans les Chroniques Gargantuesques de Rabelais où celui-ci prétend qu’il s’agit d’un enfant mortel né ou conçu à la lumière de la lune, ou l’ayant regardée trop longtemps et qu’il pourrait être pourvu d’une fine pilosité nacrée et d’ailes invisibles ou simplement d’une apparence humaine. Ou pour les plus rêveurs d’entre nous on dit aussi que le Lorialet est mentionné dans le Légendaire des Astres écrit en l’an II de l’ère Elfique par Maître Herbarius.

De nos jours, la symbolique du Lorialet n’est que très peu répandue dans nos œuvres culturelles. On peut citer comme exemple le Pierrot lunaire dont l’imagerie est encore présente dans certaines chansons enfantines ou dans certains textes. L’apparence générale de Pierrot, à la fois mystérieuse et mélancolique est souvent représentée pour des figurines de collection ou pour des costumes de théâtre ou des déguisements.
La chanson « Hijo de la luna » du groupe espagnol Mecano s’en inspire également reprenant quelques légendes gitanes dans lesquelles une femme et son mari ne pouvant avoir d’enfant aurait demandé à la lune d’exaucer leurs prières. De cette demande tant espérée, la gitane aurait mis quelques mois plus tard un enfant au monde. Mais cet enfant aux yeux d’argent et ne ressemblant à aucun autre aurait semé le doute dans l’esprit de son père qui persuadé d’une infidélité de la part de sa compagne décide d’égorger celle-ci sous les yeux apeurés de l’enfant qui saura ensuite trouver refuge auprès de la lune…
La petite Ofelia, héroïne du film le « Labyrinthe de Pan » de Guillermo Del Toro pourrait aussi convenir à la définition du Lorialet par son aspect fragile, son envie d’échapper à une réalité bien trop brutale et son souhait désespéré de rejoindre le berceau originel…
Et puis aussi la série télévisée franco espagnole japonaise : « Marcelino » qui met en scène un petit garçon recueilli par des moines un soir de pleine lune et qui aura le pouvoir de parler aux animaux et donc d’en défendre la cause.

De ces quelques exemples, le Lorialet nous apparaît donc comme un être attachant, solitaire, rêveur et profondément mélancolique. Il ne recherche que la quiétude d’esprit qu’il pense retrouver auprès de sa mère ou plus généralement au sein de son essence et de ses racines. Ce pèlerinage lui est souvent difficile, douloureux et dans la plupart des cas inaccessible tout au long de cette vie terrestre qu’il refuse d’intégrer. Ainsi le Lorialet peut faire partie de la famille des artistes qualifiés de « maudits » qui ont comme lui cette frustration d’appartenir à un monde qu’ils ne comprennent pas et qu’ils n’ont pas choisi…


Odéliane.


Illustration : Natalie Shau.



LE PHENIX

Publié le 08/03/2008 à 12:00 par arcaneslyriques
LE PHENIX
Le Phénix


Le Phénix est un oiseau qui ressemble au héron et bien que celui-ci ait été longtemps vénéré par les Grecs et décrit par les conteurs de l’antiquité, c’est de l’Egypte que va provenir la légende de cette créature perçue comme le symbole de l’immortalité et de la résurrection. Son nom est issu du mot grec qui désignait la couleur rouge en référence à la légende de sa mort et de sa résurrection dans le feu purificateur.

L’origine du phénix vient donc de l’oiseau sacré égyptien Benu, un héron cendré qui fut le premier être à se poser sur la colline originelle issue du limon : il incarnait le Dieu du Soleil et était associé au cycle annuel des crues du Nil. Il était adoré à Héliopolis où on racontait qu’il n’apparaissait que tous les 500 ans.
On rapportait que le phénix ne se nourrissait que de rosée puis qu’il s’envolait alors pour des contrées étrangères où il recueillait des herbes odorantes qu’il amassait ensuite sur l’autel d’Héliopolis, afin de les embraser et de s’y réduire lui-même en cendres. Mais il renaissait trois jours plus tard pour une vie renouvelée. En effet, une fois le corps incinéré, un nouveau jeune phénix naît à partir des cendres chaudes. Après sa naissance, le jeune oiseau porte le corps calciné de son père dans un tronc creux de Myrrhe jusqu’à l’hôtel du Soleil pour être brûlé avec les plus grands soins des prêtres.

Les mythes antiques dépeignirent plus tard le phénix comme paré d’un plumage doré ou multicolore qui luit faiblement dans les ténèbres et selon les différentes descriptions qui en sont faites, les couleurs de son plumage peuvent varier du rouge feu au bleu clair en passant par l’orange, le pourpre et l’or. On peut dire que par ses couleurs royales et sa grandeur, le phénix est un oiseau très impressionnant.

A travers les différentes époques et pays, le phénix va être considéré sous différentes facettes. Ainsi, il symbolisait dans l’ancienne Rome, la force vitale et toujours renouvelée de l’Empire et c’est pourquoi il apparaissait sur les pièces de monnaie et sur les mosaïques de l’époque impériale.

Les pères de l’église le considéraient comme le symbole de l’immortalité de l’âme et de la résurrection du Christ. D’ailleurs, dans certaines crémations rituelles, le feu est aussi considéré comme véhicule ou messager du monde des vivants vers celui des morts. De même, le phénix porte souvent une étoile qui indique sa nature céleste et la vie dans l’autre monde. La religion catholique considérait que la partie terrestre de cet oiseau représentait le corps du Christ et sa présence sur terre parmi les hommes et que sa partie aérienne représentait Dieu et sa partie spirituelle. Et le cycle vital du phénix restait souvent associé à l’image des « Mille ans de bonheur » qui doivent réunir sur terre le Christ et les fidèles ressuscités.

Dans la symbolique alchimique, il est la destruction et la recomposition de la Materia Prima qui se transforme pour devenir pierre philosophale.

Dans la pensée philosophique et religieuse persane, le farsi (qui est la forme parlée du Persan) a nommé Angha ou Ghoghnous tout oiseau mythique qui se brûle lui-même pour mourir et renaître de ses cendres.

Dans la tradition chinoise, l’oiseau légendaire Feng-Huang qui symbolise le bonheur conjugal est l’équivalent du phénix car il est issu de l’union des forces solaires et lunaires. Pour les Chinois, cet oiseau mythique aurait été de nature androgyne, c’est à dire qu’il serait mâle et femelle à la fois. Dans ce cas, il représenterait la félicité et l’harmonie suprême. Et dans d’autres contrées asiatiques, le phénix ne serait pas hermaphrodite mais bien sexué : le phénix mâle se nommerait Feng et le phénix femelle se nommerait Huang. Les deux unis formeraient ainsi l’allégorie du bonheur conjugal et leur union les conduirait au nirvana, au paradis des immortels.
Alors que dans d’autres légendes, ce qui est étonnant chez cet animal, c’est qu’il n’existe pas de phénix femelle. Il est donc impossible pour eux de perpétuer l’espèce par la procréation. Mais alors afin d’assurer à cette race une certaine survivance, cet oiseau fabuleux est doté d’une extraordinaire longévité pouvant aller jusqu’à 500 ans.

En plus de son prodigieux pouvoir de résurrection, le phénix est doté d’autres pouvoirs magiques tout aussi étonnants : par exemple son chant aurait la capacité de donner du courage à l’homme au cœur pur et de la crainte à l’homme au cœur impur. De plus, ses larmes peuvent guérir tout être vivant, qu’il soit malade, blessé ou à l’agonie.

De nos jours la symbolique du phénix renvoie à l’image de l’âme, de sa renaissance mais aussi à l’esprit et la lumière. Et si plusieurs œuvres littéraires continuent d’utiliser la richesse de ce mythe, comme par exemple le conte philosophique de Voltaire « La princesse de Babylone », les écrits de Rabelais ou encore Harry Potter, c’est parce qu’il symbolise l’un des nombreux rêves de l’homme : celui de renaître de ses cendres, de se délester de ses erreurs passées pour ensuite se reconstruire et poursuivre inlassablement sa quête d’éternité.


Odéliane


illustration : Anna Ignatieva.